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Dernière production Milkyway Image à parvenir chez nous, « Triangle » est un triptyque ambitieux et enthousiasmant qui réunit trois des plus grands noms du cinéma de Hong Kong : Tsui Hark, Ringo Lam et Johnnie To. En sélection officielle du festival de Cannes 2007, ce cadavre exquis cinématographique est sans aucun doute le projet filmique le plus ambitieux de ces dernières années.
Le concept : chaque réalisateur dispose d’une trentaine de minutes pour mettre en place un thriller policier qui ne repose sur aucun scénario pré-écrit. Chaque cinéaste a donc pleine liberté pour faire échos aux autres ou se mettre en rupture complète avec eux. Génies scéniques et plastiques du cinéma, les réalisateurs s’en donnent à cœur joie et finalement le style de chacun s’affirme et se reconnaît au fur et à mesure d’une histoire somme toute simple et classique.
Cinéma de l’exercice de style et de la virtuosité, le cinéma de Hong Kong n’est cependant pas celui de la narration. Ainsi, Tsui Hark jette les bases d’une banale histoire (trois hommes mêlés à la découverte d’un trésor que tout le monde convoite) que poursuit Ringo Lam en apportant toute l’épaisseur nécessaire aux personnages et à la narration pour enfin permettre à Johnnie To de nous gratifier d’un final aussi comique que sanglant.
Expérimental à souhait, « Triangle » nous présente trois segments tournés les uns après les autres et dont les cinéastes n’ont pu apprécier le résultat final qu’une fois le film monté. A l’instar d’une écriture à quatre mains, « Triangle » est réalisé par une tricéphale légendaire. Conséquence ? Mise en scène, ambiance, narration, et montage diffèrent selon le rôle de chacune des parties. Des images anonymes de Hong Kong peuvent être soudain supplantées par les vues les plus connues et touristiques, soulignant la totale liberté cinématographique de cet exercice de style. Résultat ? Le film est pétri d’incohérences et d’ellipses qui soulignent la désinvolture manifeste des trois réalisateurs qui s’affranchissent des codes habituels.
« Triangle » est pourtant une œuvre assez laborieuse dans son déroulement et un spectateur néophyte risque d’être un peu perdu dans ce mélange de genres décomplexé. Pour la forme ou la mémoire, rappelons que Tsui Hark a réalisé notamment « Il était une fois en Chine 1 & 2 », « Le festin chinois », « The Blade », « Time & Tide » ou encore « Seven Swords ». Que Ringo Lam est l’auteur d’une trilogie qui inspira Tarantino pour son « Reservoir Dogs », et qu’il a signé pour Hollywood plusieurs films d’arts martiaux avec Jean-Claude Van Damme avant de retourner sur Hong Kong. Que Johnnie To enfin est un habitué des festivals qui n’hésite pas à monter des projets ultra-commerciaux pour réaliser ensuite des œuvres plus personnelles. On lui doit notamment « The Mission », « P.T.U », « Breaking news », « Election 1 & 2 » ou encore « Exilé ».
Si la métaphore des trois personnages - trois cinéastes est facile, saluons tout de même les prestations de Simon Yam, Sun Hong Lei et Louis Koo, tous de grandes figures du cinéma de Hong Kong. L’alchimie entre eux est réelle alors qu’être dirigé par trois réalisateurs différents n’a pas du être chose facile. Si leurs personnages manquent évidemment de relief en grande partie à cause du concept, ils parviennent à tirer le meilleur de ce qu’on leur demande, même si bien évidemment « Triangle » n’est somme toute qu’un divertissement aux thèmes plutôt convenus (amitié, amour, trahison, violence, criminalité).
A cause de cet exercice de style périlleux, on pardonnera sans effort aux trois réalisateurs les écarts de narration et le manque de relief du récit, mais « Triangle » restera relativement obscur et difficile à cerner pour beaucoup. Restent la jubilation de découvrir la dernière œuvre du cinéma redevenu le plus intéressant de la planète, et le tour de force d’un cinéma expérimental à nous divertir et à tenir la route.