Magazine Environnement

Ica, la déglinguée

Publié le 30 mai 2011 par Keimuta
«Ica, ville déglinguée et sale » : voilà la brève présentation qu'on m'a fait. A peine arrivée en ville, je pose mon sac dans le premier endroit venu. J'échappe de justesse à une pickpocket, la place d'armes est remplie de restaurants me proposant hamburger et lunch oriental, d'agences de voyages pour touristes, d'hommes qui m'interpellent à chaque seconde pour me proposer un tour des caves du coin, de policiers souriants mais visiblement peu efficaces. Je viens de passer deux mois en plein milieu des Andes, à ne fréquenter que paysans et enfants de petits villages. Où suis-je tombée? J'aimerais pourtant en savoir plus sur cette ville lourdement touchée par le séisme du 15 août 2007. A chaque coin de rue, un homme me prévient:   - "Ne va pas par la demoiselle, c'est dangereux. - Par là-bas c'est pas un endroit pour une jeune femme, et de l'autre côté encore moins. - Surtout ne sort pas seule le soir, ne fait confiance à personne." Comment faire? J'ai pris un lit dans un dortoir. Personne à l'auberge n'est capable de m'aider et tous tentent de me décourager de partir à l'aventure. Tant pis, demain matin je demande à n'importe quel taxi de m'emmener loin de ce maudit centre ville. 6h00 le lendemain. Les taxis écoutent mes explications patiemment et refusent de m'emmener en banlieue. Pourquoi? 6h50. Un chauffeur accepte de m'emmener. Je partais courageuse et j'ai un doute. Dois-je lui faire confiance? Je lui explique que je veux simplement me promener un peu, voir comment les gens vivent depuis le tremblement de terre. Nous roulons vers l'est. Cimetière. Maisons abandonnées. Il n'y a pas âme qui vive dans les rues à cette heure là. 4 ans. 4 ans se sont écoulés et la ville ne semble pas avoir bougée. Je décide de m'arrêter et demande au chauffeur de partir. S'il reste là, personne ne viendra à ma rencontre. Après plusieurs minutes de négociations, il accepte de me laisser à condition que je ne le tienne pas pour responsable de ce qui pourrait m'arriver. Je découvre des voitures délaissées sous un toit de taule. Dodge, Coccinelles à faire rougir les collectionneurs. Le terrain de jeu pour enfant n'est plus qu'un carré de terre avec une balançoire délabrée. Je suis émerveillée devant ce paysage qui s'éveille lentement sous la lumière rasante du soleil. La route n'est que sable. Poussière et sacs plastiques se soulèvent à chaque passage de voiture. Il règne ici comme un air d'apocalypse. La fin du monde est-elle réellement proche? Les gens me regardent d'un drôle d'air et s'interrogent. Que fait une gringa par ici? Après plusieurs heures, à tourner dans le quartier une femme s'approche : - "Que regardes-tu?
- La poubelle devant la maison sans murs !
- Mais c'est moche !! me répond-elle.
- Non c'est beau parce que c'est comme ça ici !" Elle rit aux éclats et moi avec, même si je ne comprends pas tout ce qu'elle me dit. Les rues sont larges. Le ciel bleu est rayé par les fils électriques. Une silhouette apparaît au loin. Un homme. Il me suit dans mon errance sans dire un mot. Nous arrivons devant chez lui, mais il ne reste rien. Nous fumons une cigarette et il me dit que si je continue tout droit, j'arriverai à une église en ruine. Si seulement je savais lui dire que tout est en ruine ici ! Mes pas sont lents. Je veux prendre le temps de découvrir chaque coin de rue. Les murs des maisons sont tagués aux couleurs des candidats aux élections présidentielles. Je regarde à travers chaque trou de fenêtre. Quelques rares moto-taxis s'aventurent par ici et les dunes au loin me rappellent que je suis en plein désert. Des chiens amaigris fouillent les poubelles et m'ouvrent le passage de l'église du Señor de Luren. J'espère que je trouverai mon chemin pour rentrer. Je découvre avec stupeur ce que peut provoquer un tremblement de terre. Seuls le clocher et la voûte de cette somptueuse église ont résisté. Je tourne autour. On m'interdit l'entrée. Des femmes ont installés leurs stands devant ce lieu de prière et je me rends compte que malgré tout ce qu'ont dû endurer les habitants de Ica, ils gardent le sourire, leurs croyances et qu'ils savent que demain sera meilleur.

Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Keimuta 944 partages Voir son profil
Voir son blog

l'auteur n'a pas encore renseigné son compte l'auteur n'a pas encore renseigné son compte