Difficile de croire à certaines histoires vraies, plus extraordinaires que n’importe quelle fiction. Et pourtant, Xavier Giannoli nous sert un fait divers, un fait d’homme et une arnaque incroyable enveloppée dans de grands sentiments (pour la fiction). Celle d’un homme qui a construit une portion d’autoroute tout seul. Pour se faire des amis. Ou presque.
Etrange histoire que celle de l’arnaqueur arnaqué. Ou l’arroseur arrosé, si on en revient aux origines du cinéma. Nous voici devant un homme simple, dont la vie est faite de petites combines, magouilles du milieu qui ne blesse physiquement personne mais en laisse quelqu’une sur la paille. Un con-man à l’américaine, donc. Découvrant les ruines d’un chantier d’autoroute brutalement stoppé par une espèce animale rare, il décide de réactiver le tout, histoire de soutirer quelques pots de vins et marchés juteux à une région exsangue depuis la fin des travaux. Contexte économique difficile, espoir de travail et retrouvailles locales, voilà un bien prolifique terrain pour du cinéma d’investigation. Et Giannoli ne s’en prive pas. Ses personnages sont dans la réalité, et aussi humains que terrifiés. Peur du chômage, de l’avenir, de l’isolement face aux grands groupes réfugiés à des centaines de kilomètres, jouant avec les populations comme avec des chiffres de la Bourse. Finalement le personnage central, un Cluzet bon comme toujours, n’est pas le plus salaud, mais le plus effrayé. Pris à son propre piège, le voilà tentant de terminer le chantier, soit pour s’en tirer sans trop d’ennemis, soit pour se prouver à lui-même qu’il peut réussir quelque chose sans se cacher (même sur de mauvaises fondations).
A l’Origine est un fait divers, mais pas un film anonyme. Trouvant la force et l’âme de ses personnages dans le monde réel, le film reflète beaucoup la société d’aujourd’hui, sans forcément chercher à accuser quiconque. De l’absurdité de la situation (les vrais ingénieurs n’en reviennent pas), l’auteur en fait une épopée moderne, construite autour d’ouvriers et de machines luttant contre les éléments, d’un espoir perdu puis retrouvé rejeté par la pluie comme par les pouvoirs économiques. Balloté de toute part, la fin ne peut être que tragique, et encore ; elle sera forcément laissé pour compte, comme le reste. Le vrai bandit peut encore traîner dans nos quartiers, le héros de cinéma incarné par Cluzet ne sera jamais forcément sympathique ou honnête, il aura au moins eu le mérite d’essayer.