« Le SMS est faux. Je porte plainte pour faux ». Elémentaire mon cher Watson ! En réalité, c’est beaucoup plus compliqué, parce que la loi pénale ne sanctionne le faux que s’il a pour but la réalisation d’un droit.
Le SMS est faux. Je porte plainte pour faux ». Elémentaire mon cher Watson ! En réalité, c’est beaucoup plus compliqué, parce que la loi pénale ne sanctionne le faux que s’il a pour but la réalisation d’un droit.
La règle est fixée par l’article 441-1 du Code pénal. Allez, un petit exercice de droit pénal : « Constitue un faux toute altération frauduleuse de la vérité, de nature à causer un préjudice et accomplie par quelque moyen que ce soit, dans un écrit ou tout autre support d'expression de la pensée qui a pour objet ou qui peut avoir pour effet d'établir la preuve d'un droit ou d'un fait ayant des conséquences juridiques. »
Essentiel : le faux n’est punissable que s’il sert de fondement à l’exercice d’un droit ou d’une action en justice. Le faux doit être indissociable de ce but.
Un exemple : les faits ayant conduit Dominique Strauss-Kahn a démissionner du ministère de l’Economie et des Finances dans l’affaire de la M.N.E.F. A l’époque, DSK était inscrit à l’accueillant Barreau de Paris, et avait encaissé 600 000 francs d’honoraires pour son rôle au service de la Mnef. Problème, pas de facture enregistrée. Qu’à cela ne tienne, le futur directeur du FMI en fabrique une après coup. L’enquête montre vite que c’est un faux : le papier choisi n’existait pas à l’époque supposée des faits, et les mentions ne correspondent pas. Du travail de bricoleur. Une facture aussi fausse que le SMS, si j’en crois Rama Yade. Oui, mais le travail de DSK, justifiant du paiement des 600 000 francs d’honoraires n’était pas contestables. Le faux avait été établi pour faire combler une lacune comptable, mais pas pour obtenir un droit : DSK a obtenu un non-lieu.
Donc, reprenons l’hypothèse de l’inspecteur Rama Yade : le SMS est un faux. Mais il reste à démontrer que le faux a été établi pour « établir la preuve d'un droit ou d'un fait ayant des conséquences juridiques. » Problème… Cette plainte est un leurre.
Regardons de plus prêt.
1. Difficile de ne pas relever le silence assourdissant de Cécilia. Un démenti de la principale intéressée aurait permis de régler l’affaire.
2. Le procureur de la République de Paris a indiqué qu’il ouvrait une « enquête préliminaire. » C’est le procédé d’enquête light, qui peut permettre de travailler en secret pendant trois mois. D’ici là, les municipales seront passées, et le SMS oublié. De quoi permettre un discret classement sans suite…
3. C’est la première fois dans l’histoire de la V° République qu’un président de la République engage une plainte pénale contre un organe de presse. Le procureur aurait pu choisir d’ouvrir une enquête judiciaire, confiée à un juge d’instruction. Pour une première historique, ce n’aurait pas été disproportionné. Oui, mais alors, la victime peut se constituer partie civile, et le dossier perd de sa discrétion.
4. Même si le SMS est un faux, l’infraction ne tient pas car il manque le but, de la création ou de la reconnaissance d’un droit. Il n’y aurait pas non plus diffamation, car être amoureux n’est pas contraire à l’honneur ou la dignité, qui sont des éléments constitutifs du délit de la diffamation. La vraie infraction est l’atteinte à l’intimité de la vie privée. Dès lors, pour quoi ne pas avoir choisi cette incrimination ? Imagine-ton que le journaliste se défendant : « Il n’y a pas d’atteinte à la vie privée parce que mon article était un faux ! »
Donc, le président a choisi un leurre. Un coup de semonce contre la presse en disant : « Assez ! ». De ce point de vue, j’aurais bien envie d’applaudir. Nous en avons en effet plus qu’assez, et la perte de crédit pour la fonction présidentielle affecte le pays.
Mais qui a mis le feu ? Pendant cette dernière période une scène m’a particulièrement scandalisé. A Louxor, devant les photographes, Nicolas Sarkozy ayant installé sur ses épaules le fils de Carla Bruni, et le petit mettant les mains sur ses yeux pour ne pas être reconnaissable sur les photos… Et ça, ça ne vaut pas une plainte ? C’est moins à la presse de se ressaisir, qu’à notre bien aimé président.
source:http://lesactualitesdudroit.blog.20minutes.fr/