Il est toujours intéressant et ludique de s’extraire de l’actu hi-tech quelques jours avant de s’y replonger d’un coup. Sous l’impulsion de la culture des flux continus qui ont paradoxalement engendré un morcellement de notre traitement des sujets (news par news, rumeur, annonce, « maj 1, 2″, analyse), nous grignotons l’info bout par bout, morceau par morceau et parfois, perdons un peu de recul.
Cela m’a donc fait du bien de lire d’un coup une dizaine de jours d’actu. Dans cette configuration, on voit alors bien mieux les liens, les rapports. Tenez, regardez donc, en mettant de côté ces actus que je considère intéressantes, j’ai l’impression que tout s’enchaîne, se suit, se croise et recroise.
Relisons ainsi l’actu geek récente à la manière des « trois ptis chats, trois ptis chats, chapeau d’paille, chapeau d’paille« …
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SARKOZY ET SON E-G8 A LA CONQUETE D’INTERNET
La grosse actu geek de la semaine fût indiscutablement la tenue d’un sommet réunissant, à l’invitation de notre Président Sarkozy, « les » leaders d’Internet pour discuter de son avenir, rien que cela. Je vous épargne les coulisses pas jojos de la création de cet évènement, pour m’intéresser à la traditionnelle opposition aux « G ».
Ainsi, chaque ville accueillant le sommet voit également débarquer durant la semaine de sa tenue une armée d’alter-mondialistes, opposants, anti-capitalistes dans les rues. Des milliers de personnes manifestant bruyamment leur désaccord à ces réunions de puissants principalement tournées vers l’économie.
Sur Internet, les choses n’ont pas vraiment changé, mais la forme, plus. Pour un forum sur Internet (quelqu’un pourrait m’expliquer le « e » du G8, d’ailleurs ?), la manifestation s’est logiquement organisée en ligne plus que dans la vraie vie, entre billets, articles et manifestes globalement critiques et déferlantes de tweets / status.
(à voir, cette infographie sur les tendances du e-G8)
Car il est vrai que notre Président, en voulant créer le premier grand forum sur Internet, s’est surtout mis à dos une bonne partie des personnes incarnant ce médium. En tête des débats polémiques, la notion de régulation et de contrôle de notre média favori. Alors que Sarkozy veut « réguler » et « conquérir » Internet, bien des supporters de la neutralité et de liberté (étonnamment peu représentés lors des panels de discussion, ahem) lui ont opposé le caractère unique d’Internet, qui a explosé de de sa fonction originelle.
Et puis, défendre la régulation du net par les gouvernements quelques semaines après l’impressionnant rôle des réseaux sociaux dans ces révolutions fût sûrement le plus beau bourbier d’agenda qu’on ai pu imaginer… Mais le vrai camouflet n’est finalement pas venu des opposants non-conviés, mais bien des invités superstars, Mark Zuckerberg en tête.
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INTERNET SELON ZUCKERBERG
Le jeune CEO, tête de gondole du sommet, a continué de marteler durant le e-G8 que contrôle et régulation sont définitivement néfastes, partageant ainsi l’avis des opposants à la vision d’un internet « civilisé » cher à Sarkozy.
En substance, ses propos sortent même de la portée de Facebook, en expliquant que tenter de dompter les parties « sauvages » d’Internet reviendrait à mettre en danger ses vertus. Évidemment, l’homme de 27 ans est avant tout un patron et ramenait beaucoup de choses à Facebook. Son moment le plus symbolique fut de raconter son point de vue sur les récentes révolutions arabes:
« Les gens me disent que c’est d’un côté formidable que [Facebook] ai joué un tel rôle dans le Printemps Arabe, mais que c’est également effrayant, car j’ai autorisé d’un autre coté le partage et la collecte d’informations sur les gens
(…) Mais il est difficile d’avoir l’un sans l’autre. On ne peut pas isoler certaines choses que l’on aime à propos d’Internet et contrôler celles que l’on n’aime pas ».
