Il a enfin parlé. Ou plutôt suggéré. A Deauville, Nicolas Sarkozy a évidemment tenu une conférence de presse en marge de « son » G8. Et il a dû répondre, pour la première fois publiquement, à une question sur l'affaire Strauss-Kahn. Sur ses propres affaires en revanche, point de questions.
DSK, si loin, si présent.
La défense de l'ancien patron du FMI s'organise. Ses avocats ont annoncé disposer d'éléments pouvant « ébranler sérieusement » le dossier d'accusation.
A Deauville, Nicolas Sarkozy a dû livrer son premier commentaire public en marge du G8. D'abord un gros demi-mensonge : « Vraiment, je me suis abstenu de prendre parti sur cette question, parce que vous savez parfaitement bien tous les procès qui me seraient faits quoique je dise. » Ou encore : « Certains commentaires que j’ai entendus me confortent dans ma décision de me tenir éloigné. » On sait bien que notre Monarque a multiplié les recommandations à ses troupes et les commentaires officieux satisfaits. Samedi dernier, dans l'avion qui l'amenait en Côte d'Ivoire pour l'intronisation d'Alassane Ouattara à la présidence, Sarkozy avait confié qu'il lui fallait fournir « beaucoup d’efforts pour contenir sa jubilation ». Le double discours est total.
Mercredi soir, dans un troublant article publié dans le Monde, les journalistes Gérard Davet et Fabrice Lhomme affirmaient avoir la preuve de l'existence d'une « note rédigée peu avant la présidentielle de 2007, par un policier de la base. Quelques lignes signalant la présence de Dominique Strauss-Kahn, surpris en fâcheuse posture dans une voiture à l'ouest de Paris.» Et cette note, expliquaient les deux journalistes, avaient été fuitées « ces derniers mois » auprès du journal Le Monde par des « proches de Nicolas Sarkozy ».
A Deauville, Nicolas Sarkozy préférait se draper dans une fausse distance toute présidentielle : « Tout ceci est suffisamment triste pour que l’ensemble des responsables politiques essaient de garder de la hauteur de vue et de la dignité. Parce que devant tous ces événements, y’a des sentiments mêlés qui peuvent être contradictoires, et qui font partie de l’intime de chacun, et donc je en crois pas qu’en tant que chef de l’Etat, j’ai à prendre partie. Vous me dites ça porte atteinte à l’image de la France ? mais je ne savais pas que monsieur Strauss-Kahn représentait la France, et donc je veux m’en finir à cette position de recul et je l’espère, je l’espère, de hauteur de vue. »
Karachigate, si proche, si présent.
Ce n'est pas encore un coup dur, mais très certainement une première victoire, le prélude à une révision de la loi Sarkozy sur le secret défense de juillet 2009 qui bloque les enquêtes sur le Karachigate.
Vendredi 27 mai, la Cour d'appel de Paris a accepté de transmettre à la Cour de Cassation une question prioritaire de constitutionnalité sur la loi du 29 juillet 2009. Cette dernière élargi le secret défense, initialement opposable sur de simples documents, à une vingtaine de lieux sélectionnés par le gouvernement. Un véritable coffre-fort ! Tout juge d'instruction doit solliciter l'autorisation préalable du pouvoir exécutif avant d'effectuer des perquisitions dans des locaux soumis au secret défense. Le parquet de Paris, aux ordres du ministre de la Justice, s'était prononcé contre cette question de constitutionnalité. Sans surprise...
La Cour de Cassation pourrait à son tour transmettre la question au Conseil constitutionnel qui pourrait ensuite annuler ou pas la loi.
Le 27 avril dernier, la plainte a été déposée par l'avocat des familles des victimes de l'attentat de Karachi qui coûta la vie à 15 personnes, dont 11 Français, le 8 mai 2002. Comme le rappelle Mediapart, sept demandes de déclassification de documents ont été déposées par les deux juges, Marc Trévidic qui enquête sur le volet attentat de l'affaire et Renaud van Ruymbeke, en charge du volet corruption. Et, contrairement aux belles promesses de transparence de Nicolas Sarkozy, puis François Fillon et Alain Juppé en novembre dernier, les deux juges reçurent « presque autant de refus du premier ministre, des ministres de la défense et du budget ».
En novembre 2010, François Fillon a refusé au juge van Ruymbeke la perquisition du siège de la DGSE. En décembre, l'Assemblée nationale oppose à son tour un refus de communiquer les enregistrements des auditions réalisées par la mission d'information parlementaire sur l'attentat de Karachi en 2002. En avril 2011, François Baroin a opposé le secret au juge van Ruymbeke le secret défense sur le contrat de vente des frégates Sawari 2 à l'Arabie Saoudite saisis au ministère du budget.
La semaine dernière, on apprenait que le juge Trévidic avait reçu un rapport d'experts qui ruinait la thèse de l'attentat suicide. Le 15ème mort n'était pas un kamikaze. Et son rapport d'autopsie avait disparu du dossier de l'instruction ! Le juge Trévidic avait été surpris d'apprendre que cette piste, finalement validée, avait été émise dès les premières semaines suivants l'attentat, mais qu'elle avait été évacuée par son prédécesseur le Jean-Louis Bruguière, depuis rallié à l'UMP.