PULP@LE BIKINI, TOULOUSE25/05/11
"Do you remember the first time?" entonne le groupe à neuf heures pétantes, sans avoir été précédé par une quelconque première partie. Mon first Pulp ? Oui, je vais m'en souvenir, merci de demander. Une impression d'irréel se trimballe déjà dans la salle, le public n'a pas encore tout à fait fini de s'installer et il ne réalise pas vraiment à qui il a à faire en face de lui : "Non, c'est vraiment Pulp là ?". Affirmatif. Oh, ils ont certes vieilli quand on les compare aux photos des livrets des CDs, des cheveux en moins, pas mal de rides, une silhouette qui n'est plus aussi élancée qu'elle l'était, mais on reconnait quand même le line-up de l'époque Different Class. Celui qui a le moins changé, c'est bien Jarvis Cocker : toujours aussi dégingandé, toujours avec des mèches de cheveux a l'air gras qui tombent dans les yeux, chemise et costard, même voix grave et séduisante... il n'y a que la barbe qui se charge de rappeler que de la bière a coulé sous les ponts depuis. Depuis quoi au juste ? Le 25 mai 1994 d'après Jarvis. Dix-sept ans jour pour jour plus tôt Pulp jouait au Bikini à Toulouse. D'ailleurs à ce propos il fait une blague super drôle en demandant s'il y a quelqu'un dans la salle qui serait né en février 1995 ("So it was you! I came back for you!"). Pendant presque tout le set il ponctuera chaque chanson d'une petite remarque toujours pertinente et plaisante, parfois dans un français très approximatif, avec son air de dandy anglais un peu négligé qu'on lui imaginait bien avant même de le voir en vrai (exemple au début de cette vidéo). Un bémol cependant dans son interaction conséquente avec le public : il ne parle qu'aux vieux. Par vieux j'entends trentenaires ou quarantenaires, je ne sais pas trop, des gens qui répondent bien fort "we procreated!" quand le grand diable leur demande ce qu'ils ont bien pu faire en dix-sept ans. Pas vraiment le même délire que celui des petites poignées de jeunes présents quand même ce soir là. On n'aurait pas le droit d'être ici si on n'a pas dansé sur "Common People" à notre crémaillère en 1996 ? Et puisque nous sommes lancés sur le public, une précision. Si Jarvis Cocker n'a rien perdu de son déhanché animal et de sa fougue sur scène, le public lui, s'est ramolli (les grossesses sûrement) et même s'il adore "Disco 2000", il peine à remuer comme il le faudrait sur un tel tube. Il compense en s'époumonant sur les paroles.
Parce que j'imagine que tous les concerts de reformation jouent sur la nostalgie, Pulp privilégie largement la discographie des jours de gloire (les albums His 'n' Hers et Different Class), et comme il n'y a presque que des hits dessus, ça marche très très bien. Pour ne citer que mes préférés : "Do You Remember The First Time?" est une entrée parfaite en la matière, l'enchaînement "Disco 2000" et "Babies" est un super combo, "F.E.E.L.I.N.G.C.A.L.L.E.D.L.O.V.E" prend une dimension tout autre en live et se révèle avoir l'étoffe d'un hymne et "This Is Hardcore", rare morceau post-1995 sur la set-list du concert, est un moment assez magnifique. Après nous avoir gratifiés d'un attendu "Common People", Pulp quitte la scène sous un tonnerre d'applaudissements (en même temps, il n'y a que des fans pour assister à ce genre de concerts, ça aide). Ils reviennent pour un coquet rappel de cinq chansons, dont, ô joie, "Countdown", qu'ils présentent comme un titre qu'ils n'ont presque jamais joué de leur carrière. Les deux heures complètes de concert (oui oui) s'achèvent totalement sur "Mis-Shapes", alors qu'on se demandait quel tube ils avaient encore en réserve.
Ce concert, c'est aussi l'occasion de montrer, pour ceux qui n'avaient jamais vu le spécimen sur scène, et de confirmer, pour les anciens, que Jarvis Cocker est un vrai showman. Il maîtrise sur le bout des doigts les adresses au public, les mouvements qui seraient ridicules s'ils étaient réalisés par n'importe qui d'autre, l'occupation de l'espace scénique, les soupirs langoureux (gérontophilie bonjour)... C'est vraiment bien rôdé tout en semblant très naturel. Pour ce qui est du reste du groupe, il faut avouer qu'on ne l'a pas vraiment regardé, Cocker éclipsant tout (ce qui est peut être dommage d'ailleurs).
On part sans vraiment réaliser ce qui vient de nous arriver. Si tous les concerts qu'ils vont faire en festival cet été ressemblent à celui qu'ils ont joué au Bikini, alors oui, Pulp avait intérêt à se reformer, pour le bien de tous.