Quel suspens! J’imagine que vous n’avez pas pu profiter de votre weekend tant vos pensées se portaient vers les 5 dernières espèces du Top Ten que nous avions commencé à décrire Jeudi dernier. Il est temps de relâcher la pression, car voici nos 5 dernières étranges créatures découvertes en 2010, et toujours présentées par ordre de taille:
On avait terminé notre première partie par des champignons bioluminescents, commençons donc celle-ci avec des champignons…. subaquatiques! Psathyrella aquatica est le tout premier spécimen de champignon qui pousse entièrement sous l’eau d’un fleuve de l’Oregon. Même sa partie sporophore est immergée (la partie qu’on connait le mieux, en forme de chapeau). C’est très curieux à bien des égards: hormis le fait qu’on n’a jamais trouvé de champignons poussant dans l’eau (surement un biais d’observation! Bêtes que nous sommes de partir avec des a priori…), il reste curieux que le sporophore justement reste immergé (et il résiste bien au courant, jugez plutôt ici). Cela implique que les spores du champignons que celui-ci relâche vont se disperser dans l’eau. Du coup, on aurait tendance à croire que ceux-ci, portés par le courant, finiraient par déplacer la population de champignons hors de la rivière. Comment ce champignon peut donc t-il remonter le courant pour rester en place? Une des hypothèses avancées est la zoochorie, un terme qui claque mais qui veut aussi dire quelque chose: le transport des spores à l’aide d’un intermédiaire animal, comme des animaux invertébrés marins qui remontent la rivière pour se nourrir ou se reproduire.
En tout cas, coup de chapeau au champi Cousteau!
Spéciale cace-dédi à tous nos lecteurs arachnophobes! En soit, Caerostris darwini, alias l’araignée des écorces de Darwin, n’est pas un spécimen d’une taille trop impressionnante: environ 5cm pour les femelles et 1 cm pour les mâles… (Pourquoi une telle différence entre la taille du mâle et de la femelle? Et bien cette différence est ce qu’on appelle un dimorphisme sexuel dont nous parlait Vran il y a quelques temps).
Avec une toile de cette taille, il n’est pas surprenant que Caerostris darwini doive utiliser un fil d’une souplesse et d’une solidité à toute épreuve. C’est justement ce qui a poussé Ingi Agnarsson, le chercheur qui a découvert pour la première fois ces araignées en 2001, à visiter de nouveau le Madagascar en 2008 et 2010(Oui, parfois il y a des chercheurs pour lesquels les sacrifices sont énormes afin de faire avancer la science) afin d’analyser plus minutieusement les toiles et la soie de cette nouvelle espèce arachnide. Il a ainsi découvert que la soie de cette araignée est deux fois plus élastique que n’importe quelle soie d’araignée précédemment étudiées (ou comme dirait Joey Starr, encore plus souple que la plus souple de tes mygales!). Ajoutez à ça une solidité capable de soutenir des tensions de 350MJ/m3 et vous obtiendrez un fil 10 fois plus solide qu’un fil de Kevlar de même diamètre, alias, le matériau biologique le plus solide jamais trouvé!
Je pense qu’à force de mettre des poissons zarbes sur ce site (cf. le poisson blob, les poissons amphibies et les poissons à tête transparente), je devrais créer une rubrique à eux seuls. Voici l’exemple d’un poisson appartenant à la famille des ogcocephalidés ou plus communément appelés poissons chauve-souris (un nouveau dans votre collec’ de poissons trucs). Son nom, Halieutichthys intermedius, il le doit au fait qu’il vient de la description attentive de différents spécimens provenant du golfe du Mexique. Ainsi, il doit son qualificatif d’intermedius au fait qu’il possède des caractéristiques intermédiaires permettant de le différencier de deux autres espèces décrites par ses découvreurs: Halieutichthys aculeatus and Halieutichthys bispinosus.
