Curren$y & Alchemist : Covert Coup (free, 2011)
Ultra productif depuis l'année dernière marquée par le doublon Pilot Talk, Spitta remet le couvert en 2011 avec une
entame flamboyante. Profitant d'un voyage à L.A. pour signer un deal avec Warner, le MC de Pittsburgh en a profité pour rencontrer le beatmaker de Beverly Hills Alchemist afin de
s'entretenir sur une collaboration future. Résultat des courses, les deux larrons ont enregistré au compte-goutte une dizaine de morceaux aux productions éthérées ("Smoke Break", "Ventillation").
Conformément à son esprit, Curren$y impose sa nonchalance au gré des humeurs vagabondes d'Alchemist dont le travail est ici époustouflant de musicalité et de
raffinement. Les ogives s'enchainent avec une régularité traumatisante ("BBS", "The Type" feat. Prodigy) le tout évoluant sur un ton majoritairement smooth et envoutant à l'image de "Scottie
Pippens" feat. Freddie Gibbs et l'excellent "Double 07" serti de son sample élégant emprunté à Robbin Thompson. Une fois de plus, Curren$y frappe fort. Si
l'association Spitta-ALC n'a pas manqué de susciter quelques interrogations, ces dernières n'ont plus raison d'être. Le duo fonctionne à merveille.
Prodigy : The Ellsworth Bumpy Johnson EP (free, 2011)
Fraichement sorti de la fameuse prison de Rickers Island (là où ont été emprisonnés de célèbres thugs comme 2pac,
DMX, DSK…), la moitié de Mobb Deep a immédiatement troqué l'ombre de sa cellule contre celle plus accueillante des studios en compagnie de son
acolyte Havoc et le non moins fidèle Alchemist. Après quelques vidéos lâchées sur la toile témoignant de son ébullition, Pee est vite revenu aux
affaires avec une somme de projets sous les bras dont ce très bon EP et une autobiographie intitulée My Infamous Life : The Autobiography Of Mobb Deep's Prodigy. Trois ans et demi plus
tard, le MC de Queensbridge n'a rien semble-t-il rien perdu de sa verve légendaire. Flow délicieusement paresseux, skillz affûtés, Pee s'est une nouvelle fois entouré d'une
équipe qui a déjà fait ses preuves sur Return Of The Mac (Alchemist), H.N.I.C.2 et Product Of The 80's (Sid Roams). Mis à disposition
en téléchargement libre, The Ellsworth Bumpy Johnson EP renoue avec la pesanteur et la noirceur que convoite le rappeur. On assiste ainsi à la renaissance du légendaire MC sur des
morceaux d'une force évocatrice incroyable, invitant à la fois un sample magnifique des Metaphors sur "Black Devil" et la voix singulière de Nina Simone sur "Stronger". Indolente, ténébreuse,
parfois lumineuse, l'attitude de Prodigy n'a pas bougé d'un iota malgré les années passées à graver des traits sur les parois froides de sa geôle.
Neek The
Exotic & Large Professor : Still On The Hustle (Fat Beats, 2011)
La collaboration entre Neek The Exotic et Xtra P c'est d'abord une longue suite de 12" passés inaperçus de 1998
à 1999 avant la réalisation de l'album Exotic's Raw paru en 2003 auquel Large Pro a largement contribué. Une amitié de longue date qui en toute logique a amené une
énième entreprise commune huit ans plus tard pour le grand bien de nos tympans. MC/producteur historique, respectable et respecté pour son intégrité radicale, Large Professor est
l'un des architectes qui a contribué le plus au foisonnement du son new-yorkais durant les 90's. Autant dire que le hip-hop lui doit énormément. Annoncé depuis l'année dernière puis sans cesse
reporté, l'album Still On The Hustle parvient enfin au contact des bacs à disques. Comme cela était prévu, l'opus est un concentré de productions millimétrées, servies par des flows
carrés qui laissent peu de place à l'imprévu. "Still On The Hustle", "My Own Line" (pro. Marco Polo), "Guess Who" (et son sample fabuleux des Intruders), autant de pistes
efficaces qui parviendront à vous endolorir la nuque. Sans pour autant verser dans le backpacking, Neek et Large Pro parviennent à nous servir une galette
sincère et sans prétention.
Edo G : A Face In The Crowd (Envision Entertainment, 2011)
Ce bon vieux natif de Boston, ancien membre des Bulldogs au début des années 90 continue tranquillement sa route malgré sa
récente déconvenue survenue en 2009 sur Arts & Entertainment en compagnie de Masta Ace. Il en fallait plus pour retenir le MC qui revient cette année avec un nouvel
opus intitulé A Face In The Crowd introduit par une jolie production de DJ Premier, "Fast Lane". Rien de transcendant dans cette entame un poil convenue qui
parvient tout de même à nous garder éveillé ("Stop It", "I Was There", "Righteous Way" et son sample de Curtis Mayfield). Une première partie qui fait état d'une direction artistique très
traditionnelle, agréable à l'oreille mais vite oubliée. Edo G a voulu explorer d'autres univers dans cette seconde tranche beaucoup plus risquée accompagné de beatmakers comme
M-Phazes, The Breaks ou encore Statik Selektah. Malheureusement pour lui, cette aventure hors des sentiers battus semble avoir déboussolé le MC
charismatique, sapé par des productions impersonnelles, légèrement consensuelles et sans âme. Désir de toucher un public plus large qu'à l'accoutumée ou simple volonté de prise de risque, l'écart
s'avère fatal pour ce personnage pourtant apprécié depuis des lustres. Avec A Face In The Crowd, Edo G repart aussi vite qu'il est venu, sans faire de bruit.