Mirwais est depuis toujours assimilé à la scène française, chose forcément justifiée puisqu’il arriva en France à l’âge de 6 ans… de Suisse. Autrement, sachez encore que son métissage est davantage prononcé, sa mère étant Italienne, son père Afghan.
À l’âge de 18 ans, il forma Taxi Girl, avec notamment Daniel Darc, le célèbre groupe se séparant en 1986. Ce fut l’une des influences de nombre d’artistes, entre autres Air ou Daft Punk.
Pas étonnant, donc, que Mirwais se mette à produire de la musique pour les autres, tout en s’occupant également de ses propres créations. Grâce à son ami français Stéphane Sednaoui (photographe et réalisateur de vidéos habitant depuis les années 90 à New York), il se fera connaître de Madonna, dont il produira plusieurs albums, le premier d’une longue série ayant été Music, carton planétaire absolument faramineux.
En même temps, Mirwais réunit une collection de morceaux qui formeront, en 2000, son album Production. Un titre choisi pour certainement assumer et affirmer son travail, mais qui peut être considéré comme une erreur dans le sens où ses neuf morceaux se suffisent totalement à eux-mêmes, grâce à l’âme personnelle qu’il leur a apportée.
« Disco science » (avec un sample de « Cannonball » des Breeders) et « Naïve song » ouvrent le tout de façon assez légère, malgré les beats très acérés qui jalonneront d’ailleurs tout l’album.
« V.I. (The last words she said before leaving) » est un hommage plus qu’assumé à Serge Gainsbourg dont il reprend le titre « Cargo culte », le re-produisant à sa manière.
« I can’t wait » est presque de la même veine que les morceaux initiaux, si ce n’est qu’une pointe d’amertume est perceptible tout au long du titre. Un morceau cependant très dansant.
« Junkie’s prayer » ne fait pas dans la dentelle avec ses paroles tout à fait dignes de ce que pourrait clamer beaucoup de jeunes (au sens large du terme) qui côtoient les nuits endiablées du monde moderne. Un morceau énorme, peut-être mon préféré, qui incorpore un sample du court métrage Louange de Jean-Paul Allegre.
« Definitive beat » est assurément le plus âpre de tous, je vous laisse vérifier à quel point le titre est pertinent.
Non mentionné dans le tracklisting du disque, ce n’est qu’en l’écoutant ou dans les crédits du livret que vous vous rendrez compte que Madonna figure sur Production : « Paradise (Not for me) » est un titre que vous retrouverez également sur la première collaboration entre les deux artistes, Music. Évidemment, c’est le titre le plus facile à écouter, le plus pop, le plus calibrer pour toutes les oreilles. La voix de Madonna ajoute beaucoup à cette familiarité immédiate. Néanmoins, Mirwais apporte une touche électro très sure, il fait visiblement exactement ce qu’il avait l’intention de faire, Madonna ayant laissé libre court à la créativité du producteur dont elle a à l’époque dit qu’il est un vrai génie.
En fin de parcours, « Never young again » et « Involution » (à l’univers proche de celui de la drum’n’bass) poursuivent le chemin parcouru jusque là, assénant encore plus de onze minutes de sons à la fois familiers et personnels.
Madonna ne s’y était pas trompée en travaillant avec Mirwais sur trois de ses albums, et la meilleure preuve du talent du « Frenchy » restera ce disque, qui n’est pas un chef-d’œuvre dans la mesure où il ne révolutionne pas le genre, mais c’est un album diaboliquement génial. La French Touch n’aura réellement duré que quelques années, mais quelles années de folies !
(in heepro.wordpress.com, le 01/06/2011)