Je suis sur les routes d’Asie d’avril à juillet ; ce billet a été écrit au mois de mars avant mon départ de Shanghai…
Last Train Home est un film documentaire chinois de Lixin Fan sorti en 2009.
Il relate l’histoire d’un couple de travailleurs textile originaire du Sichuan et travaillant à Canton, des migrants comme il y en a des millions dans les banlieues industrielles de toutes les grandes villes chinoises.
Pendant une heure trente, on suit trois années de vie de ce couple, de 2006 à 2008 : leur quotidien à Canton mais aussi et surtout leur unique retour annuel à la maison pour le Nouvel An Chinois. On y est témoin de leurs difficultés face à l’éducation de leurs deux enfants, laissés à la campagne avec leurs grands-parents. La relation avec leur fille aînée devient le sujet central du film : contrairement à ce que souhaitent ses parents, elle abandonne trop rapidement l’école pour travailler elle-même en usine. Si c’est pour elle la fuite d’une vie qu’elle n’aime pas et l’espoir de lendemains meilleurs, pour son père c’est la réalisation de sa plus grande peur : que sa fille « finisse comme eux ».
Ce film est extrêmement touchant. On mesure la distance entre deux générations qui ne se comprennent pas : l’envie de rêves qui animent les uns, la pression incroyable qu’exercent les autres et qu’ils pensent justifiée… On vit de l’intérieur le quotidien contemporain du Laobaixing, le petit peuple chinois, avec ses espoirs et ses destins déçus…
Les scènes filmées dans les gares au moment des migrations pour le retour du Nouvel An Chinois sont incroyables. Le cameraman semble se retrouver lui-même coincé dans l’ahurissante marée humaine, où des milliers de personnes s’entassent pendant des jours dans les gares avec un espoir qui les fait tenir des mois durant : rentrer au plus tôt passer les fêtes en famille. Pour une fois, on mesure l’humain qui se cache derrière les nombres anonymes.
Par ailleurs, certains passages du film semblent cousus de fil blanc, je me suis même demandé si c’était une fiction ou un documentaire. Mais d’autres passages sont tellement réalistes qu’on se demande même si l’irruption de la caméra dans la vie de ces gens ne change pas le cours des choses : la langue de l’aînée se serait-elle tant déliée si la caméra n’était pas là ?
Dernier point fort de ce film, les magnifiques images des campagnes chinoises. Peut-être même trop belles : comment filmer tant de beautés après avoir témoigné du drame quotidien que vivent les gens qui la peuplent ?…
Et vous, avez-vous vu Last Train Home ?
Au plaisir de vous lire à ce propos !