C'est le scandale de moeurs du moment, sur lequel ont été braqués tous les feux de l'actualité. Une histoire qui peut sembler folle, au premier abord et absolument invraisemblable, digne d'un mauvais scénario de film hollywoodien. Le président du FMI, Dominique Strauss-Kahn, économiste et homme politique français de haute volée, arrêté pour tentative de viol, coups et blessures et séquestration, sur la personne d'une femme de ménage, dans un hôtel où il séjournait à New-York. Les photos de DSK, menotté, les mains dans le dos, à la sortie du commissariat de Harlem, ont fait le tour du monde ! Les premiers titres de la presse américaine ne font pas dans la dentelle (”Le pervers“, “L'argent sale“). Les réactions de la presse hexagonale sont plus mitigées, quelques jours après l'arrestation du directeur général du FMI. Les gros titres des journaux français insistent plutôt sur la présomption d'innocence. Car DSK plaide non-coupable. Comme disait Eric Zemmour : “La vérité en de ça de l'Atlantique, erreur au delà“. Par ailleurs, outre l'aspect sordide de cette affaire, sous tous points de vue, il va sans dire que les conséquences pour la direction du FMI, mais également pour les élections présidentielles françaises sont non négligeables.
Pour les Américains, le sexe est le grand tabou, alors que c'est plutôt l'argent pour les Français. Les Américains livrent facilement leurs revenus, quand les Français les taisent avec tabou. Mais ils déballent souvent, hâbleurs, leurs conquêtes féminines, quand les Américains font les louanges hypocrites de la fidélité. En Amérique, on ne plaisante pas de plus, avec les affaires de moeurs, et en l'occurence avec les crimes sexuels, dans sa définition stricte. Ses compatriotes avaient reproché au président Bill Clinton, son manque de fidélité, au travers d'un ou deux scandales, qui avaient manqué de l'acculer à la démission. Tandis qu'en France, Nicolas Sarkozy était plutôt épinglé pour la nuit du Fouquet's et son escapade en bâteau, après son élection, avec l'homme d'affaires Vincent Bolloré. Mais en une semaine, Dominique Strauss-Kahn a transgressé les deux tabous des deux sociétés, dans lesquelles il évolue par sa carrière internationale. DSK a été aussi pointé du doigt, pour son train de vie, par le passé. On fustigeait cette incarnation de la gauche caviar, entre son appartement de la place des Vosges, à Paris, et son riad à Marrakech. DSK est également marié avec une ancienne talentueuse journaliste, Anne Sinclair. Son épouse qui fait d'ailleurs preuve d'une remarquable retenue, depuis le début de cette affaire. Mais à eux deux, ils formaient un couple symbôle de cette gauche bo-bo, qui donne toujours l'impression d'avoir laissé choir le peuple et la nation, d'avoir endossé la tunique rutilente de ce que Jean-Pierre Chevènement appelait les élites mondialisées. Pour en rajouter, DSK était récemment pris en photo, montant dans une Porsche Panamera, appartenant à un ami. Et il s'est fait arrêter pour tentative de viol dans une suite d'un hôtel de New-York, et délit de fuite !…
On se dit qu'un homme aussi talentueux et brillant, c'est tout de même étrange. Il était prêt à rempiler pour un nouveau mandat au FMI ou alors à rentrer en France, pour se lancer dans la bataille des primaires socialistes. On savait en tout cas, que c'était un libertin. Dans un récent ouvrage au titre faussement post-moderne, Sexus Politicus, deux journalistes - Deloire et Dubois -, nous détaillaient de manière grivoise, avec un style très début du siècle dernier, nombre d'anecdotes touchant à la sexualité des hommes politiques, n'épargnant pas Strauss-Kahn. Les aventures galantes de DSK, depuis sa nomination à la tête du FMI, avaient déjà scandalisé outre-atlantique. Mais cela avait amusé les Français jusque là, car relevant du domaine de l'aventure extra-conjuguale. D'ailleurs, DSK n'est pas le premier, ni le seul. En France, nous avons eu un président de la République, Félix Faure, qui est mort dans les bras de sa maîtresse - d'où la célèbre réplique de