Magazine Culture
Aux côtés de Katell Quillevere, Céline Sciamma et Léa Fehner, on peut d’ores et déjà rajouter à la liste des jeunes-réalisatrices-trentenaires-dont-c’est-le-premier-long le nom de Rebecca Zlotowski. Quoique bien moins bouleversant que ses pairs, Belle Epine n’est pas non plus dénué de qualité. Il y a Léa Seydoux notamment, intense et qui trouve peut-être son plus beau rôle dans Prudence, ado paumée de 17 ans, dont l’appart vide, la mort récente de sa mère, et une vie bloquée sur pause, constituent l’essentiel du scénario. Car aux discours, la cinéaste préfère l’atmosphère, et substitue les sons aux mots: les vrombissements des motos de Rungis, un morceau de piano partagé entre sœurs endeuillées, un vinyle que l’on déchire, une B.O signée Rob- à l’image du film : mystérieuse, nébuleuse. Ce parti pris est à la fois la faiblesse et la force de l’œuvre : pour parler du deuil et de la rupture d’avec le réel, elle opte pour l’évocation.
Il y a ce côté fulgurant, pris sur le vif (1h15 de film seulement) renforçant l’idée d’une instantanéité de la douleur et de la mort ; il y a, aussi, ce côté onirique, hors du temps, une bulle, une parenthèse ouatée et triste dans laquelle se retrouve piégée l’héroïne. Si elle parvient donc efficacement à recréer l’ambiance post traumatique des grandes tragédies, et ce manière tout aussi atemporelle (pas d’indices sur l’époque de l’action) qu’universelle, Rebecca Zlotowski ne dit rien de plus. Les seconds rôles sont sacrifiés (Johan Libéreau, Agathe Schlencker, Anaïs Demoustier), ramenés à de vagues figures adolescentes qui n’ont rien à défendre, le contexte n’est jamais exploité (ces bandes de jeunes à motos), l’ensemble ne respire pas- emprisonné dans une mélancolie étouffante, privée de lumière, flirtant le plus souvent avec le sinistre. A l’exception d’une belle séquence finale, quelque part entre le rêve et le fantasme, Belle épine esquisse de jolies choses, sans toutefois vraiment les étreindre.