La dépression, et la famille. A sujets difficiles, œuvre atypique. Il ne fallait pas moins que la solide Jodie Foster, adepte de la thématique familiale (Week-end en famille) et friande des personnages en marge (Le petit homme), pour s’atteler à une tâche si peu simple et rendre crédible une histoire complètement dingue sur le papier. Celle de Walter (Mel Gibson, ultra convaincant), père de famille dépressif dont la maladie contamine progressivement l’ensemble de son foyer - sa femme Meredith (Foster elle-même), et ses deux fils- et qui décide de ne parler qu’au travers d’un castor en peluche. Cet alter égo au bout du bras, il se décide enfin à redevenir l’homme qu’il fut jadis : dynamique, drôle, attentionné, plein d’enthousiasme. L’occasion pour Gibson d’offrir une prestation époustouflante, coupé en deux, homme aux deux visages, rongé par la souffrance de maux qui ne s’expriment pas. Le film est infiniment subtil, à tous niveaux. Jodie Foster évite, un par un, tous les pièges du mélodrame. Pas de pathos, pas d’exagération, pas de complaisance. The Beaver est un film bouleversant, certes ; mais digne.
C’est simple : il garde la tête haute en toutes circonstances, même lorsque le récit emprunte des chemins radicaux, osant flirter avec l’essence même de son sujet (folie, larmes, crises, tragédies). Le scénario, signé Kyle Killen, est d’une profondeur rare, avec une justesse de regard surpuissante que Foster utilise à merveille, à bon escient, à juste hauteur. Son excellent casting (les deux jeunes, Anton Yelchin et Jennifer Lawrence, sont épatants) fouille les fêlures des protagonistes et tous livrent des compositions étonnantes. Sous une apparente simplicité, se cachent une étude de caractère complexe, et une mise à nu brutale et de la société et de problématiques pas évidentes (le deuil, l’adolescence, le mariage). Quant à Gibson, il renaît de ses cendres. Jodie, son amie dans la vie, lui offre le plus beau des cadeaux : ce Beaver là, c’est un peu le Rocky Balboa de Stallone, ou le Wrestler de Mickey Rourke. Une résurrection. Le parallèle avec cet homme brisé, muré dans une impasse de vide et de noirceur, n’en est que plus fort, surpuissant, émotionnellement dévastateur. Voilà 15 ans que Jodie Foster n’avait pas revêtu le costume de réalisatrice, et franchement : ça valait le coup d’attendre.