Sous-titré "Histoire de l'obésité", j'imagine que ce livre ne vous fait pas rêver. Et pourtant, il retrace une histoire intéressante, celle du corps et de sa perception, celle du gros et du maigre, celle des modes et des superstitions. Il relève de l'histoire et de la sociologie. Il conte les croyances populaires : le gras, c'est l'humide. Les bains font grossir. Il note les progrès scientifiques : la mesure toujours plus précise du poids qui n'est plus simplement lié au ressenti mais à un chiffre. Les avis des médecins. Il compare les beautés mises en avant : tailles minces des femmes, force des hommes. Bref, il dresse chronologiquement un panorama de l'embonpoint et de la minceur. Il utilise tous les témoignages possibles : littéraires, artistiques, statistiques...Vigarello, dont j'avais lu L'histoire du viol, tente ici de montrer les limites à ne pas dépasser pour ne pas dégoûter. Le faire, c'est risquer de heurter la sensibilité de l'autre, de se mettre à l'écart. Et en réalité, cette histoire du gras, c'est une histoire de la mise à l'écart des gros, de leur croissante difficulté à s'accepter ainsi (car le gras devient une tare) et de l'image qui est renvoyée de paresse, d'absence d'effort. Une image tout à fait différente de celle du XIXe où le gros est respectable, même s'il peut faire rire. Et encore plus différente au Moyen-Age où le gros mangeur est valorisé. Amusant et douloureux de lire les moyens de contraindre le corps, par des subterfuges toujours plus divers, du corset à la privation en passant par l'ingestion d'aliments plus ou moins efficaces.