Suite aux débordements sur la page de requêtes aux administrateurs (RA) d'il y a une petite dizaine de jours, un débat s'est engagé sur le bulletin des administrateurs (BA) à propos des "clans, groupuscules et autres", tant leur influence fut plus que jamais visible. Et je ne vous cache pas que, mon égocentrisme narcissique mâtiné d'autosatisfaction permanente aidant, je ne suis pas mécontent de constater que, dorénavant, tout le monde est peu ou prou d'accord pour constater le clanisme ambiant (et la guerre qui va avec), alors que je m'étais (partiellement) pris une volée de bois vert lorsque j'avais osé le dire il y a à peine trois mois.
La conversation dérive rapidement vers un sujet bien plus intéressant, cependant : la sanction par les administrateurs des attaques personnelles. Je l'avais dit et analysé il y a quelques temps : cette sanction, ou non-sanction, dépend de plus en plus souvent des personnalités, pour ne pas dire "wikiréputations", des victimes et agresseurs, que des propos en eux-mêmes. Et s'y ajoutent de plus en plus des considérations claniques (un admin dégommant pour un mot de trop un contributeur du "clan" ennemi ou, à l'inverse, jugeant inutile un blocage pour ceux de son "camp"). Pour ces raisons, mais pas exclusivement, se sont considérablement développées ces derniers mois des requêtes de style cour de récréation, sur le thème "Whaa ! M'sieur l'admin, m'sieur l'admin ! Le vilain, il m'a traité ! Il faut le mettre au coin le bloquer !". On peut remarquer alors, et ça marche de moins en moins souvent au fur et à mesure que les requêtes se multiplient, que les objectifs sont en réalité, soit de faire monter la mayonnaise à propos d'un contributeur dans le collimateur de certains pour un mot pouvant éventuellement prêter à équivoque, soit pour couper court à un débat de nature éditoriale dans lequel on n'a plus d'arguments à faire valoir contre son contradicteur. Bref, la requête pour attaque personnelle, au lieu de contribuer à la construction harmonieuse d'un projet collectif d'encyclopédie en vertu du quatrième principe fondateur, est au contraire devenue un moyen de régler ses comptes ou de dévoyer un débat sain. Résultat, plutôt que de favoriser la paix des ménages, ces requêtes ajoutent à l'inverse encore plus de problèmes et d'huile sur le feu.
Ayant visiblement fait à peu près le même constat (si j'ai bien compris), Dr. Brains propose que les administrateurs cessent de s'occuper de ce genre de problèmes, la sanction des "mots doux" ne visant pas à protéger l'encyclopédie (c'est même parfois l'inverse, comme je viens de l'exposer), et refilent le bébé au comité d'arbitrage (CAr), qui a lui une fonction de régulation des conflits. Serait instituée (encore faut-il le faire) pour l'occasion une procédure allégée et rapide, sur le modèle de la comparution immédiate, grâce à laquelle les arbitres sanctionneraient ou non les propos pouvant potentiellement constituer des attaques personnelles. Et Dr. Brains de préciser que son modèle repose sur une véritable séparation des pouvoirs, les administrateurs étant réellement cantonnés à un rôle d'exécution technique, et le CAr exerçant alors un pouvoir judiciaire accru. Sur le principe, l'idée est belle et bonne, et je peux y souscrire en partie. Mais sur le principe seulement, car je vois d'ores et déjà plusieurs problèmes :
- Comme l'a indiqué Gemini1980, la sanction des attaques personnelles incombe bel et bien aux administrateurs, du moins selon une simple recommandation. Qu'on a donc le droit d'ignorer (et, au pire, une prise de décision reprenant les suggestions de Dr. Brains trancherait définitivement ce problème un peu artificiel de répartition des compétences).
- Il n'en demeure pas moins que certains cas de blocage pour insultes (je pense par exemple aux grossièretés proférées par des IPs ou via proxy, aux injures à caractère raciste, ou encore aux insultes en série en peu de temps) nécessitent une réaction rapide et ferme, que seuls les administrateurs, qui ont le pouvoir technique de bloquer et sont en bien plus grand nombre que les arbitres, sont en mesure d'apporter. Si les suggestions de Dr. Brains se concrétisent, il serait sans doute préférable de fixer des limites (par exemple, que seules les attaques personnelles de contributeurs autopatrolled soient soumises au CAr, ou encore que certains cas ne prêtant pas à confusion demeurent du ressort des administrateurs).
- Autre écueil, souligné par Moyg : les arbitres, en nombre limité, ont déjà assez de travail comme ça, et leur en apporter en plus l'examen d'attaques personnelles quotidiennes ou presque nuirait à leur efficacité dans l'exercice de leurs autres prérogatives (concrètement, les arbitrages qu'ils ont sur le feu). Ce qui serait dommage, toujours selon Moyg, vu l'efficacité retrouvée du CAr. Je soucris à la première partie de son analyse, beaucoup moins, cela n'étonnera personne, à la seconde (qui est plutôt l'expression d'un point de vue, fort respectable bien entendu) : on peut aussi considérer que le comité rendant des décisions contestables et contestées ces derniers temps, et vu l'existence indéniable d'un courant d'opposition de plus en plus fort à l'existence-même du CAr, leur dévoluer ce rôle supplémentaire risquerait d'accroître encore davantage décisions problématiques, critiques et polémiques.
- À ce sujet, et comme je l'indiquais donc dans mon billet précité sur la "wikiréputation", la sanction des attaques personnelles se fait, c'est, dans un sens, humain, de plus en plus à la tête du client. Les arbitres étant eux aussi des hommes, le risque est assez grand qu'ils tombent dans les mêmes travers que les administrateurs, ce qui fait qu'une partie du problème ne sera en réalité pas réglée. Pire, le nombre important d'administrateurs réduit mécaniquement ce risque d'injustice dans la sanction (même si elle existe, parfois, justement, parce que ce ne sont évidemment pas les mêmes administrateurs qui traitent des requêtes similaires), régulation qui ne pourra pas se faire avec neuf arbitres. Sans oublier que les décisions desdits arbitres seront bien davantage scrutées que celles des admins, amplifiant ainsi le risque de critiques.
En conclusion, si je partage donc les constats effectués dans cette section, je suis plus que mitigé sur l'opportunité d'étendre les prérogatives du CAr. Pour moi, la meilleure solution, et je pense que les événements récents ont marqué les esprits en ce sens, est, pour les administrateurs, de faire preuve de plus de recul, de plus de hauteur et de moins de passion dans toute requête pour attaque personnelle à l'encontre d'un contributeur "bien en place". Autrement dit, pour parler trivialement, de laisser pisser, sauf insultes objectivement manifestes (emploi de mots grossiers pour qualifier autrui, propos racistes, répétition de propos litigieux malgré avertissement, par exemple). Moins d'empressement à bloquer et utilisation de critères clairs seront en effet bien plus profitables que substituer un bloqueur (arbitre) à un autre (administrateur), vu que ce sont les natures de la requête et de la sanction qui, dans les faits, posent problème, et feront peut-être un peu réfléchir avant d'initier une demande de blocage pour attaques personnelles. Le problème, c'est que j'ai bien conscience que j'émets probablement un vœu pieux, tant la passion et les guerres de clans polluent désormais ces requêtes. Mais, comme je ne suis pas convaincu par toute autre solution alternative, surtout impliquant le CAr, je ne vois pas d'autre choix.