“On est dans une société loufoque, qui dépense pas mal d’énergie pour l’éducation de sa jeunesse et qui, ensuite, adhère à un système économique qui assure l’écrasement de la jeunesse et de la baisse de son niveau de vie.” E. Todd
Étrange conjonction des évènements, au moment où la Grèce est à l’encan, des hôpitaux aux plages, les jeunes espagnols investissent les places, et l’oligarchie mondiale cherche un nouveau totem. En l’occurrence, une nouvelle icône au FMI, C. Lagarde libérale ministre du gouvernement Sarkozy. Étrange conjonction ou juste rapprochement de faits glissants sur le fil de l’Histoire. Épisodes disjoints dans le temps de la mondialisation ? Dans ces trois cas, les éléments de la démocratie sont questionnés : son processus, sa méthode. D’un côté l’instance supranationale, quintessence du modèle de la gouvernance, c’est-à-dire cooptation oligarchique, de l’autre, un joyeux bazar en perpétuelle agitation. En d’autres termes, la conservation des structures existantes et croupissantes face à l’anarchie et la thermodynamique des foules.
Les spécialistes en commentaires spéculent sur le “mal-être” de la jeunesse pour proposer une explication aux soubresauts que connaît l’Espagne. Ce vocable évoquant une quasi pathologie démontre assez clairement la façon dont est prise en considération la contestation d’une partie du corps social. À l’image des structures en place (supranationale, partis, syndicats), on dispose d’une batterie de traitements déjà prêts. Engoncé dans la phraséologie des casernes partisanes, on prescrit la relance de la croissance (par la consommation), les ajustements structurels, la croissance verte, le développement durable, ou autres impasses (ou balivernes) moult fois empruntées depuis trois décennies. Une attitude frénétique à l’obligation de propositions, ce tropisme militant, confinant presque à la folie.
D’autre part, un jargon officiel renvoyant une partie de la population à sa caractéristique pubère dans son “mal-être”, mais assez adulte pour embrasser les canon de l’économie libérale : responsabilité, individualisme et d’autonomie. Ce qui relève au mieux de la schizophrénie. Pas étonnant que pour une classe d’âge qui vit aux crochets de ses parents, le réveil soit brutal. Avec un réel très en deçà des promesses. Salaires misérables ou nuls, boulots merdiques, baignant dans un univers hyper consumériste.
On affuble cette jeunesse de sobriquets dépressifs au lieu de la considérer saine d’esprit, rationnelle, pleine de vie face à l’ordre cannibale du monde.
Pour éteindre les contestations, on s’appuie fortement sur le concept “démocratie”. C’est-à-dire la faculté d’aller aux urnes à périodicité régulière. D’y élire des représentants, puis le cas échéant, selon la convenance de les réélire ou d’en élire d’autres, plus tard. Et c’est avec une certaine religiosité que ceux qui commentent le “mal-être” des jeunes, psalmodient le “suffrage universel”. Non pas qu’il soit obsolète, ou inutile, mais considérant tous les paramètres, la démocratie réelle ou avancée est loin de se satisfaire d’un voyage cyclique aux urnes. Ce que demandent principalement les « indignés » en dehors des doléances matérielles c’est la sortie immédiate de la démocratie rudimentaire. Celle du pouvoir politique certes élu, mais aux ordres des institutions financières. De Metapotentats où règne la gouvernance. C’est-à-dire une façon de régir s’affranchissant de toutes contingences populaires. Le zéro absolu de la démocratie.
Un niveau zéro démocratique que brigue C. Lagarde. Ancienne avocate d’affaires rompue à la technocratie libérale. Zélatrice des plans d’ajustements structurels dans la droite lignée des prérogatives du consensus de Washington. Trois ans après l’apoplexie financière, le pouvoir supranational auto-acclamé revient aux affaires après une parenthèse dite keynésienne.
Alors que les places espagnoles vivent un instant d’anarchie anonyme, l’oligarchie mondiale se cherche une nouvelle star. Une figure emblématique pour entériner les desiderata de la “gouvernance”. La grande constante des « révolutions » si petites soient-elles, c’est qu’elles avortent toujours. Goguenards, les conservateurs de tous ordres, des sociaux-démocrates aux monarchistes, la toisent du haut des balcons. Souvent affublées de kermesses, elles finissent immanquablement en eau de boudin. Les conservateurs plastronnant du château se réjouissant de la suivante.
Seulement. Les révolutions n’ont jamais lieu, c’est pour cela qu’elles sont surprenantes.
La génération Y, troupeau désaffecté sans passion, ne semble pas s’acheminer vers un bouleversement de l’ordre établi. Celui des oligarques en auto-célébration. Les mômes, gavés de vacuité papillonnent, et rien ne laisse présager l’ignition. Comme au début du printemps 1968, quand la France se languissait…
Vogelsong – 30 mai 2011 – Paris