[Critique DVD] Angèle et Tony

Par Gicquel

L’air de la Normandie, sans doute. Après le très beau roman de Claudie Gallay, « Les déferlantes », où deux êtres se cherchaient sur le bord des falaises, et dans le souvenir d’un passé douloureux, Alix Delaporte jette les amarres à Port-en-Bessin, pour y peindre de la même manière la naissance d’un couple improbable. Marin-pêcheur, Tony recherche l’âme sœur et la découvre pense-t-il dans cette fille si mystérieuse qui un jour répond à sa petite annonce.

Elle a tout à reconstruire, et lui ne sait pas ce qu’il espère réellement.Ils sont si différents. La confrontation des premiers échanges se mue en un face à face étrange ; elle le cherche, lui la fuit, au cœur d’un monde qui toujours les rattrape. Un petit garçon en attente de sa maman, des pêcheurs en guerre contre la politique des quotas, ce monde bien réel dans lequel ils dérivent,  les chahute,  les bouscule  et façonne indistinctement leur destinée.

Cliquer ici pour voir la vidéo.

La cinéaste signe le scénario de ce premier film, et le fait est important ici, dans la manière dont se déroulent les événements.Car plus qu’une démarche cinématographique, j’y vois un regard très littéraire sur la construction des personnages et leur évolution. Peut-être est-ce l’influence du bouquin de Claudie Gallay, mais à travers les images de la jeune réalisatrice, tous les sentiments, les incertitudes me paraissent assez prévisibles. Même la musique de Mathieu Maestraci  me rappelle les mélodies marines de Tiercen. Prévisible, elle aussi…

D’une mise en scène, j’attends des situations, et une dramaturgie, ici totalement édulcorée par ses enjeux. C’est le jeu des acteurs qui prime (Clotilde Hesme et Grégory Gadebois, bien appliqués), et si la direction est parfaite, elle n’indique pas aux personnages leur place dans le cadre, le regard dans l’objectif.

Pour ces deux êtres qui ont tant à donner, j’aurais aimé qu’ils deviennent réellement ce que suggère leur propre histoire. Mais ils ne font que l’édulcorer, et malgré tout l’attachement qu’ils suscitent, personnellement je n’ai pas pu les retenir…

LE BONUS

Clotilde Hesme s’explique sur la manière dont elle a abordé son personnage. Des réponses hésitantes,  ce n’est pas du pré mâché. «  Il n’y a pas que le jeu » dit-elle, « mais aussi  du naturel, de la sincérité, et au fil du tournage je ne jouais plus, je racontais tellement l’histoire de cette fille que je suis devenue cette fille. » Peut-être aussi parce que la technique, elle évite «  je ne me rencarde pas sur les focales, sur la distance à laquelle on me filme, mais, la façon de placer la caméra, avec pudeur  ça aide à jouer. »

Grégory gadebois reconnaît d’emblée avoir du mal à parler de son travail. Il évoque timidement  les scènes qui lui ont fait peur, comme celle où il doit chanter ( !) ou plus compréhensible une scène d’amour . « C’était «  la grosse cascade » j’ai dépassé ma pudeur, et plus que ça, mon travail ce ne sont que des pudeurs à faire tomber, comme parler fort, avant je n’y arrivais, on sait tout faire, on a tout en nous, il faut juste oser le faire ». Et le fait d’avoir à séduire «  une si belle jeune fille, c’est un contre emploi ». Drôle de bonhomme !