L’Espagne est au bord du gouffre. Ses accises économiques n'étaient pas aussi solides que le pont de Ronda
Vous l’avez sans doute remarqué? J’étais moins actif depuis 15 jours, et ce, pour une bonne raison, j’étais en vacances en Espagne. Déformation professionnelle oblige, j’ai assez de matière pour alimenter une douzaine de billets. Je vais cependant me limiter à quelques-uns. Donc, d’ici la semaine prochaine je vous transmettrais mes carnets d’Espagne.
Tout de suite je vous avoue que ce fut un de mes plus beaux voyages à vie. Les paysages, la mer, la bouffe et les bons vins m’ont conquis. La réputation de l’Espagne n’est pas surfaite. J’ai fait la Costa del Sol en Andalousie, Palma de Mallorca aux Îles Baléares et Barcelone.
Avec 46 millions d’habitants, l’Espagne est le deuxième grand colonisateur (derrière le Portugal). Après la France, c’est le pays d’Europe le plus étendu. Partout, l’histoire ancienne se mêle au modernisme. Ici et là des vestiges des périodes d’occupation romaine ou arabe, mais depuis toujours les arts et l’olivier sont vénérés.
Économiquement, l’Espagne est à genou
Le chômage atteint 44% chez les moins de 25 ans
Comme un taureau affaissé, elle vacille. Depuis peu, elle connaît des manifestations et soulèvements populaires rarement observés. Les «indignés de Madrid» font les manchettes. Il faut dire que l’Espagne est contrainte de sabrer sévèrement dans ses programmes sociaux. Les menaces de privatisation n’épargnent aucune société d’État. La crise de 2008 est loin d’être terminée et semble même s’envenimer. Victime de sa croissance immobilière effrénée des années 2000, le «S» des PIIGS (Portugal, Italy, Ireland, Greece and Spain) se contorsionne de douleur avec un taux de chômage de 20,5%. Chez les jeunes, c’est la catastrophe. 44% des moins de 25 ans sont sans emploi et envahissent les espaces publics en guise de manifestation. Le touriste comme moi ne peut manquer d’observer les centaines de commerces fermés et les campements de fortune des jeunes sans ressource.
Que s’est-il passé?
À l'image de sa bulle immobilière, la crise en Espagne est sans précédent
Dans toute la grande Europe, aucun pays ne s’était autant spécialisé dans la construction. De beaux et bons emplois, bien rémunérés. Jusqu’à l’éclatement de la bulle en 2008, le gouvernement Zapatero a puisé la majorité de ses revenus dans les taxes et impôts liés à l’habitation et au développement immobilier. La dépendance à un seul secteur économique a rendu tout l’appareil gouvernemental vulnérable. Ruinée par la boulimie immobilière et la cupidité de ses banquiers, L’Espagne a maintenant besoin de 448 milliards pour faire face à ses obligations financières des 18 prochains mois. C’est trois fois plus que la Grèce, qu’on savait déjà dans les sables mouvants.
En arrivant en Espagne, j’ai séjourné dans la magnifique Marbella de la Côte du Soleil. Une cité qui jusqu’à récemment représentait LA station balnéaire des riches et puissants, mais aussi, le berceau de la spéculation sans scrupule. Des chanteuses pop, des joueurs de foot, des mafiosos, des promoteurs et des élus, etc. Des centaines de personnes ont trempé dans des magouilles à faire saliver les enquêteurs de notre Escouade Marteau.
Au plus fort de la bulle immobilière, on construisait partout des tours à condos. Sans vergogne, les promoteurs s’installaient parfois sur des parcs municipaux ou encore sur des lopins de terre de citoyens qu’on n’avait même pas pris la peine d’exproprier. Pour vous donner une idée de l’ampleur de la corruption systématique qui gangrenait Marbella; au début de l’enquête les policiers ont saisi 2,4 milliards d’euros (3,4 milliards $ canadiens) en biens d’origine suspecte. Le 7 avril 2006, fait inédit en Espagne, le conseil municipal a été dissous sous ordre gouvernemental.