Une enfance australienne

Par Anne Onyme

Sonya Hartnett
J'ai lu
189 pages

Résumé:

"Adrian a peur. C'est une habitude. Il a peur des sables mouvants, des raz-de-marée, de la combustion spontanée, de la nuit. Il a peur des monstres marins, des armoires, de la foule, d'être oublié, de perdre sa route".
Adrian a neuf ans. C'est un petit garçon solitaire, qui vit chez sa grand-mère, rêve d'avoir un chien et aime les glaces. En face de sa maison vient s'installer une étrange famille, qu'on ne voit jamais. Dans cette bourgade étouffante, où les enfants disparaissent, où rien n'est innocent, il ne fait pas bon être trop curieux...

Mon commentaire:

Le roman d'Hartnett est très particulier. Il nous plonge dans le monde de l'enfance avec ses peurs, ses envies, ses amitiés, ses rivalités, ses jeux extérieurs, sa cour d'école. Dans un quartier normal, vit le petit Adrian. Il a neuf ans. Il est placé chez sa grand-mère car sa mère a des problèmes et ne peut s'occuper de lui. La vieille femme cependant n'a pas vraiment envie d'élever à nouveau un enfant. Adrian n'est pas toujours à sa place. Ni à la maison, ni à l'école. Il a peu d'amis et son amitié avec Clinton s'étiole peu à peu.

Survient alors un événement qui bouleverse le quartier: la disparition de trois jeunes enfants. Sur le chemin menant au bar laitier, ils ont disparus. La police a fait des recherches, on ne les retrouve pas. Un homme déménage alors à côté de chez Adrian, avec trois enfants. Il est étrange et les jeunes du quartier se posent beaucoup de questions. C'est dans cette atmosphère de suspicion que vit pendant un moment le jeune Adrian.

Il est difficile de bien parler de se roman sans trop en dire. C'est un roman d'atmosphère. L'auteur fait une fine analyse de l'enfance et une description des perturbations que peuvent provoquer un certain événement dans la vie quotidienne. Un enlèvement soulève les inquiétudes et excite l'imagination des enfants. Ils en parlent entre eux, imaginent des choses et s'inquiètent de ce qui peut leur arriver. C'est un peu l'atmosphère de tension qui suit un enlèvement que décrit Sonya Harnett dans son roman, avec toutes les répercussions possibles sur les jeunes esprits.

Écrit par petites touches en s'attardant sur les impressions et les idées d'un enfant sur la vie et la mort, les conflits, l'amour, l'amitié et son entourage, ce roman se concentre sur la façon dont Adrian aborde ce qui l'entoure. C'est un garçon sensible qui a peur d'une foule de choses, mais pas nécessairement des bonnes. Il nous partage ses angoisses enfantines, ses problèmes à l'école et l'arrivée des week-ends qui sont des moments bénis pour lui.

Une enfance australienne est un roman finement écrit. C'est un livre marquant qui n'a, malgré son sujet, rien d'un roman policier. La disparition des enfants n'est pas la clé de l'intrigue. Ce n'est qu'un élément parmi d'autres, qui perturbe et provoque des vagues dans son sillage. L'auteur met alors le doigt sur le moment précis où tout bascule et où la vie des parents, comme celle des enfants, sera modifiée à jamais.

Un roman que j'ai particulièrement aimé, qui est très prenant, bien écrit sans être enfantin. L'auteur nous offre une facette de la vie d'Adrian, petit bonhomme attachant, qui vivra des moments particulièrement tragiques.

Une plume particulière, à découvrir.

Quelques extraits:

"À l'autre bout de la route, encerclés par une haute clôture, se dressent les bâtiments roussâtres de l'orphelinat de Saint-Jonas. Quelques-uns des pensionnaires sont élèves dans le même établissement qu'Adrian, mais il sont marqués. Ils traînent avec eux l'empreinte de l'orphelinat comme une vieille odeur de laine mouillée. On les reconnait facilement: ce sont les plus isolés. Pour eux, l'heure du déjeuner est un manteau de ténèbres qu'ils revêtent jusqu'à s'y noyer. Leurs petits camarades les fuient." p.24

"Elle retraverse la pelouse. L'humidité augmente à chaque pas. Elle n'avait pas l'intention d'être aussi dure avec lui. Elle voulait plutôt être soulagée. Mais, parfois, elle a du mal à exprimer ce qu'elle ressent. On l'a élevée dans l'horreur de la faiblesse. Ce qu'elle a de meilleur en elle se perd au moment où elle s'apprête à l'exprimer." p.59

"Le week-end s'étend devant lui avec la majesté d'un fleuve profond et paresseux. Les jours précédents ont arraché des morceaux d'Adrian, l'ont blessé autant qu'une morsure de requin. Le garçon se sent épuisé par le simple effort d'avoir survécu à ces longues heures hostiles. Mais le week-end est arrivé. Il est venu au secours d'Adrian. Le garçon aimerais pouvoir le ralentir. Il aimerait que ce vendredi soir dure des années, qu'il se poursuive jusqu'à ce qu'il soit plus grand et courageux." p.151