Le discours du président Barack Obama le 19 mai sur le processus de paix israélo-palestinien n’a rien apporté de nouveau, mais il a révélé des tensions qui font craindre qu’une fois de plus la violence ne soit la seule issue.
Le président a réitéré de façon très étudiée la position qui prévaut depuis plus de dix ans dans les efforts de Washington pour trouver un accord entre les Israéliens et les Palestiniens: « Les frontières d’Israël et de la Palestine », a-t-il dit, « devraient être fondées sur les lignes de 1967 avec des échanges sur lesquels les deux parties seraient d’accord, afin d’établir des frontières sûres et reconnues pour les deux Etats ».
Comme l’a immédiatement souligné l’ancien président Jimmy Carter dans un commentaire au New York Times: « Il ne s’agit pas d’une nouvelle politique américaine à l’égard des frontières d’Israël, et cela n’aurait pas dû être une surprise pour les responsables israéliens ».
La résolution 242 de l’ONU, votée le 22 novembre 1967 après la guerre de juin, a établi le principe du retrait israélien des territoires conquis durant le conflit. Il s’agissait notamment de la bande de Gaza, de la Cisjordanie, et de la partie orientale de Jérusalem, qui sont encore aujourd’hui au coeur des débats.
Par la suite, les efforts de paix déployés depuis les négociations de Camp David en 1978 et dans toutes les rencontres successives ont posé le respect de cette résolution comme un des piliers de la paix à construire. « Depuis plus de trois décades, l’occupation par Israël de la terre des Arabes a été le problème-clé resté sans solution », écrit encore le président Carter.
Et au cours de ces tentatives de règlement, le principe d’un échange de territoires pour satisfaire les exigences légitimes d’Israël pour sa sécurité a été progressivement accepté par toutes les parties. Ces « échanges » ont été réaffirmés par le président Obama, de façon très claire, et doivent se faire le long des lignes d’armistice qui ont prévalues de 1949 jusqu’au 4 juin 1967, à la veille de la guerre.
Le premier ministre israélien Benjamin Netanyahu a critiqué la position de M. Obama, en assurant que l’Etat hébreu ne retournerait jamais aux lignes de 1967, les qualifiant d’ »indéfendables ». Il faisait ainsi écho aux propos tenus par le ministre des affaires étrangères Abba Eban devant l’ONU, aprés la guerre de 67, qui avait alors parlé des « lignes d’Auschwitz ».
Devant la presse américaine, après un long entretien avec le président Obama, M. Netanyahu a ignoré les fondamentaux de la diplomatie, prenant publiquement le contre-pied de son hôte. Répétant que l’armée israélienne devait rester déployée dans la vallée du Jourdain le long de la frontière avec la Jordanie, et que Jérusalem resterait la capitale indivisible de l’état hébreu. Il a par la suite été accueilli par les deux chambres du Congrès, réunies pour l’occasion, qui ont salué par des ovations chaque paragraphe de son discours.
Cet épisode a illustré, comme l’explique Glenn Greenwald dans un article à Salon.com, les difficultés que M. Obama, qui veut se faire réélire en 2012, confronte en tentant de faire progresser les négociations entre Israéliens et Palestiniens. La plus infime expression par la président américain d’un désaccord avec le gouvernement israélien, provoque une réaction –qualifiée d’ »hystérique » par Greenwald– dans les milieux politiques pro-israéliens aux Etats-Unis. Et auprès d’une opinion publique, fondamentalement hostile à ce qui est présentées comme des concession d’Israël face à des Arabes dont il faut se méfier.
Comme le souligne le New York Times dans un éditorial du 26 mai, les commentaires dans les rangs des élus américains de droite ont été dénués de toute mesure. « Le président a jeté Israël sous un bus », a assuré l’un, « il a mis en péril l’existence d’Israël, a commenté un autre. « Il a trahi Israël », et son discours marque « le commencement de la fin de l’Etat juif, tel que nous le connaissons », ont encore jugé des Républicains. Et le grand quotidien de New York de conclure : « C’est une chose de faire du tapage en temps de campagne électoral, et c’en est une autre de mener la recherche de la paix ».
Malheureusement les calendriers politiques et diplomatiques aux Etats-Unis et dans la région vont se liguer pour créer dans les mois qui viennent une situation explosive.
M. Obama va être contraint par ses exigences de candidat de mettre en sourdine ses projets de président. D’un côté, il ne peut en aucun cas donner l’impression de faire pression sur Israël, au risque d’être accusé par ses propres soutiens politiques et financiers démocrates de jouer de façon imprudente avec la sécurité de l’Etat hébreu. Mais de l’autre, il a été mis en garde par ses chefs militaires et par ses services de renseignement que la sécurité des Etats-Unis ne peut être garantie sans une solution au conflit israélo-palestinien.
Cette contradiction va être d’autant plus difficile à gérer que des changements de régime dans des pays arabes-clefs comme l’Egypte ou la Tunisie ont crée un nouveau climat dans le monde arabe. Des révoltes ont chassé des dirigeants qui avaient choisi de ne pas remettre en question le status quo avec Israël. Et il n’est pas certain que cette situation perdure. Ainsi des manifestations violentes ont eu lieu récemment devant l’ambassade israélienne au Caire, et en Tunisie, la justice a décidé d’enquêter sur la mort violente –il y a 22 ans!– d’un ingénieur qui avait accusé le régime Ben Ali de liens avec les services secrets israéliens.
« Que va-t-il se passer maintenant? », se demandait avec anxiété le New York Times le 26 mai. Un élément de réponse va intervenir en septembre lorsque les Palestiniens demanderont à l’ONU de reconnaître leur Etat dans des frontières correspondants aux lignes de 1967. Ils devraient obtenir une majorité à l’Assemblée Générale, mais ce vote comme tant d’autres n’aura pas d’incidence légale ou politique. Et les Etats-Unis s’opposeront, bien sûr, à cette résolution, que M. Obama a déjà critiquée comme une initiative unilatérale maladroite.
Mais ce vote marquera l’impatience des Palestiniens face à ce qu’ils considèrent comme la futilité de rechercher dans le dialogue une satisfaction de leurs exigences. Le risque est fort qu’ils trouvent dans les mouvements populaires qui ont agité le monde arabe depuis le début de l’année, un encouragement à confronter dans la rue ceux qu’ils voient comme des occupants. Que diront alors les Etats-Unis et les pays occidentaux qui se sont réjouis de la manière dont les Egyptiens, les Tunisiens, les Syriens ou les Yéménites ont pris en main leur destin et défié ceux qu’ils voyaient comme des oppresseurs.
« La paralysie nourrit l’extrémisme », a averti le New York Times. « Et le temps est compté ».
Salon