Un message et une position ambivalente, spécialement après la débâcle qu’à connue Facebook il y a quelques jours de cela…
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ZUCKERBERG TACLE SALEMENT GOOGLE
Rappelez-vous, Facebook, dont la politique en terme de confidentialité des informations des utilisateurs trempe régulièrement dans les mauvaises eaux, tentait d’éclabousser Google et ce, de manière très, très sale…
En engageant de manière anonyme une grande agence de RP destinée à contacter journalistes et bloggers, puis leur proposer un sujet brûlant expliquant comment Circles, le nouveau produit social de Google, violait les règles de confidentialité de sur les informations de ses utilisateurs.
Pas de chance, le blogger contacté a enquêté sur Circles. Et rien trouvé de louche. Mais a aussi enquêté sur le mystérieux client de l’agence de RP. Et Internet s’y est mis. Et Facebook a été découvert, pris la main dans le sac, comme un simple et sale gamin.
Et Google d’adopter la meilleure des attitudes pour enfoncer l’adversaire: ne rien dire et rester digne. D’ailleurs, Eric Schmidt n’a lâché aucune blague ou sous-entendu à Mark « Suck »erberg, lors du e-G8. Non, il a même abondé en son sens.
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GOOGLE, LIBERTAIRE LIBERAL
Encore plus clair que son ami de 27 ans, Schmidt, désormais « ambassadeur » de Google, a longuement expliqué que la grandeur et la création de richesses d’Internet provenait de sa nature profondément libertaire et de son absence de régulation.
Que contrôler ce réseau des réseaux décapiterait tout esprit d’entreprise, d’innovation et donc de vie et ce, même pour des raisons « nobles », comme la défense des droits d’auteurs. Ce qui est plutôt arrangeant, vu leur dernier projet: Music by Google.
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LIBRE DE TOUT ACCORD, GOOGLE MUSIC
La grosse annonce de la dernière édition de Google I/O était en effet ce service musical « cloud », Music by Google : un espace de stockage gratuit (pour le moment) contenant jusque 20000 de nos morceaux, écoutables sur n’importe quel ordinateur et bientôt, smartphones sous Android.
Pourtant, le service souffre d’un énorme défaut: l’absence d’accord avec les majors de la musique qui auraient demandé des conditions financières intenables (non, sans rire). Du coup, Google s’est lancé sans eux, mais a dû couper drastiquement dans les options pour ne pas entrer dans la case « illégal ». Pas de partage, de disponibilité hors-ligne (sauf quelques morceaux en cache), de re-téléchargement, etc. Et bien sûr, aucun catalogue de musique en stream ou en vente.
On peut dire « f… » aux majors, mais cela a un prix. Les affaires d’Apple, par exemple.
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GOOGLE MUSIC FACE A APPLE
La boîte la mieux cotée du monde tarde à entrer sur le marché du cloud: depuis son rachat du service lala.com en 2009, le géant de Cupertino est mué sur ses avancées en la matière et tout le monde attend un nouvel iTunes (re)pensé à l’ère des Spotify, Grooveshark et autres Amazon Cloud, à savoir le meilleur des deux mondes : un catalogue de musique en streaming et la possibilité d’y ajouter ses propres morceaux, pour un service musical total: personnel, complet et accessible. En théorie, Apple possède tous les atouts pour le faire: une décennie de travail avec les majors, par exemple, mais aussi un nouveau et monstrueux data center, le savoir-faire en terme de logiciel musical avec des années d’iTunes, une clientèle extrêmement valorisée.
Et pourtant, nous pensons tous intérieurement que de mauvaises surprises seront également de la partie: format fermé, incompatibilité avec les autres OS (mobiles), nouveaux DRMs, contraintes de téléchargement et partage drastiques… Parce que quand même souvent, Apple est Apple.
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APPLE EST-IL EST LE NOUVEL APPLE ?
