Spoilers
Drink up me hearties, yo-ho! Le capitaine Jack Sparrow est de retour!
J'avoue. Admettre que cette phrase justifie quasiment à elle seule mon coup de coeur pour ce 4ème opus revient également à en admettre son échec relatif. Même si, toutes proportions gardées, on ne peut pas parler de naufrage non plus (pas encore). Il s'agit de Pirates des Caraïbes, que diable!
Alors, comment se portent les matelots du côté des mers du sud? Ils racornissent, moussaillons, ils racornissent...
A l'image d'un Barbossa vieillissant, poudré et perruqué, devenu corsaire au service de sa majesté, la folle équipée de la première trilogie emmenée par Gore Verbinski semble s'être abîmée en cours de route, comme les parchemins sur lesquels ils suivaient l'emplacement de tel ou tel trésor maudit. Pourtant, si la nostalgie des précédents opus se fait jour chez certains d'entre nous, le grand écran, lui, en est exempt. Des fondements de la saga, faisons table rase! Telle pourrait être la devise de ce POTC 4, tant il oublie de s'embarrasser de quelques flashs-back bienvenus. Le dossier Will/Elizabeth est définitivement clôt - même pas une petite allusion, rien, remisés au placard les tourtereaux - l'équipage du Black Pearl n'est plus - à part Gibbs et le singe, quid des autres joyeux drilles ayant secondé Barbossa et Sparrow auparavant? Nada. - le Black Pearl lui-même a été miniaturisé - un coup de Barbe Noire, mouais... Une histoire de gros sous plutôt - et l'océan semble très loin à l'horizon, ici. Car, non contents d'avoir effectués des aménagements drastiques en raison de coupes budgétaires importantes - ça fait doucement rire quand on connaît le poids d'une telle franchise - les têtes pensantes de ce nouvel opus, inspiré du On Stranger Tides de Tim Powers, ont purement et simplement envisagé celui-ci comme un... reboot. Alors bon, pourquoi pas, dans certains cas. Mais là, non seulement c'est à peine justifié, mais en plus c'est fait avec une maladresse sans nom.
On ne peut décemment pas écrire la suite directe d'une franchise aussi riche tout en voulant s'affranchir de ce qui a fait sa gloire, en s'imaginant que l'immense majorité du public ayant vu les précédents opus n'y verront que du feu. Le seul fil conducteur de la saga, brûlé rapidement tel le vestige indésirable d'une époque révolu, c'est la fameuse carte menant à la Fontaine de Jouvence qui avait fait son apparition dans le 3ème volet. Dés lors, l'aventure prend le tournant logique, quoique manquant singulièrement de passion, de la découverte de cette fontaine. Et de réutiliser, à n'en plus finir, les ingrédients du 1er volet, sans la moindre virtuosité: le combat sur les poutres entre Jack et Angelica, écho à peine voilé au duel dans la forge entre ce même Jack et Will, en est un brillant exemple. Si le tout avait revêtu des atours d'hommage, l'effet aurait sans doute fait mouche. Là, il lasse.
La similitude entre les différents volets se poursuit à diverses échelles: Barbe Noire ressemble à s'y méprendre à Davy Jones - sans les tentacules - (ils ont même repris le coup de la barbe qui fume, vue dans le 1er opus); un nouveau couple dégoulinant de bons sentiments fait son apparition, avec une composition en miroir par rapport à Will & Elizabeth (le missionnaire et la sirène, baptisée... Syrena. On s'étrangle de rire), et dont le destin est scellé en deux coups de cuillères à pot; une Fontaine de Jouvence en ersatz de l'Île de la Muerte; des matelots zombies, hybrides des morts-vivants de Barbossa et des hommes-poissons de Jones...
Les quelques éléments "nouveaux" susceptibles de secouer un peu le tout n'ont, hélas, pas la portée escomptée. Ainsi, le personnage d'Angelica, incarnant une ancienne amante de Jack, a pour effet de fragiliser le pirate désinvolte en insinuant en lui quelque chose comme "un tressaillement". On fulmine.
Mais alors, tout est-il à ce point décevant dans ce POTC 4? Pas tout à fait, non.
Du côté des (très) bons points, nous avons, en pôle position, d'une part notre très aimé Jack Sparrow, toujours aussi facétieux, toujours aussi fêlé du bocal, et d'autre part, notre très apprécié Barbossa, toujours aussi acariâtre. Le duo fonctionne toujours aussi bien, tel un couple de mères maquerelles s'envoyant des fions en permanence sans pour autant pouvoir exister l'une sans l'autre... et ce pour notre plus grand plaisir. Et même si, dans cette aventure-ci, ils manquent parfois un peu de piquant, ils assurent, à eux seuls, l'intégralité du spectacle.
La présence de Hans Zimmer à la partition met du baume au coeur. Fidèle au poste, il réinterprète les thèmes phares de la saga avec subtilité, distillant, pour le coup, une vraie nostalgie au coeur de la bande son. Une sacrée vibration qui a le goût du large (à défaut de le voir beaucoup).
Les coupes budgétaires ont parfois du bon (j'ai écrit ça, moi?). Elles poussent les scénaristes à se creuser un peu la cervelle, de temps à autre. Ici, ça donne une plongée mémorable dans le Londres du 18ème siècle (?), et une confrontation entre Sparrow et son altesse royale absolument irrésistible.
A défaut d'avoir de vrais pirates sanguinaires dans ce volet, on pourra se consoler avec les sirènes de Disney qui, pour le coup, n'ont rien à envier aux plus vils des vampires. Carnassières en diable, on aurait souhaité d'elles d'avantage de présence à l'écran, mais leur trop bref passage dans la crique suffit à marquer les esprits très efficacement.
En toute mauvaise foi, j'ai accueilli ce film avec une dose énorme de plaisir coupable. Parce que le retour d'un personnage aussi emblématique que celui du Capitaine Jack Sparrow est un événement en soi qui se suffit à lui-même. Ôde narcissique en puissance à son personnage central, Pirates des Caraïbes donne parfois l'impression de tourner en rond, certes, un peu comme le compas de ce cher Jack. Mais l'aiguille continue de pointer vers notre coeur, séduit une fois encore par cette bande de forbands. Je croise juste les doigts pour que les deux prochains volets, d'ores et déjà sur les rails, fassent bien mieux que celui-ci, et donnent moins dans la mièvrerie (en même temps, Rob Marshall quoi...) que dans l'aventure sombre et débridée que la saga a su être, en son temps.
P.S.: Si vous le pouvez, évitez la 3D, absolument inutile, qui ne fait que desservir le film... et votre porte-monnaie.