Prendre les places pour refaire le monde demande un brin de recul et beaucoup d'utopie

Publié le 30 mai 2011 par Chezfab

Voilà, cela fait maintenant plusieurs jours que, dans la continuité des espagnoles, et d’autres peuples, nous tentons en France de prendre les places pour refaire le monde.

Je vais parler ici de mon expérience depuis dimanche 22 mai.

Tous les soirs, à Lyon, se tient donc une assemblée générale et un repas collectif place Bellecour. Nous ne sommes pas tout à fait au niveau du camp, loin même.

Déjà par le choix de la place, nous avons vu bien trop grand et pseudo symbolique. Les gens passent loin de nous et à environ 100 personnes (300 au plus haut dimanche mais ça diminue depuis) en moyenne, nous faisons tout petit et assez « invisible » ou « incompréhensible » sur l’une des plus grande place d’Europe.

Mais en prime, l’apolitisme forcené, le fait d’être un mouvement citoyen (sans logos donc) avait pour effet de faire venir du monde en Espagne. Force est de constaté que la greffe ne prend pas en France. Nous ne sommes pas clairs, pas audibles, pas utopistes. Et donc nous ne passionnons pas les foules (c’est le moins que nous puissions dire avec mille personnes dimanche 29 à Bastille à Paris et un peu plus de 100 à Lyon… pour l’appel international !). Nous sommes trop figés par peur de la « récupération » au point de ne même plus proposer nous mêmes quelque chose de fort. Certains vont même jusqu’à critiquer les commissions qui se mettent en place pour réfléchir parce que qu’elles seraient inutiles. D’accord, cela sous entend donc que nous voudrions changer le monde sans réfléchir à celui que nous souhaitons voir naitre ? Diantre, j’ai du mal à y croire.

C’est tout cela qui a créé, sur Lyon, le manque de souffle. L’autogestion est en place et elle fonctionne, mais la vigilance et le manque d’habitude des personnes présentent fait que l’apparition de « petits chefs » est malheureusement possible (même si temporaire). De même ce manque de vigilance a fait voler en éclat la notion de « no logos » toute la journée de samedi 28 mai, où le « Clownistan » semblait être l’association (le groupe) organisant « les indignés » (charte « clownistanaise » placardée sur la table « presse », au mur, méthodologie de grimage mise en place, etc…). Nous avons déjà du mal à faire prendre la sauce, mais là je ne pense pas que nous nous soyons aidés.

L’alcool est aussi un problème. Pas que je sois pour son interdiction, mais il faut que nous nous modérions tous sans quoi notre coin de rencontre va ressembler de plus en plus à un espace « testostéroné » aviné, qui n’est pas des plus fédérateur.

Mais au-delà de ça, il nous faut construire. Et non piétiner et se servir de cela pour « monter simplement un camp ». Car nous stagnons. Nous n’avons pas de perspectives. Indignés, d’accord. Contre ce système, d’accord. Mais après, au-delà ? Que voulons-nous ? Où allons-nous ?

Voilà l’écueil (que rencontre aussi le mouvement espagnol) qui se profile et qui pourrait bien faire exploser tout cela. Car, pour ma part, j’en ai marre de me réunir et de faire une pose au pied de Louis XIV sans avoir, au bout d’une semaine, une once de manifeste ou de propositions concrètes, autre qu’un appel assez vide de sens car ultra consensuel.

Certains pensent que c’est par la marge (se mettre en marge) que la société peut être changée. J’ai le culot de penser le contraire et de me dire que « la marge a toujours servi le système dominant, même malgré elle ». Il nous faut au contraire savoir comment fédérer tout ce beau monde… Du militant aguerri au simple citoyen avec peu de convictions.

Mais la fatigue n’aidant pas, je ne suis pas certain de venir encore longtemps faire le planton place Bellecour. Même si je reste persuadé que de grandes choses sont à faire, mais qu’il nous faut nous ne donner les moyens. Et qu’aujourd’hui, nous ne nous donnons les moyens de rien.

PS : l’évacuation musclée des parisiens qui souhaitaient camper sur la place de la Bastille me conforte dans l’idée qu’avant de camper, il nous faut faire nombre. La démocratie est toujours avant tout un rapport de force.