Je ne sais pas si c’est le succès, mais d’une certaine manière, la Pomme est en train se revenir en arrière en terme de développement économique et technologique. A savoir un contrôle vertical total.
En s’éloignant récemment de partenaires comme nVidia ou Intel, en laissant courir la rumeur d’une généralisation de processeurs ARM « made in Apple » (customisés, plus probablement), la firme de Jobs semble vouloir prendre ses distances technologiques et philosophiques avec la concurrence, mobile ou traditionnelle.
Ce mouvement stratégique fait sens pour plusieurs raisons:
- Apple cultive une différence qui fait son ADN
- Apple a toujours voulu contrôler un maximum toutes les étapes de conception et de production d’un produit, pour ne dépendre que de ses besoins propres.
- Et plus important, Apple est aujourd’hui leader ou dans le peloton de tête des secteurs dans lesquels la firme concourt. Ce qui n’était pas le cas auparavant.
Car il y a 20 ans et des poussières, Apple avait également décidé de tracer sa propre voie avec un OS et des technologiques propres. On sait ce que cela a donné, avec le triomphe de l’approche Microsoft dans les années 90: un OS (Windows) pour des centaines de constructeurs de PC se partageant le gros du marché.
Mais si Apple a changé depuis ces 20 dernières années, qui joue le rôle Microsoft en 2011 ?
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FACE A APPLE, LE NOUVEAU WINDOWS EST-IL ANDROID ?
Google, évidemment. Car si l’on regarde le marché le plus crucial des dernières et des prochaines années, nous parlons d’appareils nomades. Et ici, certaines analogies ressortent clairement.
D’un côté, nous avons Apple qui joue exclusivement pour lui-même, avec des appareils et des OS dédiés et fermés dans leur écosystème.
Et en face, nous avons Android, un OS mobile plus ouvert, gratuit et destiné à être adopté par un maximum de constructeurs pour s’emparer du marché. L’unification des différentes versions d’Android via Ice Cream Sandwich pousse en ce sens. Une approche radicalement différente, mais qui fait penser à celle de Microsoft dans les années 80-90. J’arrête tout de suite les fanboys et les trolls en ne parlant pas de qualité ou de gratuité, mais de mode d’attaque d’un marché.
Si le géant de Redmond a ainsi conquis le marché des desktops, celui de Mountain View se destine à régner sur le marché des smartphones avec son Android, toujours plus riche en features, Google Wallet en tête.
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ANDROID, DEJA DIFFICILE POUR SONY
Evidemment, cette stratégie aura ses limites, la première desquelles s’incarnant dans les victimes collatérales de la guerre intra Android. S’il faut en effet pour les acteurs pro Android venir déloger Apple et RIM, il faut également se faire une place dans le peloton de cet OS, une bataille dans la bataille.
Et si le marché de la smartphonie a beau être en explosion, il ne pourra faire vivre 20 constructeurs. Si certains sont déjà en train de virer en tête (HTC, Samsung…), d’autres semblent déjà tirer la langue alors qu’Android n’a que quelques mois dans les pattes. Sony Ericsson, par exemple.
Le constructeur nippo-suédois semble déjà en difficulté, avec des premiers Xperia très en dessous des attentes (en terme de qualité comme de ventes) et la catastrophe (critique et) commerciale Xperia Play. Une rumeur de retrait de certains marchés comme la France à même dû être balayée récemment!
L’apposition du label PlayStation n’aura donc pas vraiment joué. Il est vrai que cette division est un peu morose ces derniers temps…
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SONY QUI BOSSE AUSSI SUR UNE NOUVELLE CONSOLE DE SALON
Après les incessantes et impressionnantes attaques de hackers sur les différents services en ligne de Sony, PlayStation et SOE, la firme japonaise tente de redresser la tête et en attendant, de changer les idées de tout le monde.
