D'abord, en allant voir un film intéressant, « La défense Lincoln », véritable documentaire sur la justice américaine en général, et sur le rôle de ses « serviteurs » en particulier, et notamment des avocats qui ont là-bas un domaine de compétence et de décision très élargi par rapport à celui dont nous avons l'habitude dans notre « vieille Europe ».
On y voit en particulier la totale latitude que possède un avocat de laisser condamner un innocent fauché, si cela peut lui permettre de faire acquitter par contre-coup un vrai coupable cousu d'or qui va assurer sa fortune. On y voit aussi le débat ouvert entre juges et procureurs pour savoir si l'acquittement ou la condamnation programmés de tel ou tel favoriseront ou pas leur prochaine élection.
On y voit encore comment de vrais innocents, coincés dans un imbroglio juridique, sont amenés à « plaider coupable » pour s'en sortir moins mal alors que de vrais criminels plaident non-coupable parce qu'ils ont les moyens d’assumer cette posture.
On découvre avec stupéfaction que la justice américaine est si propice aux filous, et si facile à instrumentaliser que de nombreux hommes s'abstiennent de rester seul avec une femme dans un ascenseur, de peur de se retrouver avec un procès sur le dos en arrivant à l'étage, et qu’aucun professeur ni directeur d'école ne s'aviserait de convoquer un ou une élève dans son bureau en tête à tête... La disposition des « bureaux ouverts » ou vitrés n'est ni une fantaisie d'architecte ni un gadget économique ou productiviste, mais un système destiné à parer ce genre d'éventualité.
Dans ce beau pays où, en 130 ans de Far West, on a pendu plus de gens que l'église, Inquisition comprise, n'en a brûlé en Europe en mille ans, la justice apparaît comme une sorte d'épée de Damoclès dont chaque citoyen doit tenir compte à chaque instant de sa vie y compris le plus banal, alors que dans les pays plus normaux, elle ne menace vraiment les pauvres gens qu'au moment où ils commettent une infraction.
Dans l'affaire DSK, on distille dans les médias des communiqués partiels, qui n'affirment rien, mais amorcent insidieusement des rumeurs dont les dégâts diffamatoires sont souvent pires que la réalité des faits.
Par exemple, on a retrouvé des griffures sur la poitrine de DSK. Cela ne nous dit pas lequel des deux s'est jeté sur l'autre : si la femme de chambre voulait gagner au loto, c'est elle qui les aura infligées, mais la presse semble avoir négligé cette éventualité.
Par exemple, on prend au sérieux la thèse d'une fellation forcée. Aventureriez-vous votre zizi entre les dents d'une personne agressée qui ne songe qu'à se défendre ? Et si vous en étiez victime, votre premier réflexe ne serait-il pas de mordre ? Un bon coup de mandibule n'est-il pas la meilleure défense contre un tel agresseur ? A moins d'avoir un revolver en main, ce qui n'était pas le cas, on ne voit pas comment on peut contraindre quelqu'un à pratiquer une fellation.
Par exemple, un juge qui aurait parlé en pleine instruction de « tentative de fuite précipitée » pour qualifier l'embarquement d'un présumé innocent dans un avion dont il avait réservé le billet la veille ne serait-il pas, chez nous, taxé de faute de déontologie ? (pour être poli...) Là-bas, non. Il n'a fait que son boulot : charger la barque en espérant qu'elle coule.
On a parlé de théorie du complot, en la raillant eu égard à la parano des complotistes, mais sans l’exclure non plus tant le flou de la situation et les antécédents de certains services américains ont démontré leur savoir faire en la matière.
Que certains milieux ultra-libéraux ne supportent pas la perspective de l'élection d'un DSK à la présidence française, dans un poste où il pourra continuer à soutenir l'euro et les pays en difficulté, et lutter contre le pillage des ressources des pays subjugués par le système financier, ça doit être trop gênant pour qu'on l'envisage sérieusement. Si c'était vraiment des conneries, il y a longtemps que la presse en aurait parlé.
Il y a des choses que je refuse de voir classées sous l'étiquette « justice ». Si Michael Jackson, par exemple, avait été coupable, il aurait dû être simplement condamné, et s'il avait été innocent, il aurait dû être relaxé sans devoir payer vingt millions de dollars aux plaignants...
On se plaint de ce que chez nous, on va en prison pour un vol de scooter bien davantage que pour un abus de biens sociaux, ce qui est sans doute exact, mais ce n'est rien à côté de ce qui se passe outre-atlantique...
Il y a des mots qui, réunis dans une même phrase, la font exploser : Cuisine anglaise, par exemple, finance équitable. A ces binômes détonants, il faut ajouter « justice américaine ».
A cela, il faut ajouter tous les échos et résonances que l'affaire a suscité dans la presse internationale, et du tremplin qu'elle a constitué pour les féministes. Là aussi, il y en a eu de belles dans les deux camps, du troussage de soubrette à la mort d'homme en passant par la condition féminine toute entière qui se serait jouée dans le huis-clos d'une chambre d'hôtel selon les règles douteuses du billard à trois bandes dont nous venons de donner un aperçu ci-dessus. On n'a pas avancé d'un yota dans la définition du consentement, mais qu'est ce qu'on a fait comme tapage !
Mais de l'autre côté, de fins analystes à l'intérieur même du parti socialiste disent qu'il existe bien davantage de juteuses prébendes dans les institutions locales (conseils régionaux, généraux, municipalités, etc..) que dans les postes d'un gouvernement, et qu'à cet égard, rester dans l'opposition permet à ces très nombreux élus discrets de conserver leurs modestes mais lucratifs petits trônes.
Ce qui peut expliquer, d'une part, le peu d'empressement du PS à gagner les présidentielles, constaté entre autres par le non-soutien du parti à sa candidate en 2007 et par la bataille d'éléphants qui se prépare encore aujourd'hui, et d'autre-part par la volonté de la droite de supprimer ces institutions locales où le PS, durablement implanté, survit dans une discrète et paisible opulence.