Chronique mai 2011

Publié le 28 mai 2011 par Egea

Notre ami le docteur Pellistrandi nous revient, après deux mois : il lui a fallu s'adapter à la Dolce vita, ce qui n'est pas une mince affaire pour observer la scène stratégique : encore une fois, mille mercis à lui pour son travail régulier et indispensable....

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Je note particulièrement ce paragraphe : "L’Europe poursuit le démantèlement de sa défense avec une efficacité « remarquable » et hélas irréversible. Chaque mois ou presque, un nouveau pays annonce une réduction de ses capacités militaires en expliquant qu’après, ses forces seront plus compactes et donc plus efficaces. Si ces choix politiques peuvent être cohérents et conformes à la volonté nationale, il devient de plus en plus hypocrite de faire croire au citoyen contribuable que le niveau consenti de budget militaire permettra de maintenir l’efficacité opérationnelle. Il serait plus honnête de déclarer ouvertement que l’Europe a renoncé à être un acteur militaire crédible et de reconnaître que le Soft Power suffit désormais aux ambitions européennes."

O. Kempf

Rubriques : Etats-Unis, Russie, Chine, Inde, Défense dans le monde, Défense en France, Armée de terre, Marine, Armée de l’air, Service de Santé des Armées, Industries de défense, Royaume-Uni (nouvelle rubrique consécutive au Traité franco-britannique du 2 novembre 2010) , Défense européenne et OTAN, Conclusion.

Chronique Mai 2011

Après des années de traque, les Etats-Unis ont enfin atteint leur cible en abattant Oussama Ben Laden, en plein cœur du Pakistan, partenaire passif et ambigu depuis de trop nombreuses années et dont la fragilité intrinsèque est devenue un risque majeur pour la stabilité et la paix mondiale. La disparition brutale du leader terroriste change également la donne en Afghanistan. Le transfert des opérations de sécurisation devient désormais une priorité pour les pays occidentaux, dont plusieurs ont hâte dès lors de quitter ce pays en s’appuyant sur l’argument simple et porteur politiquement que la mission initiale a été désormais remplie. A Kaboul de se débrouiller désormais !

Ce printemps 2011 est marqué par un engagement militaire français sans équivalent depuis plusieurs décennies. Si l’Afghanistan reste le théâtre principal, avril a vu la situation en Côte d’Ivoire basculée brutalement en faveur du président élu Alassane Ouattara avec un soutien militaire important de la Force Licorne ainsi que des unités de l’ONUCI. Il semble qu’en cette fin de mois de mai, le président déchu Laurent Gbagbo a admis sa défaite et que la réouverture du port d’Abidjan permet à la fois à l’économie de redémarrer, mais aussi de retrouver enfin une normalité indispensable pour effacer une décennie de violence et d’instabilité. Il est cependant évident que le succès d’une telle opération passe par la poursuite des efforts visant à conforter une bonne gouvernance de la part des autorités élues, l’annonce récente du maintien d’une présence militaire française, même limitée, allant dans ce sens. Mais, si le théâtre ivoirien pourrait enfin se fermer, la Libye est désormais sur le devant de la scène. La marine nationale et l’armée de l’air fournissent l’essentiel des moyens aériens et navals, dont le porte-avions Charles de Gaulle. Plus que jamais, le PA apparaît comme une plateforme stratégique sans équivalent et conférant à notre pays une capacité unique (et enviée) en Europe.

Etats-Unis

Le porte-avions CVN 77 Georges Bush, dernier de la classe Nimitz, est parti pour son premier déploiement opérationnel depuis sa base de Norfolk. Commandé en 2001, il a été lancé en 2006 et admis au service actif en 2009. Bénéficiant de nombreuses améliorations, il mesure 333 m de long (PA CDG : 261m), a un déplacement de 98000 tonnes (39000 pour le CDG). Son équipage est de 5600 marins pour mettre en œuvre une soixantaine d’appareils (1800 pour une trentaine d’engins). Le prochain porte-avions, le CVN 78 Gerald Ford sera disponible en septembre 2015 pour remplacer l’USS Enterprise qui sera désarmé fin 2012.

Malgré de nombreuses polémiques sur son coût, le futur avion de combat embarqué, le F 35, va débuter ses premiers essais de catapultage. La réussite de ces tests est essentielle pour la poursuite de ce programme toujours très discuté au Sénat, qui, récemment, a refusé le développement d’un réacteur « alternatif », le principe ayant d’avoir toujours deux types différents de réacteur produits par des fournisseurs distincts.

