Elle écrit fichtrement bien, Fred Vargas !
Son dernier roman, tricoté autour d'une légende normande du XIème siècle, nous immerge au coeur d'une énigme épaisse, comme aime à s'y plonger le héros lent à se mettre les méninges en marche mais aux fulgurences sensitives inimitables, Jean-Baptiste Adamsberg.
Ici, l'intrigue est triple : un tueur en série s'appuyant sur une croyance locale ancestrale, le meurtre d'un industriel carbonisé dans sa Mercédès selon un mode opératoire bien identifié chez d'un jeune beur surnommé "Mo-la-mèche-courte", incendiaire compulsif de voitures de luxe, enfin le forfait commis auprès d'un pigeon auquel on a ligaturé les pattes ....
Le commissiare Adamsberg, que je continue à identifier à José Garcia depuis le film de Régis Wargnier "Pars vite et reviens tard", patauge allègrement pendant les 9/10° du roman. Mais là n'est pas le plaisir : celui-ci consiste à retrouver les autres personnages récurrents qui gravitent autour du commissaire, entre autres le commandant Danglard, avec ses vieux démons : le vin blanc et sa vieille rivalité avec Veyrenc, autre membre de la brigade, ou Mercadet l'hypersomniaque. Cependant, comme à l'accoutumée, c'est le lieutenant Violette Rétancourt, la colosse au regard placide, qui est tient la vedette : calme, à la détente musculaire imparable, forte comme deux hommes....
Le côté négatif, c'est qu'il est difficile de rentrer dans la problématique de la fumeuse histoire de l'Armée Furieuse, et des "saisis" vus en rêve par Lina, la soeur d'une fratrie de jeunes hommes tous un peu dérangés. On retrouve ici les obsessions de l'auteure, archéologue de formation. Les Normands et leur mutisme légendaire en prennent plein les dents. Les nobliaux de province aussi, auxquels on prête des influences tout à fait excessives. Quant aux paternités révélées sur le tard, je trouve la ficelle un peu grosse. Les histoires d'héritage, c'est bon pour Agatha Christie ou Patricia Wentworth.
Cependant, l'intrigue est tout à fait invraisemblable, compliquée à souhait et la solution, quoique logique, est quasiment impossible à deviner avant les toutes dernières pages du roman. C'est bien ce qui est recherché, non ? Et certains personnages sont particulièrement sympathiques, comme la vieille Léo qui fume des cigares venus en droite ligne de Cuba et boit un calva hors d'âge.
Certains disent que c'est le meilleur livre de Fred Vargas. Je n'irai pas jusque là. Cependant, c'est un roman bien construit, avec des études psychologiques très fouillées, une histoire bien embrouillée mais très logique, un brin de critique sociale - ce qui m'agace toujours, mais c'est comme ça aujourd'hui - et une écriture très soignée, poétique et visuelle, comme je l'aime. Cela fera un très bon film, avec plein de personnages secondaires, ce qui en fait tout l'intérêt.
L'armée furieuse, roman de Fred Vargas, éditions Viviane Hamy, 427 p. 19,50€.
NB : Fred Vargas doit croire, elle aussi en la réflexologie...c'est d'actualité !