Clémenceau : “Il voulait être César, il ne fut que Pompée“. On a dit qu'Antoine Pinay (1891 - 1994) s'était retiré des présidentielles de 1965, au risque de faire éclater une affaire de moeurs dans la presse. L'accident entre la voiture présidentielle et une camionnette de laitier, place de la Concorde, à Paris, dans une matinée d'avril 1975, aura également compromis Valéry Giscard d'Estaing, à l'époque, soupçonné d'une escapade amoureuse. François Mitterrand et Jacques Chirac étaient également des hommes à femmes, mais habiles et discrets, le premier ayant même caché sa double vie, durant de nombreuses années. Et sous l'ancien régime, un Roi - Louis XV -, réputé pour ses amours galants, disposait d'un réseau de rabatteurs, lui ramenant des filles souvent très jeunes, qui étaient logés et entretenus dans ses douillets appartements du Parc-aux-cerfs. Par héritage monarchique et une mansuétude indécrottable pour les amours de nos grands hommes, il n'est pas certain non plus, que la police française aurait arrêté l'ancien ministre des finances socialiste. En tout cas, pas dans les mêmes conditions. La police française n'aurait peut-être pas apporté autant de crédit, à l'accusation de la femme de ménage. Nous savons, comment cela se passe. La victime n'a pas la conscience de la victime. Des pressions peuvent aussi être exercées… Mais on savait aussi, que DSK était atteint d'une forme d'addiction.
Il est vrai que l'affaire est sérieuse, si les faits sont avérés. Il y a une différence nette entre liaison extra-conjuguale et agression sexuelle caractérisée, sur une femme de ménage dans une chambre d'hôtel. Si le Landerneau médiatique et politique hexagonal se repaie déjà, depuis fort longtemps, de rumeurs persistantes autour de la vie sexuelle de DSK, jusque là, la loi du silence a résisté. Mais maintenant, on peut se demander pour combien de temps. Il y a un an et demi déjà, le publicitaire Franck Tapiro déclarait à un journaliste, que DSK ne démissionnerait jamais du FMI, pour se présenter aux élections présidentielles françaises en 2012. Il avait trop de casseroles, notamment “sentimentales”. De nombreux journalistes sortent maintenant du bois, dévoilant certains penchants bien connus de DSK, mais étouffés jusque là. Depuis un siècle, la psychanalyse nous a habitué à cette dichotomie, qui scandalisait nos ancêtres, s'interrogeant sur ces mécanismes amenant parfois les hommes à agir, sur leurs motivations conscientes et inconscientes, poussant à tel ou tel comportement. Car cette affaire ramène bel et bien, à cette problématique là. C'est Docteur Strauss et Mister Kahn, comme l'analysait Eric Zemmour. “Deux personnalités, deux cerveaux, deux vies (…). Mieux, deux personnes en une, qui s'affrontent dans un combat à mort, une passion commune, jusqu'à ce que la personnalité ancienne, celle du cerveau archaïque, triomphe par chaos“. L'argent, le sexe sont souvent, hélas, les deux moteurs des hommes et en particulier, des hommes de pouvoir.
Son choix de défense sera également cornélien. Il a été finalement libéré sous caution, et a été inculpé par la justice américaine. Tocqueville nous a enseigné, appris aux travers de ses nombreux écrits-témoignages, que la société américaine est régie par un égalitarisme démocratique et sourcilleux, et la religion de la transparence. DSK est assigné à résidence, à New-York, dans le quartier de Manhattan. Mais s'il plaide non-coupable, il risque - s'il est confondu -, une lourde peine de prison (vingt ans au minimum). S'il plaide finalement coupable, en versant une forte amende à la victime, il pourrait adoucir sa peine. Mais il peut tirer un trait sur sa carrière politique nationale et internationale, dans les deux cas. Suivant l'analyse du chroniqueur Eric Zemmour, qui conclut bien le propos, l'aura de DSK auprès des classes supérieures, tenait essentiellement à son adoubement à la tête de la grande juridiction internationale, placée sous impérium américain. Mais on peut dire, que le rêve américain vire maintenant au cauchemar.
J. D.