Lettre à un(e) jeune graphiste

Publié le 30 mai 2011 par Equeritet

 

Cher(e) ami(e),

Tout d’abord, je veux te dire que je ne t’en veux pas. Si je vais jusqu’au bout de ma pensée on peut même considérer que je te considère comme une victime. Victime de la folie des hommes, victime de l’inconséquence de l’Éducation Nationale, victime de la décadence linguistique de notre pays. J’ai lu récemment dans le courrier des lecteurs de Télérama (dont je suis un inconditionnel) que c’était de la faute de Claude Allègre (encore lui, décidément…) et de sa stupide réforme, si toi et l’ensemble de ta génération étiez désormais incapables d’écrire votre propre langue correctement. Mais quelle que soit l’origine réelle de ton acculturation progressive, quand on y réfléchit, franchement, ça fait peur ! Tu ne sais plus conjuguer les verbes, tu ne connais plus la différence entre un participe passé et un infinitif, tu ignores les accents, la grammaire, la syntaxe…

Te voici, toi, graphiste, toi dont le rôle est de mettre en forme des messages de communication visuelle, désormais étranger à ce qui constitue une des bases de ton activité : le texte. Comment peux-tu intégrer et appliquer des règles typographiques, complexes et précises, alors que tu ne maîtrises pas des règles orthographiques censées être acquises depuis l’école primaire ? Comment pourras-tu définir des quarts de cadratins insécables, jongler avec les garaldes, jouer du corps de chasse, alors que tu ne fais pas la différence entre un pronom possessif et un pronom démonstratif ?

Vois-tu, graphiste, l’auteur nous confie son message, il nous confie son texte et notre mission est de le magnifier. Nous devons en prendre soin, le choyer, le comprendre et l’aimer. La typographie est son écrin, la mise en page son carrosse, l’affiche son paysage. Qu’il soit court comme une accroche ou long comme un roman, le texte est notre raison d’être. Il est notre matière première, comme la pierre du sculpteur ou la brique du maçon. Nous sommes les gardiens du temple, et si nous, ouvriers des mots, bâtisseurs de cathédrales visuelles, abandonnons ce qui fait l’essence même de notre mission, qui remplira ce rôle à notre place ? Personne.

Bien sûr j’en entends déjà certains me dire : « Patience, bientôt, les enseignants, les employeurs, les correcteurs ne sauront plus eux-mêmes ce qu’est l’orthographe. » Pas faux : on remarque çà et là des signes avant-coureurs de cette époque qui s’annonce. Oh, par petites touches : un panneau de signalisation, un journal, une appréciation sur un bulletin de notes, le langage de nos hommes politiques. Ce n’est qu’une question de génération, finalement.

Mais, cher(e) jeune ami(e), tout au fond de moi une mélodie nostalgique chante en sourdine un bien triste refrain : la langue, par ses nuances comme ses règles incarne la pensée d’un peuple. Si tu m'autorises cette analogie, lorsque le corps se dégrade, il est temps pour l'âme de s'en aller.

Autrement dit, un peuple qui perd sa langue, perd son esprit et sa culture. 

Bien à toi…

Ah ben là, c'est une belle connerie (avec deux "n")

Ouf ! la faute est corrigée… C'est sûr, en orthographe ce graphiste est imbattable (avec deux "t") 

Merci à Alexandre pour m'avoir communiqué cette magnifique perle venant du site de la Société Générale dédié aux professionnels !

Quant à toi, si tu me renvoies un torchon pareil, je le publie sans flouter tes coordonnées !