Au sein de la Gauche, Dominique Strauss-Kahn apparaissait comme le meilleur candidat, celui à même d’empêcher un nouveau 21 avril, celui capable à la fois de lutter contre les effets de la crise en France et de redonner au pays du poids sur la scène internationale. Pourtant, en l’espace d’à peine quelques heures, cette position de force de Dominique Strauss-Kahn, et par conséquent celle de la Gauche, se sont trouvées ébranlées. L’arrestation du favori socialiste à New-York, à moins d’un an de l’élection présidentielle française, interroge aujourd’hui les chances de la Gauche de porter en 2012 un de ses membres à la tête de l’Etat. Dans ce contexte, Délits d’opinion dresse un état des lieux de l’opinion à l’égard des primaires socialistes pour l’investiture à la Présidentielle 2012.
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Le processus des primaires remis en cause ?
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Jusqu’à présent, les principaux candidats à l’élection présidentielle française étaient désignés au sein de leur formation suite à des confrontations internes. Les primaires, pour partie sur le modèle américain, mais également italien, ont fait leur apparition il y a peu de temps dans la vie politique de notre pays. Si l’on voit bien l’avantage de ce mode de désignation, susceptible de créer un fort élan populaire autour d’un candidat, on en constate également de plus en plus les risques. En effet, les exemples socialiste et écologiste ont mis en lumière la complexité d’organisation des primaires et l’écueil de voir s’afficher de fortes divisions internes. Pourtant, le Parti Socialiste (comme Europe Ecologie – Les Verts) ont réussi à fixer, tant bien que mal, le calendrier et les modalités de déroulement de cette opération. Et les Français les ont plutôt approuvés.
En effet, en décembre dernier, 55% des Français déclaraient souhaiter le maintien du calendrier prévu pour la primaire socialiste (dépôt des candidatures en juin 2011 et vote à l’automne) contre seulement 35% qui voulaient le voir s’accélérer. Plus récemment, un sondage LH2 a montré que seuls 26% des Français souhaitaient voir Dominique Strauss-Kahn dévoiler tout de suite son ambition, alors qu’une majorité estimait qu’il devait faire part de son intention à être candidat à la fin du mois de juin, comme le prévoit le calendrier officiel du Parti Socialiste, voire plus tard à l’automne. Le calendrier, un temps critiqué, semblait par conséquent avoir été intégré et accepté par une majorité de Français. Par ailleurs, ces primaires socialistes, qui se voulaient ouvertes, s’annonçaient comme un important succès en termes de participation. Les différents sondages réalisés ces derniers temps montraient en effet qu’entre un électeur sur six et un électeur sur cinq comptait certainement y prendre part (14% de personnes déclarant certainement aller voter à ces primaires pour LH2, 15% pour l’IFOP, 18% pour OpinionWay…). On le sait, il existe parfois un écart important entre la déclaration d’intention et la réalité des comportements. Avec une question un peu plus « impliquante », Harris Interactive mesurait, avant la disqualification de DSK, une certitude de se déplacer, à cette occasion, à 11% du corps électoral. Ce qui, déjà, constituerait une vraie réussite pour le Parti Socialiste.
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Ces primaires s’annonçaient donc comme un succès, qui devait a priori déboucher sur la ratification de la candidature de Dominique Strauss-Kahn et lancer sa campagne présidentielle. « DSK » dans l’incapacité de se présenter, la tenue de ces primaires est d’ores et déjà questionnée : ne vont-elles pas apparaître comme un choix tronqué, ou pire par défaut ? Ne vont-elles pas être l’occasion d’affrontements virulents et déstabilisants pour le Parti Socialiste à quelques mois de l’élection ? Depuis l’arrestation de Dominique Strauss-Kahn, plusieurs personnalités socialistes ont déjà remis en cause la tenue de ces primaires et appellent Martine Aubry à se déclarer dès à présent pour incarner une candidature de rassemblement. Toutefois, la Première secrétaire du PS a indiqué vouloir les maintenir et respecter le calendrier, appuyée par les deux autres postulants importants, François Hollande et Ségolène Royal. En tout état de cause, les premières enquêtes réalisées après l’arrestation de Dominique Strauss-Kahn, alors que les Français demeuraient sous le coup de l’émotion, donnent raison à la Première secrétaire et montrent que ce processus n’est pas remis en cause par la population : de plus en plus d’électeurs se disent certains d’aller voter à ces primaires (17%, soit une hausse de 3 points par rapport à janvier 2011 d’après le baromètre « La course 2012 » de CSA et 20%, +2 points selon le baromètre Opinion Way consacré aux primaires socialistes) et une large majorité des sympathisants de Gauche souhaite le maintien du calendrier arrêté (88% contre 11% qui estiment qu’il faudrait le repousser). Toutefois, une partie d’entre eux ne sait plus désormais qui privilégier (21% des sympathisants de Gauche et 14% des sympathisants socialistes déclarant ne souhaiter voir aucun des candidats testés – François Hollande, Martine Aubry, Ségolène Royal, Manuel Valls, Arnaud Montebourg – désigné à l’issue des primaires dans une hypothèse sans DSK, d’après une enquête Harris Interactive).
