L’attente dans les urgences devient un mal chronique. En moyenne, les patients attendent 17h36 dans les urgences de la province, soit le même temps d’attente que l’an dernier. À Montréal, le temps d’attente moyen est le même qu’en 2010, à 20h13.
Malgré tout, le ministre de la Santé, Yves Bolduc, estime que la situation se «stabilise» et qu’il est toujours possible d’atteindre la cible de 12 h fixée par son ministère.
Pour la sixième fois, La Presse trace le bilan annuel de la situation dans les urgences du Québec. Globalement, le Québec obtient la note de C, comparativement à C+ en 2005. À peine le tiers des hôpitaux, à savoir 35 sur 103, parviennent à donner des soins en 12 heures et moins. Et ces hôpitaux sont pour la plupart à l’extérieur des grands centres, mis à part le Centre hospitalier universitaire de Laval (CHUQ), où l’attente moyenne est de 11h12.
L’hôpital Notre-Dame du CHUM, au centre-ville de Montréal, remporte encore la palme de la pire performance au Québec, avec la note de E+. Les données du gouvernement démontrent que, aux urgences, les patients doivent attendre en moyenne 27h48 sur une civière avant d’obtenir leur congé ou d’être envoyés dans une autre unité pour y recevoir des soins.
Malgré les efforts déployés depuis un an à l’hôpital Maisonneuve-Rosemont, dans l’est de Montréal, la note est restée inchangée à D+. La durée du séjour aux urgences y a légèrement diminué, de 34h06 l’an dernier à 31h48 cette année, mais il s’agit toujours du plus long temps d’attente au Québec. C’est la légère diminution des séjours de 48 heures de ses patients sur civière qui a joué en faveur de la note finale.
La situation s’est encore détériorée à la Cité-de-la-Santé, à Laval, le seul hôpital de l’île Jésus. Les urgences ont vu leur cote passer de B- l’an dernier à C+, pour un temps d’attente moyen de 20h42. Les hôpitaux de Saint-Eustache et de Saint-Jérôme sont en meilleure posture, mais avec une très faible amélioration. Leurs cotes sont respectivement passées de E+ à D- et de D à D+, avec des attentes qui demeurent au-delà de 20 h. Quant aux deux services des urgences de Lanaudière, ils conservent leurs notes de D et D-.
En se transportant sur la Rive-Sud, on constate que l’hôpital Charles-LeMoyne fait du surplace: il conserve sa note de C-, pour une attente moyenne de 21h18. L’hôpital Pierre-Boucher obtient un B, largement grâce à une diminution des séjours de 48 heures. L’Outaouais, pour sa part, peine à remonter la pente et conserve sa cote de D- pour des délais d’attente qui dépassent la moyenne provinciale.
Clientèle âgée
En analysant les données fournies par le ministère de la Santé, on constate que la fréquentation des urgences a connu une augmentation globale de 3,5% par rapport à l’an dernier. Le nombre de patients âgés de 75 ans et plus a crû de 5,9% soit la plus importante augmentation des dernières années (voir texte en page A4).
Les transports par ambulance ont augmenté de 4,6%. À cela, il faut ajouter la lourdeur des cas. Il y a toutefois de petites réussites, comme à l’hôpital Cloutier-du-Rivage, à Trois-Rivières, où le temps d’attente est de 4h36, le meilleur score enregistré cette année. Et c’est grâce à la «méthode Toyota», dont les autres hôpitaux doivent s’inspirer, indique le ministre Bolduc.
Du côté du CHUM, la directrice adjointe aux affaires cliniques, Ester Leclerc, estime que les résultats aux urgences «ne sont pas à la hauteur des énergies déployées». La fermeture récente des unités de longue durée a eu un impact majeur sur les urgences, selon elle. «Depuis, on a eu chaque jour 10 lits de courte durée de plus occupés chaque jour», note-t-elle.
Pour corriger la situation, le CHUM a ouvert une unité d’hospitalisation brève de 12 lits, et un logiciel de gestion des lits en temps réel sera implanté à l’automne.
À la direction de Maisonneuve-Rosemont, Ginette Bélec, directrice générale adjointe, explique que, chaque mois, on oriente vers deux cliniques 600 patients qui n’ont pas besoin d’être couchés. «Et nous sommes sur le point de conclure une entente avec une troisième clinique réseau. On a aussi un plan de débordement pour faire monter les patients aux étages quand on atteint la pleine capacité. On a déjà beaucoup accompli, mais c’est clair qu’on a besoin de 30 lits par jour pour bien fonctionner.»
Protocole de surcapacité
Le Dr Bernard Mathieu, président de l’Association des médecins d’urgence du Québec, n’est pas surpris par les piètres performances des urgences. «Le principal problème, c’est l’accès aux lits, soutient-il. Nos patients ne sont pas au bon endroit. Je pense notamment à la grande proportion de nos civières occupées par des personnes âgées. Il faut accroître les soins à domicile et la réadaptation, et il faut que les ambulanciers puissent libérer leurs civières.»
L’Association compte faire pression sur Québec pour qu’il mettre en place un «protocole de surcapacité», comme l’on fait d’autres provinces, dans l’Ouest. «Le principe n’est pas compliqué, explique le Dr Mathieu. Si un patient doit être transféré à un étage, on procède même s’il n’y a pas de lit, quitte à le faire aussi avec les CHSLD.»
- Avec la collaboration d’Ariane Lacoursière
La Presse – Sara Champagne – palmarès des urgences: une attente incurable. 27 mai 2011