Par Yoani Sánchez, de La Havane, Cuba
J’étais enceinte de huit mois lorsque j’ai fait la connaissance à Cuba de deux basques radicaux, Rosa et Carlos, tout au moins disaient-ils alors s’appeler ainsi. Ils nous avaient invités dans leur grande maison de Miramar pour une fête avec musique de troubadours et chorizos. Ils avaient pu nous régaler de jambon serrano et de fruits secs que nous connaissions seulement à travers les films. Mais les arômes et les saveurs ne parvenaient à dissiper le doute qui grandissait en les observant. Comment ces gens-là avait-ils réussi à vivre dans un tel lieu avec une voiture à plaque privée et un garde-manger aussi bien garni. Qu’avaient-ils fait pour accéder à des privilèges impensables pour des nationaux ?
Leur exil doré est cependant terminé. Aujourd’hui leurs hôtes se sont transformés en geôliers. Le même gouvernement qui un jour les a accueillis et leur a fourni leurs ressources refuse depuis des mois de leur falsifier de nouveaux passeports pour voyager en France ou ailleurs. Je ne sais pas sous quel nom s’appellent maintenant Carlos et Rosa, ni où ils habitent et combien de leurs anciens privilèges ils ont perdu. J’imagine pourtant qu’ils sont maintenant reclus dans cette île, se méfiant de tous ceux qui les entourent, maudissant ces compagnons de route qui leur ont donné refuge, ces « généreux » protecteurs d’autrefois qui ont fini par les emprisonner ici.