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Si l’organisation des primaires n’est pas remise en cause par les Français et qu’une partie importante d’entre eux semble toujours vouloir y prendre part, l’absence de Dominique Strauss-Kahn bouleverse forcément les équilibres et nous amène à repenser la place des autres prétendants, déclarés ou potentiels. Quels candidats sont susceptibles d’incarner un nouvel espoir ? Quels sont ceux dont les chances apparaissent compromises dans cette course ?
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Dominique Strauss-Kahn, le revers d’un succès annoncé…
Question : « Voulez-vous me dire si vous souhaitez lui voir jouer un rôle important au cours des mois et des années à venir ? » (%, réponse oui)
Un sondage Harris Interactive réalisé juste avant l’arrestation à New York de Dominique Strauss-Kahn montrait que « l’affaire de la Porsche »- le Directeur Général du FMI ayant été photographié près de la Porsche d’un de ses conseillers – n’avait pas provoqué de vrai ressentiment au sein de la population. Les citoyens ne semblaient en effet pas tenir rigueur de cet épisode à Dominique Strauss-Kahn : ce moment ne leur apparaissait pas particulièrement grave (19%, 13% des sympathisants socialistes) et ils ne se déclaraient pas vraiment choqués (22%, 15% des sympathisants socialistes). Après cet épisode et les critiques sur son train de vie, Dominique Strauss-Kahn restait le candidat préféré des sympathisants de Gauche et des sympathisants socialistes : respectivement 34% et 41%, loin devant François Hollande (respectivement 24% et 25%) et Martine Aubry (respectivement 18% et 16%). Par ailleurs sa cote d’avenir, établie par TNS Sofres, bien que connaissant quelques fluctuations, indiquait toujours que près d’un Français sur deux souhaitait le voir jouer un rôle politique important à l’avenir.
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Evidemment, l’affaire d’agression sexuelle présumée à New York est d’un autre registre et a davantage réduit les chances de Dominique Strauss-Kahn. Dans l’hypothèse où il pourrait malgré tout, concourir, un sondage identique, réalisé les jours suivants son arrestation, donne désormais François Hollande en première position. Celui-ci est aujourd’hui préféré par 30% des sympathisants de Gauche et 38% des sympathisants socialistes, devançant Dominique Strauss-Kahn (respectivement 27% et 27%, soit des baisses de 7 et 14 points). Certes, ces scores restent relativement élevés au vu de la gravité des faits qui lui sont reprochés, mais ils le placent toujours en seconde position. Et suite à son inculpation formelle et au vu des délais des procédures judiciaires qui l’attendent, la candidature de Dominique Strauss-Kahn est plus qu’hypothétique aujourd’hui. Le principal prétendant contraint de se retirer de la bataille, comment se positionnent les autres candidats ?
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François Hollande, le candidat qui monte, qui monte…
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François Hollande apparait aujourd’hui comme l’ancien outsider qui fait nouvellement figure de favori. 43% des Français déclarent avoir une bonne image de lui (à la date de cette mesure, Dominique Strauss Kahn bénéficiait de 50% de bonnes opinions et Martine Aubry de 42%). Et ils sont de plus en plus nombreux à souhaiter le voir jouer un rôle important dans la vie politique française, comme l’illustre cette courbe de TNS Sofres (40% pour la dernière mesure de mai 2011 contre seulement 19% en novembre 2009 et 25% en septembre 2010).