Le dixième sous-marin nucléaire d’attaque (SNA) de la classe Virginia a été mis sur cale ce printemps. Il rentrera en service en 2014, témoignant de la maturité du processus industriel. Le onzième exemplaire sera assemblé dès septembre, tandis que le quatorzième vient d’être commandé. Cette classe est mise en œuvre depuis 2004. L’avion d’entraînement T 38 Talon vient de fêter ses cinquante ans de service. Ce biréacteur a été fabriqué jusqu’en 1972 et devrait rester en service jusqu’en 2020.

L’entrée en campagne électorale se précise désormais avec le Président Obama candidat à sa propre succession. Les questions de défense vont donc faire l’objet de débats serrés avec d’une part le maintien du leadership, mais aussi une nécessité budgétaire de ralentir les efforts consentis surtout depuis un certain 11 septembre. Entre réalisme et opportunisme, Démocrates et Républicains vont engager d’âpres discussions, en particulier sur l’évolution du lien transatlantique moins prioritaire pour l’administration Obama.

Russie

Les chantiers navals de l’Amirauté, situés à St Petersburg, sont engagés dans un vaste programme de sous-marins destinés à la marine russe avec, en théorie, 20 exemplaires et une dizaine pour l’exportation. Cela semble très ambitieux surtout après le long « trou d’air » qu’a connu le complexe industriel russe, entraînant une obsolescence des installations de production et de fabrication, ainsi qu’un vieillissement des ingénieurs et des techniciens. Les sous-marins nucléaires d’attaque ont une moyenne d’âge de 18 ans. Pour l’exportation, 6 sous-marins ont été commandés en décembre 2009 par le Vietnam. Ceux-ci seront livrés à partir de 2013 et serviront principalement à contrôler les eaux vietnamiennes face au géant chinois. Moscou négocie également avec l’Indonésie pour 4 bâtiments. La Syrie et le Venezuela ont aussi manifesté leur intérêt pour les produits russes.

Paradoxalement, si Moscou exporte, Moscou souhaite également importer et les discussions sur l’acquisition de 4 BPC du type Mistral semblent délicates autour de la question ultra-sensible des transferts de technologie. La découpe d’une première tôle ne semble pas d’actualité pour le moment, malgré les annonces politiques. Moscou souhaite également accélérer la modernisation de son armée de l’air et annonce l’acquisition de 48 nouveaux avions de combat d’ici 2020. L’une des difficultés est d’ordre technologique afin de rattraper le retard accumulé depuis la fin de l’URSS. Ainsi, le développement du SU 34, chasseur bombardier destiné aux attaques au sol, a pris une quinzaine d’années. Le budget spatial civil va augmenter de 11% en 2011, pour atteindre 2,35 milliards d’euros. En 1995, il n’était plus que de 145 millions de dollars. Cette reprise va permettre de lancer de nouveaux programmes, dont des lanceurs. Le premier lancement d’une fusée Soyouz depuis la Guyane est désormais prévu pour le mois d’octobre.

Chine

Le porte-avions devrait entamer ses premiers essais à la mer d’ici la fin de cette année. Les dernières images le montrent en grande partie, achevé et totalement repeint. Racheté à l’Ukraine en 1998, sous le prétexte de le transformer en « casino flottant », il était entré en chantier en 2002. Il semble que l’objectif est d’abord d’apprendre l’aéronavale embarquée et qu’il ne s’agit pas d’avoir un navire de combat.

L’appareil embarqué pour ce porte-avions est le J 15, une copie chinoise de l’avion russe Su 33. Des photos de cet appareil sont désormais disponibles sur Internet. Le SU 33 russe, quant à lui, n’est plus fabriqué.

Inde

Conscient du retard pris sur son concurrent chinois, New Delhi a annoncé le premier vol d’un cosmonaute indien à bord d’un vaisseau russe d’ici 2015. L’étape suivante serait un vol habité sur une fusée nationale dès 2017, ce qui semble peu réaliste.

Après des années de discussions et de négociations, New Delhi aurait décidé de confier la modernisation de 51 Mirage 2000 à l’industrie française pour un montant de 2,1 milliards de dollars. 4 appareils seraient rénovés en France, les 47 autres l’étant en Inde. Ce choix pour la proposition française est intéressant, d’autant plus que le programme du futur chasseur est désormais entré dans la phase finale de sélection des avions candidats, après plus de trois ans de controverses. Il ne reste en lice que le Rafale de Dassault et l’Eurofighter. Le marché porte sur 126 exemplaires et l’annonce du vainqueur est prévue en mars 2012 pour ce qui pourrait devenir le « marché du siècle ».