En officialisant le travail de ses ingénieurs sur une nouvelle PlayStation, par exemple. Si une telle machine est une évidence et sa préparation, un secret de polichinelle, ne pas le nier est un message fort envoyé par Sony. Il faut bien évidemment occuper le terrain médiatique à quelques jours de l’E3, mais aussi redonner confiance aux consommateurs en offrant une image active, d’innovation et de posture tournée vers l’avenir.
L’originalité de cette annonce tient dans sa précocité, la future PlayStation n’étant attendue que pour dans deux ans probablement. En attendant, la superstar officielle de cette année chez Sony, ce sera la NGP.
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LA NOUVELLE CONSOLE DE SONY POUR LE MOMENT, C’EST LA NGP A L’E3
Annoncée il y a quelques semaines, la prochaine console portable de Sony semble pourtant déjà handicapée par certains détails techniques. Les dernières rumeurs en date font état du retrait de la mémoire interne, d’une version sans 3G et surtout d’une mémoire vive et d’une mémoire vidéo divisées par deux.
Cela pourrait ressembler à des rumeurs parmi d’autres, mais il ne faut pas oublier que c’est une tradition chez les constructeurs de consoles. La PlayStation 3 avait ainsi vu sa mémoire graphique fondre entre les premières specs et les premières machines, mettant à mal le travail des développeurs, bridés par ce véritable goulot d’étranglement. Résultat, la XBox 360, moins puissante sur le papier, s’est révélée bien plus équilibrée. Et dans la guerre des fanboys, les XBoxistes se pavanent souvent avec un rendu un poil meilleur pour les versions 360 de jeux multi plates-formes…
Les bridages techniques ont aussi eu lieu chez Nintendo, avec la très récente 3DS, dont les spécifications définitives ont été annoncées lors d’une présentation confidentielle aux développeurs lors de l’E3 de l’année dernière. Et beaucoup avaient déchanté en découvrant que les capacités réelles de la console, beaucoup trop gourmandes pour son autonomie, seraient réduites comparées aux Devkits distribués jusqu’alors.
Autant dire que Nintendo n’a pas intérêt à se louper pour cet E3, avec l’annonce de sa nouvelle console de salon.
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LA SUPERSTAR DE L’E3 SERA SÛREMENT LE PROJECT CAFE
« Project Cafe« . Malgré son nom étrange (mais Nintendo nous avait également sorti des « Project Dolphin » et autres « Project Revolution »), la console qui succèdera à la Wii alimente toutes les rumeurs sur ses capacités techniques.
Elle serait selon Nintendo, full HD et plus puissante à la 360 et la PS3, mais quelques 6 ans après la sortie des futures ex « Next Gen », c’est un minimum et cela n’indique même finalement rien. Bien que Nintendo semble pousser sur le côté plus haut de gamme et puissant, le constructeur n’a jamais été réputé pour sortir les consoles les plus puissantes de leur génération (Wii, Gamecube, Nintendo 64, SNES peut-être si l’on excepte les 3DO).
Les rumeurs s’excitent donc d’autant plus sur les manettes, véritables points forts de Nintendo puisque chaque génération est devenue une norme: croix de direction sur la NES, 4 boutons en façade et boutons de tranches sur la SNES, analogique de série sur la N64, ok pas grand-chose sur la Gamecube et évidemment, Motion Gaming sur la Wii. On parle pour le Project Cafe d’écrans tactiles et de multiples capteurs. Trop de rumeurs à la veille de l’E3… Que c’est fatigant.
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EN PARLANT DE CAFE…
… J’en prendrais bien un, moi. Je suis crevé de lire et d’ingérer toute cette actu geek. Et ce n’étaient que 10 petits jours dans une année. En parlant de café, et si j’en demandais une tasse à notre président ? Il paraît qu’il en fait de l’excellent, dans son avion. Hop, Boucle bouclée.
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“Les Chroniques du Week End sont des réflexions de Lâm Hua sur la culture et l’industrie geek. Elles engagent les opinions de leur auteur et pas nécessairement celles de l’ensemble de la rédaction du JDG.
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Vos meilleurs commentaires et suggestions : à vous de jouer !