Largement distancé dans les premiers sondages sur les primaires, il apparaît aujourd’hui comme un candidat sérieux à l’investiture socialiste. Au début de l’année 2010, il ne recueillait en effet que 7% des suffrages parmi les sympathisants de Gauche selon la première vague du baromètre de l’Ifop consacré aux primaires socialistes. Dans la dernière mesure, réalisée début mai, ce sont désormais 22% des sympathisants de Gauche et 23% des sympathisants socialistes qui indiquaient vouloir le voir désigné comme candidat à l’élection présidentielle de 2012, sa progression étant quasi-continue.
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Dès le début du mois de mai, il avait donc dépassé Martine Aubry dans les sondages, alors qu’il était encore en quatrième position en février et en troisième position en avril. Fort de cette progression, son image de présidentiable semblait déjà également se renforcer : ainsi un sondage Viavoice récent montre que les Français apprécient chez lui le fait qu’il trace son chemin dans la durée (72%), qu’il est attentif aux autres (70%), qu’il est humble (69%) et qu’il a l’expérience suffisante (64%). 59% estiment également que s’il était Président, il travaillerait pour tout le monde. Certes, des zones de faiblesse persistent (47% des Français évoquant un manque de charisme, 52% ayant du mal à voir la France derrière lui). Toutefois, il dispose de certains atouts dans cette course à la présidentielle, qui le posent en candidat « anti-Sarkozy ». De la position d’outsider, il est passé à celle de challenger, pour aujourd’hui occuper celle de favori…
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Suite au retentissement de l’affaire Dominique Strauss-Kahn, l’ancien responsable du PS apparaît en effet largement, au regard des sondages, comme le nouveau favori. En effet, dans cette nouvelle configuration, il arrive de manière assez nette en tête des préférences : 33% des personnes déclarant certainement ou probablement aller voter souhaitent le voir victorieux d’après un sondage CSA (contre 23% pour Martine Aubry et 20% pour Ségolène Royal), tout comme 37% des sympathisants de Gauche selon une autre enquête Harris Interactive (contre 22% pour Martine Aubry et 14% pour Ségolène Royal). D’après un sondage Opinion Way, il recueillerait même 49% des suffrages parmi les sympathisants de Gauche exprimant une préférence, 51% parmi les sympathisants PS et même 62% parmi les électeurs potentiels (c’est-à-dire les personnes se déclarant certaines d’aller voter).
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L’annonce officielle de sa candidature, intervenue quelques heures après sa réélection à la présidence du conseil général de Corrèze le 31 mars dernier, semble lui avoir permis de prendre, dans la période récente, l’ascendant sur la Première secrétaire du PS, liée par son pacte avec Dominique Strauss-Kahn. Quelle est la position de Martine Aubry dans cette nouvelle situation ?
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Martine Aubry, la difficile position de la 1ère secrétaire du PS…
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Martine Aubry occupe aujourd’hui une position plutôt inconfortable. Sommée en quelque sorte de se présenter suite à l’élimination de Dominique Strauss-Kahn, elle bénéficie d’une certaine forme de légitimité mais n’a pas encore engagé de dynamique d’opinion positive à l’instar de François Hollande. Certes, son statut de Première secrétaire du PS et ses succès lors des dernières élections (européennes, régionales ou encore cantonales) sont autant d’atouts dans la course aux primaires, mais son pacte avec Dominique Strauss-Kahn semble avoir jeté un doute sur son envie réelle de se présenter et sa capacité à tenir lors d’une campagne qui s’annonce longue et difficile. Elle part avec un important déficit, affichant dans toutes les enquêtes récentes un retard de plus de dix points par rapport à son prédécesseur rue de Solférino. Dans l’enquête Opinion Way précédemment citée, elle ne recueille ‘que’ 27% des voix des sympathisants de Gauche, 28% parmi les sympathisants PS et 22% parmi les électeurs potentiels, ce qui la place loin derrière François Hollande et correspond à des baisses importantes par rapport à la vague précédente réalisée le 14 avril (-8 points chez les deux premières populations, -20 points chez la 3ème).
