Egoiste n°16
248 pages, presque 3 kilos de papier, la revue Egoïste crée l’évènement après cinq ans d’absence. La fondatrice du magazine, Nicole Wisniak, a sorti ce seizième numéro disponible en deux tomes. L’un avec Keira Knightley en Une, l’autre avec James Thierrée (danseur et comédien). Seize numéros mais 21 couvertures à l’actif de la revue puisque ce n’est qu’en 1992 que Nicole Wisniak s’est mise à concocter deux tomes pour chaque numéro, et donc deux unes. Cette même année sortait le numéro 12 dans lequel les lecteurs ont découvert cette photo devenue mythique de Yannick Noah sautant complètement nu (shooté par Richard Avedon). Adjani, Gérard Depardieu (nu intégral façon penseur de Rodin), Sœur Emmanuelle (habillée, elle), Bernard-Henri Levy, Andy Warhol, Uma Thurman, Jean-Paul Sartre, la diversité de ses couvertures donne à voir la multiplicité des sujets abordés dans les textes, la confrontation amicale de la beauté et de l’intellect.
Valérie Lemercier pour Egoiste n°16
Une dérision et des exigences qui frisent le snobisme
Vous l’auriez compris, Egoïste est une revue chic, aussi visuelle que littéraire qui s’impose depuis 1977 par un non-conformisme exclusif. Sur le fond, d’abord. « Je voulais parler des gens que j’aimais, (Françoise) Sagan m’a donné deux conseils, de publier des textes d’écrivains et ne jamais faire appel à des journalistes » explique la fondatrice. Photos rares et plumes impertinentes comblent toutes les attentes. Pour ce nouveau numéro, on peut lire un texte du Prix Nobel Jean-Marie Le Clézio ou de l’écrivain-journaliste Patrick Besson. Ce dernier est l’auteur du thème astral de douze hommes et femmes politiques. La case santé d’Albert de Monaco : « Complexe d’Œdipe en voie de guérison. » C’est brillant de dérision.
Sur la forme et sa politique d’insoumission, la revue est unique. Un grand format, du noir et blanc de la première à la dernière page, une périodicité hasardeuse, un prix à deux chiffres… Le client du kiosque aurait pu vite lâcher l’affaire. Et pourtant, la sortie de cette revue de luxe est à chaque fois un phénomène et les exemplaires partent comme des petits pains. Les numéros deviennent même des collectors qui se monnaient sur des sites de ventes aux enchères. Le numéro 10, dont la couverture présente Andy Warhol (1987), s’affichait mi-mai à 195 euros sur eBay.
Pub pour Dyson par Ellen von Unwerth
Egoïste bouleverse aussi les règles du jeu publicitaire. Sa fondatrice, Nicole Wisniak, n’accepte pas les pages de pub classiques des annonceurs. Elle crée elle-même, avec l’aide de sa fille Judith Grumbach, des campagnes qu’on ne verra que dans son magazine. Composées souvent sur plusieurs pages, les publicités deviennent un autre attrait du magazine. Elles racontent des histoires, ce qui ravis les annonceurs qui paient 32 000 euros la page pour un traitement créatif de leur marque. Les annonceurs adorent : Vuitton, Cartier, Hermès trouvent dans ces campagnes sur mesure un supplément d’âme. Surnommée la “Steve Jobs de la presse de luxe”, Nicole Wisniak est intransigeante sur ses créations. Les annonceurs ne les voient pas avant parution. Laquelle peut attendre… 3 mois, 6 mois ou un an après la réservation de la page.
Une stratégie qui marche
Le magazine s’est offert le luxe de disparaitre de la circulation pendant plusieurs années pour mieux revenir et affoler les amateurs ou passionnés. Les cinq années d’absence n’ont eu, semble-t-il, aucun effet sur les ventes. La revue est victime de son succès puisque les 25 000 exemplaires du numéro 16 seraient en passe d’être épuisés. Un beau succès pour cette revue à 35 euros.
Axel Tardieu