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Rappelez-vous, le premier générique de Téléfoot présenté par Pierre Cangioni. Sur le thème de la chanson de
Salvador "Mais non, mais non", les actions montées à l'endroit puis à l'envers s'enchaînaient. Les footballeurs avançaient, reculaient. Le ballon entrait dans les filets, ressortait. Les
arbitres donnaient des cartons, puis les rengainaient. Gamin, ce ballet absurde me fascinait. À la fin des années 1970, l'émission était la seule lucarne ouverte sur l'actualité du championnat de
France de football. Une compétition, où la pub sur les maillots tenait encore, pour les plus anciens, de la nouveauté…
Longtemps, Téléfoot est resté un rendez-vous quasi "rituel" du dimanche matin. Pour voir des buts, c'est devant sa télé et pas
ailleurs qu'il fallait être. Je me souviens rentrer comme un ouragan de mes parties de foot dominicales, expédier ma douche et la séance décrottage pour ne pas rater les plus belles actions de la
veille. Souvent, je priais pour que les invités de mes parents soient en retard, pour avoir le droit de voir l'émission jusqu'au bout. À l'époque, s'il avait fallu payer je ne sais quel
abonnement pour voir mes buteurs préférés tricoter des gambettes, j'aurais pu me brosser pour l'émotion en images !
Ce n'est plus le cas désormais, avec le coup historique que vient de réaliser Canal+, avec l'aimable complicité du moustachu le plus pitoyable de
la création, Frédéric Thiriez. Grâce à l'appel d'offres saucissonné par le président de la LFP, non seulement la chaîne cryptée a pu faire des économies sans rien lâcher
d'essentiel à Orange, son seul concurrent crédible. Mais elle a aussi raflé la dernière occasion pour tous ceux - il en reste…-, dont les seuls abonnements sont dans les travées des stades, de
suivre gratuitement l'actualité du championnat de France de foot.
Le Téléfoot originel avait déjà été vidé de sa substance par la cession des droits des résumés dominicaux de la Ligue 1 à France
Télévision. L'impayable France 2 Foot était né de ce premier séisme audiovisuel, magazine qui laissera autant de souvenirs à ses rares habitués que le passage de Gallardo au Parc
des Princes aux fans du PSG - il en reste aussi… Mais aujourd'hui, c'est carrément la mort du petit cheval. Sans abonnement à Canal, sans téléphone portable sur lequel se niquer les yeux pour
suivre des résumés à deux balles, point de salut.
Cotise, cotise la Terre Promise, comme dirait ce bon vieux Bernie Bonvoisin. Pour voir en image un bout de gazon, sors les biftons
mon mignon ! Parfois, je plains les gosses d'aujourd'hui. Mais je ne suis qu'un con de réactionnaire. On sait bien que désormais, le clampin moyen est prêt à claquer son RMI en écran plat et
décodeur, quitte à faire bouffer tous les jours des patates et de la junk food à ses lardons. Le bonheur n'est plus dans l'assiette, mais dans le multimédia. On a ses priorités et les
joies que l'on mérite. Et puis les gamins, plus tôt ils savent que dans ce monde, tout s'achète et tout augmente, mieux ils sont armés pour entrer dans la vie. Car les euros, c'est bien connu,
sont faits uniquement pour sortir de nos poches, pas pour y retourner. Sauf à passer l'action à l'envers, comme du temps loitain des "Mais non, mais non" de Téléfoot et des cols pelles à
tartes de Pierre Cangioni.