Malgré les retards de production estimés à 3 ans, le programme P 75 des sous-marins du type Scorpène, construit avec l’appui de la France, semble désormais en bonne voie. Le premier exemplaire devrait être mis à l’eau en 2013 pour une mise en service à l’été 2015. A priori, deux équipages indiens seraient entraînés d’ici quelques mois en France. La priorité clairement affichée pour les sous-marins – en raison d’une déflation de 14 à 9 bâtiments d’ici 2012- semble remettre en cause les projets de porte-avions qui pourraient être retardés. C’est ainsi que New Delhi envisage une refonte des 4 sous-marins U 209, de construction allemande, pour un montant de 500 millions de dollars.

Le chantier français Couach a livré ses trois premières vedettes rapides à la marine indienne sur un total de 15 exemplaires commandés. Ces embarcations de 13 m de longueur peuvent atteindre la vitesse de 50 nœuds. Le besoin de tels engins ne cesse de s’accroître pour surveiller le littoral indien face aux menaces de piraterie et de contrebande.

Défense dans le monde

Confirmant la tendance au réarmement en Asie-Pacifique, l’Australie a décidé d’acquérir un navire amphibie britannique quasiment neuf, car admis au service actif en 2006 et désarmé prématurément en raison des réductions budgétaires décidées par Londres. Le Largs Bay sera livré fin 2011 pour un coût de 106 millions $ et permettra de préparer l’arrivée des deux porte-hélicoptères (LHD) du type Canberra commandés à l’Espagne et qui arriveront en 2014. Par ailleurs, l’armée de l’air australienne doit recevoir un cinquième avion de transport stratégique C17.

Manifestement, l’emploi du sous-marin devient central dans les stratégies navales mises en œuvre par plusieurs pays d’Asie. Après la Malaisie, la Thaïlande va se lancer dans la création ex nihilo d’une sous-marinade, en profitant de la mise sur le marché de l’occasion de six sous-marins allemands. Ces engins pourraient être livrés d’ici septembre 2013 et le coût serait de 175 millions d’euros. Indirectement, le choix de Bangkok ruine, du moins temporairement, les espérances de l’Espagne qui espérait gagner ce marché. Les sous-marins allemands avaient été admis au service en 1975 et disposeraient encore d’un potentiel d’une dizaine d’années.

Israël et l’Allemagne seraient arrivés à un accord pour la construction d’un troisième sous-marin du type Dolphin. Les deux premiers doivent être livrés entre 2012 et 2013 et disposent d’une capacité de lancement de missiles de croisière qui pourraient porter une tête nucléaire. Ce nouveau bâtiment pourrait être disponible en 2014-2015 et renforcera le potentiel dissuasif de Tel-Aviv face à l’Iran. La Colombie est engagée dans un processus de modernisation de sa marine, avec l’arrivée d’une première frégate sur une série de 4 navires et la rénovation d’ici 2013 des sous-marins du type 209 entrés en service en 1975. Le contrôle de ses eaux territoriales réparties entre le Pacifique et l’Atlantique est un challenge permanent dans le cadre de la lutte contre les narcotrafiquants.

Défense en France

L’actualité de ce trimestre est d’abord opérationnelle et aura certainement des impacts majeurs pour la suite, en particulier dans le cadre de la prochaine campagne électorale. Jamais les forces françaises n’ont été autant engagées en opérations depuis de nombreuses années. Il sera donc essentiel d’en tirer les bonnes conclusions et de conforter les choix faits en mettant les moyens adéquats.

Indirectement, il faut souhaiter que les résultats obtenus sur le terrain puissent confirmer l’industrie de défense, notamment à l’occasion du prochain Salon du Bourget. La DGA a fêté ses cinquante ans. Voulue par le Général de Gaulle pour construire notamment la force de dissuasion, la DGA poursuit sa mission en conduisant 80 programmes. En 2010, la DGA a passé commande pour 9,1 milliards d’euros. Premier acteur de la recherche de défense en Europe, la DGA emploie 12000 personnels répartis sur une vingtaine d’implantations.

