Croisière Camargue Débutants – Deuxième jour

Pâques 2011, 2e jour: les Marins d’Eau Douce mettent le cap sur Aigues-Mortes, déjeunent en compagnie des chevaux de Franquevaux, accostent tant bien que mal à Aigues-Mortes pour faire la chasse aux oeufs dans les remparts, et finissent par danser sur le pont dans le vent au rythme des guitares d’une bande de voisins pirates en goguette fluviale.

Dimanche 24 avril 2011 – Bellegarde-Aigues-Mortes

L’arrivée du jour à travers les rideaux des hublots nous réveille vers 7h. Nous préparons un bon café filtre, bols de céréales, tartines de pain de campagne beurre confiture. Nos voisins dorment encore apparemment, tout est très calme, et le soleil se fraie un chemin à travers les bandes de nuages nocturnes. Les douches sont chaudes et faciles à utiliser, comme les toilettes, mais c’est l’occasion de réviser quelques notions concrètes sur l’épuration pour toute la famille… car tout est rejeté en direct dans le canal

Nous voulons aller jusqu’à Aigues-Mortes, à environ 4h de navigation, le plus tôt possible pour visiter les remparts et y participer à la chasse aux oeufs organisée par les monuments historiques en ce dimanche de Pâques. A 9h tout le monde est prêt et nous larguons les amarres (plus exactement, nous embarquons les amarres que notre fille de 12 ans et moi tirons soigneusement à bord pendant que le capitaine manoeuvre doucement en marche avant).

Bye-bye Bellegarde! Il y a quelque-chose de magique à quitter le port, en cette matinée encore un peu fraîche et humide après les pluies de la veille. La navigation se fait sous le chant des oiseaux dans les petits arbres au bord de l’eau. Nous dépassons quelques autres bateaux arrêtés le long du chemin de halage – tradition des bateliers, nous les saluons à chaque fois, ainsi que les promeneurs.

Nous passons le port de St-Gilles au ralenti pendant que je prépare des toasts de tapenade, des radis et de la salade, et nous arrivons sur Franquevaux en fin de matinée. La carte indique deux points d’amarrage avant et après le pont, nous ne voyons rien de bâti mais 500m plus loin un groupe de chevaux se prélassent au bord de la berge et nous décidons d’y faire notre pause déjeuner. L’accostage tout en longueur se fait très facilement, je descends sur la berge en une enjambée avec une amarre et maintiens le bateau avec les cordes le temps que le capitaine m’envoie piquets et marteau. Je fixe l’arrière tant bien que mal et remonte sur le bateau le temps de le débarquer lui, plus efficace pour planter les pieux sur la berge.

Les enfants vont caresser les chevaux, le temps de quelques photos deux autres familles arrivent et accostent à leur tour à quelques centaines de mètres – je donne un coup de main pour l’amarrage du premier, toujours plus facile avec une personne déjà à terre… c’est une famille allemande, l’occasion pour les filles de travailler leur vocabulaire “mitspielen” “wie heisst du” etc… Le soleil s’est levé et il fait chaud à présent, nous nous tartinons de crème solaire – j’ai déjà un peu rougi sous les nuages du matin ainsi que la plus blonde de nos filles!

Pour le déjeuner nous décidons d’essayer le barbecue. Après quelques intenses réflexions sur la configuration électrique permettant son alimentation, nous concluons qu’il faut rallumer le moteur au point mort à un régime élevé pour obtenir assez de puissance sur le 220V et cuisons donc les saucisses et merguez en un quart d’heure de moteur.

Le repas fini et débarrassé, nous repartons vers Aigues-Mortes. Je fais la vaisselle pendant que nous passons Gallician, que j’observe depuis le hublot de la cuisine au fil de l’eau. Puis je monte me poser à l’avant du bateau, d’où je prends quelques photos des très beaux oiseaux que nous croisons (dommage que je manque de zoom), ainsi qu’un troupeau de chèvres et de moutons gardés par un gros chien blanc qui les gronde en aboyant dès qu’ils font mine de trop descendre sur la berge. Cette partie du canal est très large et la végétation reposante.

Nous empruntons la déviation d’Aigues-Mortes parce que la route directe nous est interdite, et arrivons dans le port vers 14h30. L’arrivée sous le pont se fait sous un virage à droite, il y a un petit bateau derrière et un autre qui arrive de la mer, les places libres paraissent soudain difficilement accessibles. La première manoeuvre manque finir en abordage: je vois impuissante l’arrière du bateau sous mes pieds dériver jusqu’à passer juste au-dessus de l’avant d’un bateau amarré… 10mn d’instructions pour manoeuvrer un 14m, c’est quand même vachement léger… nous faisons demi-tour, et reprenons la manoeuvre de marche arrière dans une double place (chance). Le capitaine me fait débarquer dès qu’on accoste (je comprends maintenant pourquoi on met des pneus tout autour de la coque…) et c’est à la main que je tire le bateau dans la place de droite. J’ai oublié de mettre notre paire de gants de planche à voile et je me brûle un peu le petit doigt dans mon empressement à parquer la bête, la prochaine fois je saute avec!

L’avantage est que nous sommes directement au pied des remparts, que nous allons visiter avec les enfants (1.6km tout de même, sans compter les escaliers!), et d’où nous filmerons une autre arrivée malhabile: c’est visiblement le coin des “marins d’eau douce”… La ville d’Aigues-Mortes est très touristique et le soleil étant de nouveau de la partie, les rues et les terrasses sont pleines. Le temps d’une pause glaces & cocktails et je vais musarder dans les magasins pendant que le reste de l’équipage retourne sur le bateau, où des pirates espagnols venus faire le plein d’eau à côté improvisent un concert de guitare et chant a capella, sous les applaudissements des plaisanciers et de nos filles enchantées de l’animation. Le capitaine du port passe aussi récupérer son dû – 37 euros pour la place stratégique et bien équipée… il faut prévoir large le budget sur cette croisière.

Le vent s’est levé et cela bouge beaucoup plus maintenant – le capitaine des marins d’eau douce descend même un moment à terre marcher pour conjurer le mal de mer qui le menace (il a le mal de mer même en TGV: c’est un cas pathologique!)… et c’est sur la place Saint-Louis, le coeur névralgique de la ville fortifiée, que nous dînons en terrasse chauffée par des braseros: des salades en entrée (de poulpe pour moi, miam), spaghettis bolognese pour la petite, poulet rôti pour la grande, du boeuf pour le capitaine et des coquilles St-Jacques pour moi, plus les desserts: c’est le ventre bien calé que nous revenons affronter le clapot de notre habitation flottante! En fait, le vent est tombé et deux bateaux aussi longs que le nôtre nous serrent maintenant à babord et à tribord, du coup cela ne bouge plus du tout et la nuit sera tout aussi calme que la veille, malgré le bruit de la départementale qui passe entre les remparts et le quai.