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Les nuits de l’équinoxe

Par Montaigne0860

Je commence la publication d’un texte que je n’ai pas terminé. Le titre lui-même est incertain. Mais c’est une manière de m’obliger à mettre un point final à cette aventure dont je ne mesure pas  vraiment le terme. Je n’indique aucun numéro d’épisode ce qui est fort compréhensible…

« On se refait le pitre au château de Roquegente (Dordogne) le 20 mars à venir. On le jouera aussi le lendemain. Je ne peux pas le faire sans toi. Y’a beaucoup à gagner. Affûte tes anches ! Marcato (mon mari) tapera sur la commode. Je t’embrasse

Serena.

Interdit de me faire faux-bond ! »

Après un regard sur ses clarinettes alignées, il soupire, hésite, puis décide de ne pas répondre. Il ira, c’est sûr, il a trop de plaisir à jouer avec elle, mais il déteste le ton du mail… et le mariage avec Marcato ! Elle a donc fini par épouser le singe qui accompagne sa voix velours et or, franchement, cette horreur ! Elle aurait pu l’inviter à la noce?! Non, non, non, ne pas répondre tout de suite, on a le temps, c’est le début de l’année, faut pas pousser. Il éteint l’ordinateur après avoir cliqué sur « démarrer ».

Il se lève, entame une série de gammes, arpèges et autres galipettes liées, détachées ; il adore ces échauffements, étirements des doigts, bonne gymnastique bien saine, puissance et douceur du souffle ; les automatismes lui offrent le plaisir de penser à autre chose, au « Pâtre sur le rocher » par exemple qu’ils nomment « le pitre », ce qui à l’instant encore le fait sourire, alors qu’il est dans les gammes d’ut dièse mineur, dérape un peu, sourit encore, mille fois la même blague, tous ces sous-entendus, folie ! En deux décennies, avec Serena, ils ont dû le jouer une cinquantaine de fois, peut-être davantage : cette pièce de Schubert pour soprano, clarinette et piano est leur hymne national ; tandis que le piano est au rythme (il vient parfois se mêler à la fête) la voix et la clarinette se frottent, s’éprouvent, s’embrassent, se nouent. C’est leur affaire : d’ailleurs, la première fois qu’ils l’ont joué ensemble, les abîmes qu’ils avaient creusés et la joie finale les avaient poussés dans les bras l’un de l’autre. Tandis qu’il fatigue des arpèges sur toute l’étendue de l’instrument, il constate que la question revient depuis vingt ans : pourquoi ne sont-ils pas restés ensemble ? (Il s’arrête de jouer au beau milieu d’une ascension)  La peur. Et à quarante ans, elle se marie avec ce butor !


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