Mon premier roman de cette auteure qui en a déjà écrit dix. Il est dédié à « Tous les enfants qui ne sont pas rentrés pour souper ». Ça donne froid dans le dos, dans le mien en tout cas. Sujet extrêmement sensible ; la disparition d’un enfant, alors que dire de deux, et même trois.
Première disparition, celle de Billie, fillette de 8 ans adorée de son papa. En sortant de l’école, où elle tenait à se rendre seule à un cours de ballet imposée par sa mère, elle disparait. Une enquête se met en branle à la face de parents, bien sûr anéantis.
En parallèle, l’auteure nous mène droit à une autre disparition, cette fois d'un garçon de 12 ans, en pleine forêt, pendant un orage et sous les yeux de sa meilleure amie, Marnie. Celle inexplicable disparition a lieu à la campagne, autour d’un cours d’eau. La troisième disparition unira les deux premières, si je peux m’exprimer ainsi, afin de ménager l'intrigue.
Évidemment, c’est un roman qui se veut à suspense. Un roman à ambiance teintée, ne prenez surtout pas peur, d'un zeste d’horreur déposé sur l'ensemble, juste ce qu'il faut pour nous garder inconfortable. J’ai trouvé cette approche de l’auteure non dénuée d’habileté, un efficace amplificateur de la détresse, de l’angoisse, du désespoir qu'entraîne inévitablement la disparition d'enfants.
L’auteure sait y faire, l’expérience se sent, se voit, elle nous mène là où elle veut. Elle a su grandement m’attendrir devant la petite Billie décrite par son père. Une relation unique, un enfant incomparable, attachante, tout pour qu’on sente encore plus la rage de l’impuissance devant l’incompétence crasse des policiers. Ils n’ont pas le beau rôle, ces messieurs les détectives. Et dans les deux cas. Ils arrivent à traiter le père, somme toute une pauvre victime de l’enlèvement de sa fille, en coupable. On le soupçonne et on le soupçonnera. Même chose pour Marnie, l’enfant témoin de la disparition de son ami dans la forêt. À force de la confronter, soupçonner, harceler, le village finit par l’ostraciser, assez pour le père l’emmène loin.
L’auteure nous fait suivre avec art les sentiments intimes du père et de Marnie (qui vieillira de trente ans sous nos yeux), ces deux personnes se présentent comme les plus souffrantes face à l’infernale situation. Elles sont acculées à la culpabilité avec son C majuscule, cependant cette culpabilité ne vient pas de l’intérieur, mais de l’extérieur. Ça m’est apparu quelque peu aberrant qu'elle arrive du regard des gens et de l’attitude des enquêteurs. L’étau se referme encore plus, et ce n’est pas étouffant, comme révoltant.
Quoi faire avec sa révolte quand on est confiné, impuissant, derrière des pages de roman ?!
On réécrit l’histoire ! Chose certaine, je ne l’aurais pas écrit de cette façon. Je n’aurais sûrement pas abordé la culpabilité sous cet angle. Je n'en vois pas le sens. Suis-je ignare, mais je n’ai pas entendu de cas où on ne ménageait pas les émotions des parents éplorés devant ce qui peut arriver de pire ; ne pas savoir où est son enfant, et s'il existe encore. La troisième disparition, vers la fin, m’est apparue plus « normale », on assiste à l’enquête sans nous présenter les parents. Le regard des autres sur eux n'a pas eu cours.
Je pense que je n’ai pas besoin de souligner que j’ai été entrainée par le mystère mais je fus déçue. Déconvenue, puisque j’attendais un dénouement à de la matière qui a existé dans ma tête seulement ! Ça arrive que voulez-vous !
Chose certaine, je salue l’audace d’Andrée A. Michaud d’avoir traité un sujet aussi délicat, aussi noir, aussi révoltant. Et elle y va à fond, je vous l’assure.
Rivière Tremblante, Andrée A. Michaud, Québec Amérique, 368 pages, 30 mars 2011.