Kit-moi si tu peux : la fiancée de Frankenstein

Publié le 30 mai 2011 par Hongkongfoufou

Par GoudurixYZ

 

She’s alive ! Alive ! Hé oui, pendant 4 minutes, montre à gousset en main avant que de battre son cœur ne s’arrête. Le temps d’apprendre à marcher au prix d’une chorégraphie hasardeuse et de repousser les avances du monstre auquel elle était promise. Un comble pour celle qui était née d’un coup de foudre. Tout ça pour finir en crime passionnel noir & blanc. La bride abattue. Une vie bien remplie somme toute, car en voilà une qui sans le savoir a fait baisser de manière significative l’espérance de vie de la gente transylvanienne dans les années 30. Elle ? C’est la plus belle femme du monde. C’est Elsa Lanchester, insipide Mary Shelley au début du film, reconvertie fiancée de Frankenstein pour des générations de cinéphiles dans un premake de la nuit des morts vivants. Comme quoi, y a pas à dire, une coupe de cheveux, du sur mesure déstructuré, un peu de maquillage, hé bien ça change tout.

Trente ans plus tard, un certain Bill Silverstein passe en voiture un samedi matin devant un cinéma qui affiche une double séance chère à la bouche du générique du Rocky Horror Picture show et remarque la file d’enfants qui serpente le long de la rue. Les deux films au programme sont… Frankenstein et le Loup Garou. Nom de nom ! Sa décision est prise. Il faut commercialiser au plus vite des maquettes de monstres. Normal, le Bill en question est une des têtes pensantes d’Aurora, firme spécialisée dans les kits pour kids. Quitte ou double. Frankenstein, Dracula, le Loup Garou, la Momie, tout le catalogue Universal y passe. Puis on sort les seconds couteaux : le Fantôme de l’Opéra, Dr Jekyll, Mr Hyde (logique), le Bossu de Notre-Dame, jusqu’à la maquette de trop : la guillotine qui permet de décapiter un condamné (a mort) : "Victim loose his head ! Really works !" J’imagine la réunion des concepteurs !… Celle-ci sera rapidement retirée sous la pression de parents indignés. Excuses de la boîte qui met  le paquet  pour… la Sorcière et nous y voilà : "Here comes the bride", la fiancée de Frankenstein. A la sauce Aurora. Regardez-la dans sa boîte en guise de linceul. Rien ne manque : table d’opération, labo, bouts de cadavres qui traînent, bandages. La voilà, déjà emmaillotée et solidement fixée à sa table par 5 électrodes elles-mêmes enchaînées à 4 quatre "brown chain posts".  J’ai toujours adoré les plans de montage. Plus les contraintes imposées par le sujet sont nombreuses, plus le résultat est impressionnant. Malgré le cahier des charges, les éléments flottent comme en apesanteur en nous faisant découvrir l’intérieur caché. De l’art moderne quoi ! Qu’aurait pensé le baron en voyant la notice du kit Aurora ? Un vrai manuel d’anatomie synthétique. J’imagine Lord Byron et le mari de Mary Shelley au début du film découvrant la notice en guise de roman. "Bon, qu’est-ce qu’on fait maintenant ? Il pleut dehors…"  Peut-on être pratique et romantique ? Pas sûr. Mais revenons à nos joujoux (sans "s"). La mode passe et tout lasse. A tel point que ne sortira jamais Robby le robot de Planète interdite. Un scandale ! La faute à ces plaies mobiles d’Action man, Big Jim et autres G.I Joe. Aurora s’essaie encore dans les "Monster scenes" au slogan imparable : Classé X pour eXcitation. En vain. Pas étonnant que Scarlett Johanson ait été pressentie pour un remake du film en 2009. Peut-être que le titre de plus belle femme du monde aurait été remis en jeu.

Pour finir en beauté, je ne peux m’empêcher de me demander pourquoi la fiancée de Frankenstein s’appelle la fiancée de Frankenstein ?  Ou si vous préférez,  pourquoi la fiancée et pas la fille de Frankenstein ? Ou pourquoi pas la fiancée du monstre, puisque ne l’oublions pas, celui-ci n’a jamais été déclaré à l’état civil. Mystère et boulette de l’homme ? Marketing improbable ? Comment savoir ? Admettons que la fiancée ne soit pas la fiancée du monstre mais la fiancée du baron Frankenstein comme le titre nous le laisse entendre. Cela voudrait dire que la fiancée, qui n’est autre que sa fille, puisque c’est lui qui l’a crée (en voilà un en passant qui peut se vanter d’être sûr d’être le père de son enfant) aurait des rapports inavouables avec son père ? Donc qu’une histoire d’inceste viendrait se greffer là-dessus ? D’ailleurs le monstre étant son fils, la fiancée n’est-elle pas sa sœur ? Le film n’aurait-il pas dû s’appeler le fiancé de la fille de Frankenstein ou la fiancée de son frère ? Mais c’est monstrueux ! Ou alors nous avons à faire à une simple  histoire d’adultère, comme dans un film de Claude Sautet ? Car ne l’oublions pas, le baron Frankenstein est accompagné de sa femme, Elisabeth, tout le long du film ? Ah la la. Voilà encore une énigme digne d’Einstein. Pas Frank, non, Albert. Bien sûr.