Je m'interroge sur l'attitude punk ce soir. Après une incision chez The Adicts, vénérable groupe quinqua dont les membres oscillent entre les méchants d'Orange Mécanique et le souriant méchant (également, mais je parierais mon gain au Banco + que ces adicts sont de faux méchants et de vrais gentils) de Batman, Youtube m'a emmené vers la prison de Saint Quentin où Johnny Cash faisait bander les prisonniers en plaisantant sur les matons. Johnny connaissait bien ces rapports difficiles entre taulard et maton, ayant expérimenté. Si l'attitude punk est rebelle, je la reconnais, chez JC, qui avait les initiales du bonheur, plus que les dents.
En fait, c'est quoi être punk aujourdhui, c'est quoi être rebelle. L'attitude "de gauche" ne donne rien, sinon le goût suranné d'un Grand soir raté. Un film récent, tout à fait charmant nous montrait à quel point l'attitude punk avait pu sauver des jeunes gens non politisés en Pologne, sous Jaruzelsky, de la médiocrité. Parce que ça peut sembler médiocre de faire la queue pour une baguette de pain après avoir travaillé suffisamment pour se la payer. Ou une Porsche, c'est idem. Ou une conscience.
Johnny Rotten, après quelques Fuck de circonstance, s'est rangé et a fait de la pub en agitant l'Union Jack. Malaise. Joe Ramone est mort comme beaucoup d'autres. A-t-on le droit, 35 ans après l'album Ramones, de dire qu'un bon punk est un punk mort ? Ou est-ce juste dégueulasse de penser que l'écume mode de la révolte n'est pas la révolte. Qu'en gros, on se moque des gens et que Florent Marchet, parce qu'il a les mots et les phrases qui déchirent, est aujourdhui plus rock que les nostalgiques du gros son qui tache les oreilles.
Punk est un mot violent. Un rasoir qui déchire la chair. Ma génération est celle de tous les compromis, je ne donnerai pas de leçon de morale. Mais... Qu'une autre génération que la mienne, qu'un autre engagement culturel respecte sa logique, ça m'aurait bien plu. Mais peut-on exiger des idéalistes qu'ils touchent leur idéal jusqu'à le faire jouir ? On a les lendemains de cuite qu'on peut. Le punk a fait rêver des enfants pas sages à une récréation sans limite et sans joie. Le réveil en costume-cravate est difficile. Le réveil en faux rebelle est pire.
Je me suis permis d'illustrer musicalement ce billet entre chien et loup par Philippe Léotard, punk authentique, surtout quand il recrache du Léo Ferré. Sans rancune, bien sûr. Même si pour moi, le punk rebelle c'est Patti Smith et ses potes.
"Le cœur, ça se dit : corazon
En espagnol dans les tangos
Et dans mon cœur, ce mot résonne"
Léo Ferré, Le temps du tango.