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Toutefois, notons qu’elle reste au coude-à-coude avec François Hollande sur d’autres indicateurs :
- En termes d’image : d’après une enquête réalisée les 10 et 11 mai, Martine Aubry bénéficie de 42% de bonnes opinions parmi les Français, soit seulement 1 point de moins que François Hollande ;
- En termes de cote d’avenir : près de quatre Français sur dix souhaitent lui voir jouer un rôle politique important à l’avenir, soit autant que François Hollande (cf. cotes d’avenir ci-dessus) ;
- En termes de stature présidentielle : 81% des sympathisants socialistes estiment que l’actuelle Première secrétaire ferait une bonne candidate, soit un score équivalent à celui obtenu par François Hollande (80%).
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On le voit, ce ne sont ni les compétences ni l’avenir politique de Martine Aubry qui sont contestés. Ce dont elle pâtit peut-être avant tout aujourd’hui dans la course aux primaires socialistes, c’est de sa posture de candidate non-déclarée dont les motivations profondes doivent être questionnées par les Français. Mais une entrée en campagne rapide et réussie, articulée autour d’un discours convaincant, pourrait relancer la Première secrétaire du PS qui bénéficie de nombreux soutiens au sein de sa formation politique…
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Ségolène Royal, la difficulté à reproduire l’élan de 2007…
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Ségolène Royal, elle, peine à retrouver l’élan qui l’avait portée à être la candidate socialiste pour l’élection présidentielle de 2007. Sa cote d’avenir illustre ce phénomène : moins d’un Français sur trois souhaite aujourd’hui qu’elle joue un rôle important dans les mois et années à venir contre 56% en mai 2006, soit un an avant la dernière élection présidentielle. On imagine difficilement comment elle pourrait aujourd’hui renverser cette tendance à la baisse qu’elle connaît depuis quatre ans. Les sondages sur les primaires socialistes la placent régulièrement en mauvaise position tandis que les sondages d’intentions de vote la font apparaître comme la seule candidate socialiste qui ne se maintiendrait pas au second tour (comme l’ont révélé les dernières intentions de vote réalisées par Harris Interactive, où elle ne recueille que 15% des voix contre 19% pour Nicolas Sarkozy et 22% pour Marine Le Pen).
En outre, considérée en 2006 comme l’héritière fidèle du dernier Président socialiste (avec 21% de citations, derrière Jack Lang, 29%, mais devant Dominique Strauss-Kahn et Laurent Fabius tous deux à 13%), les sondages récents réalisés pour les 30 ans de l’élection de François Mitterrand ont démontré qu’elle avait perdu ce statut (avec seulement 10% de citations). C’est une nouvelle fois François Hollande qui apparait en bonne posture, avec 15% de citations, juste devant, à l’époque, Dominique Strauss-Kahn (14%).
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Contrairement à son ancien compagnon, elle ne semble pas avoir bénéficié de sa déclaration de candidature précoce et les derniers sondages réalisés montrent qu’elle ne ‘récupère’ que très peu de suffrages suite au retrait de Dominique Strauss-Kahn. Tout se passe comme si les sympathisants socialistes lui avaient déjà donné sa chance en 2007 et considéraient qu’elle ne pouvait plus aujourd’hui concourir.
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De nombreuses incertitudes entourent encore ces primaires
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François Hollande apparaît aujourd’hui comme le nouveau favori dans la course aux primaires socialistes. Mais de nombreuses inconnues demeurent, de l’attitude qu’adoptera Martine Aubry au cours des prochaines semaines à l’annonce d’éventuelles nouvelles candidatures (Bertrand Delanoë, Pierre Moscovici…) susceptibles de provoquer elles aussi des bouleversements dans la donne socialiste.
La période qui s’ouvre apparaît en tout cas comme un virage important à négocier pour l’ensemble des candidats à ces primaires et pour tous les socialistes. Certes, aujourd’hui, une majorité de Français (54%) déclare toujours croire possible la victoire de la gauche en 2012, même sans Dominique Strauss-Kahn. Mais cette proportion pourrait baisser si l’unité derrière un candidat n’était pas trouvée à l’issue de ces primaires et qu’au contraire celles-ci étaient l’occasion d’une compétition mettant en exergue les divisions pouvant exister au sein du PS.