La résolution allemande est donc pour partie évidemment politique (le poids électoral des Verts et plus encore de l’idéologie Verte) et surtout culturel.
Il existe une culture allemande, die Kultur, ancrée dans la Nature, die Natur, tandis que l’Europe méditerranéenne est plus humaniste : une Allemagne païenne contre une Europe chrétienne. Du paganisme saxon (à qui nous devons l’arbre de Noël), au romantisme germanique et à la passion contemporaine pour les arbres, la continuité est indéniable même si elle ne résume pas à elle seule une certaine « âme » allemande. Cette culture de longue durée est sans nul doute, la toile de fonds de l’hostilité envers l’énergie nucléaire perçue comme un viol de la Nature.
S’ y ajoute une raison historique profonde : le pacifisme allemand en réaction contre l’aventurisme nazi. Ce qui est bien expliqué par Daniel Cohn-Bendit : lui n’est pas hostile au nucléaire pour des motifs écologiques ou naturels ou culturels mais parce que les centrales nucléaires sont toujours des installations quasi militaires, ceintes de barbelés et de gardes, l’expression aussi d’un pouvoir d’État fort. Le nucléaire est développé là ou les États sont forts : Japon, France, Suède, États Unis, Chine, Russie… Cohn Bendit n’aurait pas d’objections majeures contre des petites centrales rustiques mais il n’en existe pas (les Japonais en avaient toutefois le projet). Paradoxe : la protection quasi militaire des centrales nucléaires est en partie nécessaire contre les agressions des écologistes eux-mêmes.
Parce que le nucléaire n’est jamais tout à fait civil et parce qu’il semble rompre avec une Nature éternelle et immuable, le nucléaire n’est pas allemand ou pas ressenti comme tel par la plupart des Allemands. Tels sont, je crois, les raisons profondes quasi psychanalytiques de son rejet, évidemment déguisées derrière un discours d’apparence logique, en fait irrationnel. Mais la logique ne fonde pas l’âme des peuples ni la gestion des foules.
Article repris du blog de l’auteur, avec son aimable autorisation