Il y a une vingtaine d’années, je découvrais, dans un livre de Jean-Luc Nancy, ces phrases : « La communauté n’est pas un rassemblement d’individus postérieur à l’élaboration de l’individualité elle-même. Mais la communauté n’est pas davantage une essence de tous les individus, une essence qui serait donnée avant eux. Ce n’est pas un être commun, c’est un être en commun. »
Je retrouve cela dans le livre d’entretien qu’il vient de publier. Réfléchissant sur la politique, il aborde notamment la notion de partage, « ce mot que le français (…) fait entendre à la fois comme division, répartition, et comme mise en commun ». Sur ce point, Philip Armstrong et Jason E. Smith, avec qui il s’entretient, établissent des liens et des différences avec Jacques Rancière. Sur la question du « communisme », ils lui demandent de préciser sa position à l’égard d’Alain Badiou. On lit cette pensée qui échange, qui ne fait pas que se nourrir des auteurs anciens (ça commence avec Rousseau et l'invention du « contrat social »), mais qui se développe dans le débat.
Ainsi, Jean-Luc Nancy poursuit la réflexion sur la démocratie, il écarte l’idée d’un « destin » pour les peuples et ouvre des pistes : « il faut que la politique se trouve en réserve du sens : il faut qu’elle se comprenne comme le service de la communauté et non comme son principe et sa fin », la communauté étant, plus que l'addition d'acquis, la mise en oeuvre de relations.