On rentre dans la salle et le ton est tout de suite donné : un homme, nu, coiffé d'une longue perruque peroxydée et bouclée, est assis en fond de scène. Il bouge, se dandine, cloué sur sa chaise, agite frénétiquement les bras en saluts et invective les spectateurs de manière sympathique alors que rien n'a encore commencé.
Ainsi débute
Un peu de tendresse, bordel de merde ! de
Dave St-Pierre. Très tôt immergé dans le milieu de la danse, le chorégraphe canadien n'a depuis de cesse de créer et d'interpréter avec ardeur, boulimie, exhaltation, frénésie... et pour cause ! Atteint par une fibrose kystique (ou mucoviscidose) et n'ayant qu'une espérance de vie moyenne de 37 ans, il se fixe alors de repousser ses limites, d'explorer tout se qui passe à portée de ses envies et de travailler comme un forcené. En 2009, dans
Over my dead body, très affaibli par la maladie, il se met en scène, au crépuscule de sa vie... mais, dans la même année, se fait greffer deux poumons et renaît miraculeusement, retrouvant son souffle et toutes ses capacités de danseurs.
Bon, c'était la parenthèse sérieuse du post, parce que pour le reste... Wooow ! ! Ça décoiffe ! ! De la tendresse, et plus particulièrement de l'absence de tendresse, il en est question : sur scène, on se rencontre, on se sépare, on se choque, on se lie, se délie, instinctivement, primairement, charnellement. Les genres changent et s'échangent, hommes efféminés et femmes virilisées, on oscille entre rire (parce que c'est drôle, vraiment !) et émotion simple, sans chichi ni pathos, qui embrasse toute la salle, entre vulgarité assumée et poésie de l'instant, entre violence quasi-insupportable et ... ben et un peu de tendresse ! Le tout dans une ambiance délurée, décomplexée, où le spectateur impliqué, secoué, pris à partie, malmené, est autant dans la salle que sur scène. La danse dans tout ça ? De très beaux moments, d'une rare puissance, où le chorégraphe pousse ses danseurs dans des retranchements esthétiques et graphiques saisissants, et montre avec intelligence qu'il a complètement intégré la leçon bauschienne (la rangée de chaise du fond, hommage à Café Müller).
Une mention spéciale pour
Sabrina, madame loyale de la soirée, qui mène et emmène la pièce d'un bout à l'autre par des interventions en anglais, traduites instantanément de manière littérale comme par un mauvais site internet. Le voyage en terre St-Pierriène se termine par une
magnifique scène d'une beauté fulgurante où les corps dénudés glissent et se frôlent sur un plateau recouvert d'eau savonneuse, dans une fluidité et une sensualité, un peu (beaucoup) de tendresse (on y revient, bordel de merde !) qui fait définitivement la nique aux premières scènes ! Du très beau spectacle !
Et la ptite vidéo qui va bien :