Armée de terre

Le trentième hélicoptère de combat Tigre a été livré à l’ALAT à la mi-avril. 17 appareils seraient disponibles pour une projection en Opex. Un appareil avait été sérieusement endommagé en Afghanistan. Les HAP Tigre sont déployés depuis l’été 2009 sur ce théâtre très exigeant.

Les 17 hélicoptères Fennec de l’ALAT sont en cours de rénovation pour pouvoir continuer à être utilisés dans le cadre des règles de la navigation aérienne civile. Les missiles anti-aériens Mistral vont être modernisés avec un nouveau viseur. Le Mistral équipe principalement le 54° RA et le 35°RAP. Il est le dernier armement de défense sol-air de l’armée de terre après le retrait des Roland.

Une nouvelle tranche de drones de contact DRAC vient d’être commandée auprès d’EADS/Cassidian. 135 engins devraient être livrés d’ici 2013. Le DRAC est désormais utilisé en Opex avec succès, en effectuant 2 à 3 missions chaque jour sur le théâtre afghan. 120 engins ont déjà été livrés.

A la fin juin, la garnison de Limoges fermera définitivement ses portes après près de deux siècles de fonctionnement. L’état-major de force (EMF 4) a été dissout, tandis que l’état-major de la troisième brigade mécanisée déménagera et s’installera à Clermont-Ferrand.

Marine

Alors que la marine est très fortement engagée en opérations, avec notamment le groupe aéronaval, autour du porte-avions Charles de Gaulle, la modernisation des moyens a été marquée en avril par les premières sorties à la mer de la première frégate FREMM, Aquitaine, et du troisième navire du type BPC, le Dixmude. Ce navire avait été commandé dans le cadre du plan de relance de l’économie, en 2008. Il a permis de préserver temporairement l’outil industriel des chantiers de St Nazaire. Théoriquement, un quatrième BPC est prévue pour entrer en service en 2019-2020. Le Dixmude entrera en service en 2012. Cela entraînera le désarmement du TCD Foudre qui intéresse plusieurs marines étrangères.

Le mercredi 18 mai, DCNS a mis à flot la première corvette Adroit qui sera mise à la disposition de la marine nationale d’ici un an en vue de promouvoir ce nouveau type de navire plus polyvalent mais réservé à des missions de police des mers et non de combat. Son armement est pour l’instant limité à un canon de 20 mm et deux mitrailleuses de 12,7.

En mars, DCNS Cherbourg a achevé la fabrication du premier tronçon du deuxième sous-marin nucléaire d’attaque (SNA) de la classe Barracuda. Ce bloc, d’une masse de 40 tonnes, concrétise l’avancement d’un programme majeur et essentiel pour la défense comme le montre le déploiement de SNA dans le cadre des opérations en Libye. La marine a transféré le patrouilleur P 400 La Rieuse, qui était basée à La Réunion, au Kenya. Ce type de transfert évite de ramener le navire pour son démantèlement et permet de renforcer à bon compte, les capacités militaires d’un pays voisin et ami.

Trois autres P 400 ont été désarmés et seront démolis. Les derniers P 400 seront retirés du service actif d’ici 2016.

Armée de l’air

Largement utilisée dans les opérations en Libye, la munition AASM connaît de nouveaux développements avec les derniers tirs de qualification de la munition tirée sur une cible mobile. Le guidage est assuré au moyen d’un laser. Cette version de l’AASM sera livrée d’ici la fin 2012. L’armée de l’air souhaite faire évoluer ses drones Male avec une capacité d’emport d’armement pour la prochaine série. Jusqu’à présent, les Male sont utilisés pour des missions de reconnaissance et de surveillance. Les 4 Harfang restent des engins « expérimentaux » et souffrent d’importantes limitations.

L’Ecole des Pupilles de l’Air (EPA) de Grenoble fête ses 70 ans d’existence après avoir été créée en août 1941. L’EPA a accueilli plus de 13000 élèves depuis son ouverture. Gendarmerie et sécurité

La DGA a livré 5 vedettes de surveillance maritime et portuaire (VSMP). Ce contrat avait été notifié dans le cadre du plan de relance de 2009, prévoyant 8 engins. D’une longueur de 12 m, la VSMP a une vitesse de 30 nœuds et une autonomie de 24 heures. Les premières VSMP sont affectées au Havre, à Marseille et à Port-de-Bouc et permettront ainsi de renforcer le contrôle de ces zones portuaires. Les 3 dernières VSMP seront livrées d’ici cet été.

