Déception 2

Photo Francesca Woodman 
J’ai vu sa copine sortir de l’immeuble et courir, en brinquebalant à cause de sa valise, pour attraper le bus. J’ai vu le bus s’éloigner. 
J’ai attendu sur le trottoir que quelqu’un sorte de l’immeuble pour y entrer à mon tour. J’ai grimpé les trois étages jusqu’à chez lui. J’ai mis du scotch sur l’œil de sa porte. Et j’ai sorti la massue de mon sac. J’ai frappé de toutes mes forces sur la poignée et sur la serrure.
- Mais qu’est-ce qui se passe ? Qui êtes-vous ? Arrêtez enfin. Mais qu’est-ce que vous faîtes ?
J’ai fait comme si je ne l’entendais pas. J’ai continué à frapper.
- Arrêtez ou j’appelle la police !
La police ! Il déteste, soi disant, la police ; c’est ce qu’il dit souvent et avec fracas. Mais dès qu’un petit quelque chose d’inhabituel arrive, il en appelle à la Police. La Police ! J’ai tapé deux fois plus fort sur la serrure, tellement j'ai été exaspérée par le mot Police, pour qu’elle se brise. La poignée a fini en lambeaux de métal. La porte s’est effondrée sur lui. Je suis entrée. J’ai soulevé la porte pour la remettre en place. Je me suis agenouillée vers lui, inconscient. J’étais un peu anxieuse. Je n’aurais pas voulu qu’il soit mort. J’ai pris son poignet pour prendre son pouls. Je ne sais pas faire ces choses-là. J’ai mis ma tête sur sa poitrine, près de son cœur, pour écouter. J’ai cru mourir quand il m’a attrapé les cheveux en tirant très fort.
- Aïe ! Tu me fais mal ! Lâche mes cheveux !
- Qui a commencé ? Qu’est-ce que tu viens faire ? Qu’est-ce que tu veux ? Sale malade !
- Je t’aime, je crois que c’est pour ça que je suis là. C’est la Saint Valentin. Pourquoi tu n’es pas avec ta copine ? Je l’ai vue prendre le bus.
- Mais je suis avec ma copine.
- Mais non, t’es là !
- La Saint Valentin, c’est de la connerie marketing. Nous on prend notre pied tous les jours. Ma copine est étonnante. On fait des jeux sexuels que t’envisage même pas.
- Lâche mes cheveux, s’il te plaît.
- Ah mais, non, maintenant que t’es là. Faut que je sois poli. Tu ne peux pas sortir avant d’avoir pris un verre. Whisky ? Vodka ? Rouge ?
- Tu sais très bien que je ne bois pas.
- Ah mais ce soir si.
Il m’a trainée jusqu’à la cuisine. Je me suis débattue en vain. Je l’ai mordu mais il a fait comme s’il ne sentait pas la douleur. Il a pris de la ficelle pour poulet dans un tiroir et m’a ligoté les poignets. Il m’a tirée jusqu’au radiateur où il m’a attachée. J’ai crié de tous mes poumons. Il m’a mis un bâillon. Il a été remplir un verre et il m’a forcée à boire. Je lui ai craché ce que j’ai pu à la figure et je me suis étouffée avec le reste. Il y avait plein de liquide puant les alcools qui s’écoulait de mon menton jusqu’à mon décolleté. Il a mis de la musique et il s’est installé dans son canapé. Il fumait en me regardant. Il m’a attrapé le pied, a enlevé la chaussure, a déchiré le collant avec une paire de ciseaux qu’il a été cherchée tranquillement et il s’est mis à me chatouiller la plante des pieds, mais moi je n’avais pas envie de rire. J’ai crié dans le vide à travers mon bâillon. Je suis restée comme ça tout le week-end, lui il écoutait de la musique, il faisait à manger puis il mangeait, moi il me faisait boire, il fumait, il travaillait derrière son ordinateur, il regardait les informations à la télévision, le samedi soir il est sorti en me laissant dans le noir, il est rentré en titubant et en me racontant n’importe quoi avec une haleine dégueulasse. Il a dormi sur le canapé en balançant ses vêtements sur moi. A la fin du week-end j’étais tellement crevée que je me suis endormie contre le radiateur. Ses mains sur mon visage m’ont réveillée.
- Ma copine va rentrer. Dehors !
Publié par les diablotintines - Une Fille - Mika - Zal - uusulu