Il s’agit d’une découverte dont l’importance a été rehaussée par l’évènement dramatique ayant eu lieu dans leur habitat naturel. En effet, avec cette nouvelle description, les chercheurs travaillant sur les eaux souillées du Golfe du Mexique vont pouvoir déterminer si des spécimens sont toujours observables ou si nous avons assisté à l’éradication totale de cette espèce, un an à peine après avoir été découverte…
Vous n’avez pas encore eu votre dose de déprime? Qu’à cela ne tienne, en v’la du rab’: Philantomba walteri est une nouvelle espèce d’antilope d’Afrique de l’Ouest, mesurant 40cm pour 6 kilos, et dont les spécimens ont été découverts… dans un marché de viande de brousse tenu par des braconniers! Joie! Pour les plus morbides, voici à quoi leurs dépouilles ressemblent (ici et là). Mais pourquoi les chasser s’ils sont si petits? Et bien le goût de leur chair est très prisé, ainsi que l’usage de leur cornes en médecine traditionnelle… Des analyses comparatives des cranes de ces antilopes (de la famille des Duikers) ainsi que de leur ADN ont permis de confirmer la découverte. Leurs carcasses vont peut être aider à renforcer la protection de toutes les espèces de Duikers d’Afrique de l’Ouest, maintenant que l’on sait que la confusion entre différentes espèces proches et en voie d’extinction est possible.
Qui aurait cru que la plus balèze des espèces découvertes en 2010 soit un lézard. Et pourtant dans le genre balèze, Varanus bitatawa avec ses 2 mètres de long, est un sacré… farceur! En effet, il a beau mesurer 2 mètres, il ne pèse que 10 kilos le bougre! Difficile à croire cependant que ce varan des forêts de Philippine du Nord ait pu si longtemps échapper à l’attention des zoologistes. Les habitants locaux, les Agtas et Ilongots, le connaissent pourtant bien… en ragoût ou en steak. bitatawa est d’ailleurs le nom que lui donnent les autochtones et qui fait maintenant partie de son nom scientifique.
Et pourtant, de nombreux indices laissaient supposer qu’un lézard devait parcourir les forêts dans lesquels cette nouvelle espèce a été découverte. Varanus bitatawa appartient au nombre restreints de Varans fructivores. Or, de nombreux arbres fruitiers des environs portaient les traces du passage d’un animal inconnu et qui devait porter de belles griffes. Quand on apporta à Rafe Brown la dépouille d’un Varan de 2 mètres des forêts du Nord de la Philippine, cet Herpétologiste de renom (et si vous vous demandez, on envoie pas des lézards à des spécialiste de l’herpès, mais à un herpétologiste qui est un spécialiste des reptiles et des amphibiens… ce qui n’a aucun sens en terme phylogénétique, mais bon, chacun sa merde…), donc où en étais-je dans ma phrase à rallonge… Ah oui: quand on apporta à Rafe Brown la dépouille d’un lézard de ces environs, celui-ci s’empressa d’ouvrir ses entrailles et y découvrit moult fruits bien décomposés, mais pas de traces de vers, grenouilles, ou insectes charnus! Il tenait donc son fructivore manquant!
Et voici donc la fin de ce Top Ten. J’espère que l’année prochaine je saurai mieux décrire des espèces Funky sur SSAFT pour améliorer le pronostic lamentable de 2011. A mon clavier donc…
Liens:
Article Why Evolution Is True
Article National Geographic
Article Not Exactly Rocket Science
Références:
Kuntner, M. and I. Agnarsson. 2010. Web gigantism in Darwin's bark spider, a new species from Madagascar (Araneidae: Caerostris). The Journal of Arachnology 38(2):346-356.
Welton, L.J., C.D. Siler, D. Bennett, A. Diesmos, M.R. Duya, R. Dugay, E.L.B. Rico, M. van Weerd and R.M. Brown. 2010. A spectacular new Philippine monitor lizard reveals a hidden biogeographic boundary and a novel flagship species for conservation. Biology Letters 6(5):654-658.
Colyn, M., J. Hulselmans, G. Sonet, P. Oudé, J. de Winter, A. Natta, Z.T. Nagy and E. Verheyen. 2010. Discovery of a new duiker species (Bovidae: Cephalophinae) from the Dahomey Gap, West Africa. Zootaxa 2637:1-30.
Frank, J.L., R.A. Coffan and D. Southworth. 2010. Aquatic gilled mushrooms: Psathyrella fruiting in the Rogue River in southern Oregon. Mycologia 102(1):93-107.
Ho, H.-C., P. Chakrabarty and J.S. Sparks. 2010. Review of the Halieutichthys aculeatus species complex (Lophiiformes: Ogcocephalidae), with descriptions of two new species. Journal of Fish Biology 77(4):841-869.