Les unités dédiées au maintien de l’ordre vont recevoir de nouvelles tenues plus ergonomiques et mieux adaptées aux nouvelles exigences de cette mission. L’une des caractéristiques est de prendre en compte l’isolation thermique notamment lorsqu’il fait chaud. Le coût unitaire est de 700 €, contre 260 € pour le modèle précédent. L’Escadron de Gendarmerie Mobile d’Arras va être le dernier EGM dissous. Au total, 15 EGM auront été concernés dans ce processus entamé en 2010.

Service de Santé des Armées

L’Hôpital d’Instruction des Armées (HIA) Legouest, situé à Metz, a inauguré son nouveau service d’urgence. Celui-ci a reçu 21000 patients en 2010, dont 90% de civils, soit une augmentation de 25% en 2 ans.

Le SSA est actuellement très engagé en Opex, avec 10% de ses effectifs, notamment en Afghanistan, démontrant au quotidien sa spécificité militaire. La difficulté pour le SSA est de faire admettre sa spécialisation, devant s’appuyer sur son dispositif hospitalier en métropole. Les résultats obtenus en Opex sont le fruit des efforts et de l’expérience consentis depuis des décennies qu’une approche civile ne pourrait pas assumer.

Le robot opératoire Da Vinci installé cet automne au HIA Val-de-Grâce est désormais pleinement opérationnel. 15 chirurgiens et 6 infirmiers spécialisés ont été formés sur ce robot à Strasbourg, berceau de la téléchirurgie française.

Industries de défense

Le deuxième exemplaire de la frégate de type FREMM destiné au Maroc devrait être mis à flot en septembre, conformément aux prévisions, traduisant ainsi le bon déroulement de ce programme majeur. Toutefois, les perspectives d’exportation semblent difficiles à se concrétiser, d’autant plus que le modèle français est en concurrence avec son sister-ship italien et que Rome a réduit sa cible, laissant 4 FREMM disponibles à la vente.

Royaume-Uni (nouvelle rubrique consécutive au Traité franco-britannique du 2 novembre 2010)

Malgré la forte réduction de voilure imposée à la défense britannique, certains chantiers se poursuivent. Ainsi, le premier moteur du premier porte-avions CVF Queen Elizabeth a été livré, tandis que les trois autres sont prêts. La fabrication des quatre moteurs destinés au deuxième CVF va débuter. Le Queen Elizabeth doit entrer en service en 2016, mais se limitera à n’être qu’un porte-hélicoptères. Après des mois d’incertitudes, le programme des futurs SNLE connaît une nouvelle étape avec l’annonce du développement d’un nouveau réacteur, le PWR 3. La décision finale serait prise autour de 2016. Si ce projet est maintenu, le premier des SNLE entrerait en service autour de 2028 et engagerait Londres jusqu’en 2060.

Défense européenne et OTAN

L’Europe poursuit le démantèlement de sa défense avec une efficacité « remarquable » et hélas irréversible. Chaque mois ou presque, un nouveau pays annonce une réduction de ses capacités militaires en expliquant qu’après, ses forces seront plus compactes et donc plus efficaces. Si ces choix politiques peuvent être cohérents et conformes à la volonté nationale, il devient de plus en plus hypocrite de faire croire au citoyen contribuable que le niveau consenti de budget militaire permettra de maintenir l’efficacité opérationnelle. Il serait plus honnête de déclarer ouvertement que l’Europe a renoncé à être un acteur militaire crédible et de reconnaître que le Soft Power suffit désormais aux ambitions européennes.

Ainsi, les Pays-Bas ont annoncé d’importantes réductions d’ici 2015 avec 12000 suppressions d’emplois sur un total de 69000. Cela se traduira par une diminution de 30% des états-majors. 100 postes dédiés à l’OTAN ne seront plus honorés. Le parc des blindés verra 60 chars Léopard retirés du service. La marine perdra 2 patrouilleurs. Les avions de combat F 16 passeront de 87 à 68, mais la participation au programme F 35 JSF est confirmée, et, plus paradoxal, alors que les besoins européens sont avérés, les 17 hélicoptères de transport Cougar seront vendus, privant les forces néerlandaises d’une capacité intéressante sur le plan opérationnel.

L’Allemagne a commencé à présenter les restructurations à venir. Ainsi, les effectifs militaires vont passer de 220 à 170 000 militaires. Par contre, avec la professionnalisation engagée, le nombre total de soldats déployables sera de 10000 au lieu de 7000 actuellement. Les effectifs de personnels civils vont aussi être réduits de 75000 à 55000 postes. Les annonces de fermeture de garnisons et d’implantations sont attendues d’ici l’été.

