Le 24 et 25 mai s'est tenu à Paris l'E-G8, forum sur les nouvelles technologies, organisé par Nicolas Sarkozy, en préambule au G8 de Deauville. Vincent Feltesse, président de la Communauté urbaine de Bordeaux et ancien secrétaire national du PS en charge du numérique s'étonne de cette initiative du président et met en évidence le retard pris par la France dans le déploiement des infrastructures de l'Internet de demain.
Ceci dit, il serait très dommage qu’on laisse l’Internet mondial s’inspirer de la façon brouillonne dont la France a tenté de réguler son propre espace. Car « l’Internet civilisé » que Nicolas Sarkozy se plaît à évoquer fleure davantage la chicotte du colon que le Siècle des Lumières. De fait, quand le gouvernement s’est préoccupé de « contenus », cela a été avant tout pour restreindre leur diffusion. En témoignent la loi Loppsi, les craintes suscitées par le mouvement de l’Open data en faveur de la mise en ligne des données publiques, et bien sûr la fameuse Hadopi, qui a déjà coûté des dizaines de millions d’euros à l’Etat sans rapporter un seul centime aux artistes ni freiner d’aucune sorte le téléchargement illégal. Si elle avait été mise en œuvre, la licence globale que proposait le Parti socialiste aurait, elle, déjà assuré d’importants revenus aux artistes et à leurs ayants-droits.
Au lieu de s’épuiser à censurer la toile, on ferait mieux de combler le retard pris par la France dans le déploiement des infrastructures de l’Internet de demain. L’Etat a prévu chichement deux petits milliards là où il en faudrait 60 au bas mot pour assurer un fibrage équitable du territoire selon les estimations de la Caisse des Dépôts. Le découpage arbitraire proposé par l'Arcep aboutira à une carte du déploiement qui ressemblera à un pelage léopard avec certaines zones où les opérateurs ne jugeront pas rentable d'investir.
Ce n’est tout simplement pas à la hauteur de l’enjeu économique et social fondamental que représente l’accès généralisé au très haut débit. Ericsson et le cabinet de conseil Arthur D. Little viennent de publier un classement des 25 villes les plus connectées au monde : aucune ville française n’y figure. Pourtant, comme le souligne l'étude, la connexion des grandes villes a un impact important sur l’économie nationale : une augmentation de 10 points du taux de pénétration du haut débit dans l’une d’entre elles représente environ 1% de PIB en plus. Et dans tous les cas, on constate en parallèle des avancées sociales importantes notamment en ce qui concerne l'éducation, la participation aux élections ou les interactions entre citoyens.
Malheureusement, le gouvernement se soucie plus de censurer Internet que de le développer pour stimuler l’activité économique, améliorer la qualité des services publics et revivifier la démocratie. Cerise sur le gâteau : un article de Marianne sous la plume de Frédéric Martel nous apprend que l'Elysée a soigneusement torpillé les efforts de Bernard Kouchner pour venir en aide aux cyber-disssidents des dictatures du monde entier. On est bien loin des prises de position de l’administration Obama en faveur de la défense des libertés de parole, d'assemblée et d'association en ligne. Non vraiment : qu’on protège l’Internet mondial des fausses bonnes idées de Nicolas Sarkozy ! Vincent Feltesse http://www.marianne2.fr/