Je rassure les spectateurs et spectatrices potentiels, tout a très bien marché... A la place de la vidéo que je pourrais offrir au lecteur suite au spectacle sur Gulliver, j’offre ce matin l’une des scènes qui ont bien marché !
Scène 2
(La scène est sur la plage, trois élégantes jeunes Lilliputiennes parlent chiffons et ne voient pas encore le géant qui est échoué à l’avant-scène)
Lillie : Lilla, Lillou ! Que c’est bon de marcher sur la plage de bon matin ! J’adore ça !
Lilla : t’as raison, Lillie, j’adore enlever mes hauts talons et sentir mes pieds s’enfoncer dans le sable...
Lillou : je me sens plus belle avec le vent dans les cheveux et l’air vif sur les joues ! C’est revigorant comme un bon bain moussant ! On se sent plus belles, pas vrai les filles !
Lillie : il faut être belles ce soir ! Le roi nous a invitées au grand bal de la cour. Je ne sais pas quoi me mettre...
Lilla : (lui caressant la joue) Lillie, tu es tellement ravissante qu’un rien t’habillerait... Mais nous sommes ravissantes toutes les trois et il faut bien faire un effort de toilette pour ce genre d’occasion !
Lillou : nous allons forcément plaire au prince... L’une de nous trois doit même réussir à lui chavirer le coeur !
Lillie : les autres sont laides et vulgaires, elles n’ont qu’à aller se cacher ! Nous avons en revanche beaucoup de grâce et d’élégance...
Lilla : je trouve aussi... Et puis, je vais vous le dire, les filles, ce qui plaît à la cour, c’est la distinction et l’éloquence.
Lillou : nous parlons avec des mots choisis et gracieux et nous écrivons des vers.
Lillie : et puis, quelle éducation dans notre façon d’être, notre démarche, nos gestes...
Lilla : nous prenons des cours de danse et de musique et nos vêtements sont nos plus beaux instruments. (Elles se sont arrêtées et s’admirent mutuellement)
Lillou : nos petits pieds sont des danseurs et nos chevilles jouent de la musique ! Allez, orchestre, en avant la musique !
(Elles se mettent à courir en riant et s’arrêtent pile devant le corps de Gulliver Changement radical dans l’attitude. Elles révèlent un côté bestial et vulgaire, et la scène va virer à une sorte de danse du totem autour du corps)
Lillie : qu’est-ce que c’est ? Quel affreux sac de patates arrivé sur le rivage des Lilliputiens, quel ignoble bibendum ! Il ne ressemble à rien ce gros patapouf !
Lilla : t’as vu ses fesses Lillou, on dirait de gros sacs poubelles !
Lillou : et ses pieds, une paire de grosses courgettes !
Lillie :(se retournant) j’aime mieux pas regarder ! Je crois que ça va me porter malheur !
Lilla : quel truc bizarroïde ! Des machins comme cà ont leur place à la foire ! Nous autres Lilliputiens, on veut pas de ça chez nous !
Lillou : quelle abominable tête de citrouille hérissée !
Lillie : voyez ces cheveux en fil de pêche, on dirait des pétards à mèches. On dirait que le feu va lui péter le crâne et embraser la plage, au feu, au feu !
Lilla : pas de danger !... Voyez plutôt son oreille en feuille de chou. C’est une grosse baignoire rose ! En cas d’incendie, on pourrait plonger à l’intérieur et s’y abriter en s’accrochant aux rebords ! Deux oreilles, deux baignoires ! C’est l’hôtel grand luxe !
Lillou : (Elle s’approche du corps avec une grimace de dégoût) dégoutant ! Moi, je ne rentre pas là-dedans une seule seconde ! (Elle fait signe aux autres) Approchez-vous un peu ! Tu parles d’un hôtel de luxe ! C’est un hôtel bas de gamme ! Regardez plutôt ! Cette oreille, ce tympan, c’est un tunnel affreux, écoeurant, il y a une sorte de purée de poix à l’intérieur, beurk !
(Elles tournent autour de lui, furieusement, perdant toute mesure, scandant une sorte de chant de guerre... Le couplet peut être répété deux ou trois fois)
Lillie : son nez, une patate pourrie !
Lilla : son nez, un groin, un énorme groin de cochon !
Lillou : ses yeux, des citrons bouffis !
Lillie : ses lèvres, deux saucissons !
Lilla : ses jambes, deux gros boudins !
Lillou : son crâne, une grosse noix de coco !
(Elles arrêtent brusquement de tournoyer)
Lillie : bouchez-vous le nez, le géant est indigeste... Son visage, rosâtre comme une tranche de jambon, a viré !
Lilla : ses doigts sont des cornichons ! Un pique-nique ? Non merci !
Lillou : (montrant le ventre) Lilla privée de dessert ! Le ventre est une pastèque et elle va crever ! Attention, Lillie, le jus va gicler !
Lillie : (détroussant l’une des chaussures et la reniflant, elle pousse soudain un hurlement) tirez-vous vite, sa chaussure est une bombe à retardement, une grotte malodorante capable d’infecter tout le peuple des Lilliputiens... (Elles sortent en courant)