Pour la première fois depuis 8 ans, une nouvelle frégate est entrée en construction dans les chantiers navals Blohm+Voss, à Hambourg. Tête de série du type F 125, qui doit comprendre quatre bâtiments, ce navire, le Baden-Würtemberg, a été conçu pour de longs déploiements océaniques. Son admission au service actif est prévue en 2016 par la marine allemande. La Grèce, plus que jamais empêtrée dans une crise budgétaire majeure, a annoncé le gel de tout investissement militaire pour cette année. Les conséquences industrielles risquent d’être sensibles pour les chantiers navals très dépendants des commandes gouvernementales.

La Bulgarie projette de remplacer ses avions d’origine soviétique, des Mig 21 et des Su 25, par 8 appareils neufs ou d’occasion, qui seront sous toute vraisemblance, des F 16, dont de nombreux exemplaires sont désormais disponibles. La question reste le financement puisque le budget bulgare de la défense doit baisser de 28% cette année, tandis que le dernier sous-marin sera désarmé en 2014, sachant que sa valeur militaire est déjà quasi nulle.

La Norvège a confirmé son intérêt pour le chasseur F 35 en annonçant l’achat de 4 appareils destinés à former les premiers pilotes. Ces F35 sont attendus d’ici 2016. Les F 35 de combat sont attendus à partir de 2018.

L’OTAN vient de fêter les soixante ans de son Collège de Défense. Le Nato Defence College (NDC) avait été créé à l’initiative du Général Eisenhower, dans l’enceinte de l’Ecole Militaire à Paris, afin de former des officiers supérieurs de haut niveau appelés à prendre des responsabilités au sein de l’Alliance. Depuis 1966, le Collège est installé à Rome, où il organise deux sessions principales chaque année, ainsi que de nombreux cours auxquels participent militaires et diplomates des nations membres de l’OTAN, mais aussi partenaires ou associés.

La Turquie a signé un contrat pour la construction de deux navires amphibies de 138 m de long pour sa marine auprès des chantiers turcs de Tuzla, à Istanbul. Le contrat définitif de l’avion de transport stratégique A 400M a été signé en avril, mettant fin « provisoirement » à un long feuilleton politico-industriel. Les essais se déroulent avec une grande régularité et les prototypes seront certainement très observés lors du prochain Salon du Bourget. Le cinquième prototype devrait voler cet automne. La France sera le premier pays fourni avec son premier appareil au début 2013. A la fin 2014, 8 appareils seront en ligne. L’équilibre financier reste cependant précaire puisqu’il faudrait qu’au moins 280 avions soient vendus. Or, à ce jour, l’A 400M a été commandé en 174 exemplaires.

Conclusion

Un printemps de crises, mais aussi un printemps d’espoir pour certains pays du monde arabe où le vent de la liberté et de la démocratie semble souffler dans la bonne direction. Il n’en demeure pas moins que les équilibres géostratégiques restent très fragiles. Le nucléaire iranien reste une réalité, même s’il ne semble plus occuper médiatiquement la scène de l’actualité stratégique. La rivalité triangulaire Inde-Pakistan-Chine ne cesse de croître et la récente visite du chef de l’état pakistanais à Pékin ne peut qu’accroître les craintes indiennes d’un encerclement « stratégique ». A l’inverse, l’Europe peine à agir comme puissance et ne cesse de se trouver de bonnes excuses pour éviter de s’engager. La crise libyenne en est un exemple significatif et illustre les difficultés de l’Union européenne à prendre en main son propre destin. Si l’OTAN est en première ligne sur le théâtre libyen, il faut bien admettre que les premiers rôles reposent toujours sur les mêmes acteurs. Il est à souhaiter que la réalité opérationnelle vienne un peu infléchir une stricte comptabilité budgétaire certes nécessaire mais porteuse de risques à terme.

Jérôme Pellistrandi

NB : Cette chronique a été rédigée depuis Rome où je suis actuellement auditeur au Collège de l’OTAN. Les informations sont donc plus fragmentaires en raison d’un accès plus restreint à mes sources habituelles d’information. Sources :

  • Air et Cosmos
  • Le Marin
  • Cols Bleus
  • Mer et Marine
  • Portail des sous-marins
  • Jane’s