Il pavane. Nicolas Sarkozy a ouvert « son » G8, ce jeudi à Deauville. Aussi bronzé que Dominique Straus-Kahn, à cause de ses weekends à répétition dans la luxueuse résidence de son épouse au Cap Nègre, le Président des Riches pouvait inaugurer seul et tranquillement cette rencontre des plus riches.
A Deauville, Sarkozy a fait le beau. «Ces images d'un président chef d'équipe parmi ses homologues valent de l'or quand les socialistes se remettent tout juste de l'affaire DSK» a confié un « proche » du Monarque au Figaro. Sarkozy recevait les «Grands de ce monde » (Etats-Unis, Canada, Japon, Russie, France, Grande-Bretagne, Allemagne et Italie), dans l'une des stations balnéaires les plus Bling Bling du pays. Nicolas Sarkozy amena Barack Obama à ses côtés sur la Croisette deauvilloise, devant quelques centaines de militants UMP et badauds triés qui attendaient avec enthousiasme. Le G8 est avant tout un spectacle. Quelques 1500 journalistes auraient été accrédités. Comme pour un Festival de Cannes, les autorités avaient prévu plusieurs statuts d'accréditations, la carte Pool ou le badge jaune canari, et même le cordon aux couleurs de l'Elysée.
Ces puissants avaient de « vrais » sujets. Dans la presse, certaines mauvaises langues continuaient d'insister sur la richesse de l'ancien rival DSK, sa prison dorée, ses indemnités, ou la fortune de son épouse. A Deauville, le luxe était officiel et assumé, à la hauteur du spectacle promis par Nicolas Sarkozy depuis des mois qu'il rabâche l'importance de cette présidence française des travaux du G8 et du G20. Les critiques médiatiques sur cet étalage indécent furent rares. N'imaginez pas que Sarkozy ait pu penser tenir ses G8 ou G20 près de Gandrange. Son G8 devait être à Deauville, en face du casino. Son G20, en novembre, sera à Cannes, à côté d'un autre casino qui jouxte le Palais. Les symboles sont difficiles. Il y a 30 ans, la dette des pays du Sud inquiétait le monde occidental. En 2011, la situation a bien changé. Le Japon est endetté à 200% de son PIB, la France à 82%, les Etats-Unis à 90%. C'est la réunion des « grands flambeurs », commente Alain Frachon pour le Monde. La dette est désormais leur problème.
La veille, le «e-G8» s'est clôturé. Rien n'a été décidé de bien concret. Ce n'était d'ailleurs pas l'objectif. Sarkozy cherchait à récupérer quelques minutes dans les JT du soir l'associant au développement du Web. Cela fait président moderne, dans son temps. Et notre Monarque est si moderne que ses communicants ont lancé cette semaine une application iPad/iPhone spéciale G8/G20. Incroyable !
Juste avant les premières réunions du G8, Sarkozy a profité de la présence du président russe Medvedev pour finaliser le fameux contrat des navires MISTRAL. Combien de fois faudra-t-il nous annoncer cette affaire comme faite, conclue, signée ? En juillet dernier puis à Noël, le monarque français avait déjà insisté sur ce contrat du siècle pour les chantiers navals de Saint-Nazaire. Ce 26 mai, le site Mer et Marine se contentait de titrer sobrement : « BPC : La France et la Russie semblent avoir trouvé un accord.» Et Sarkozy de déclarer : « Nous avons trouvé un accord définitif s'agissant des deux BPC construits en France et deux BPC construits en Russie. Les éléments de la signature et du contrat ont été réglés, la signature aura lieu dans les quinze jours ». Il disait déjà la même chose le 23 juillet dernier puis, via un communiqué triomphant, le 25 décembre dernier puis à nouveau en janvier.
Sarkozy, ou l'art de vendre plusieurs fois le même tapis...
Pour cette première journée, les grands leaders devaient discuter de sûreté nucléaire et changements climatiques. Il était temps. On a fini par oublier Fukushima. Trois réacteurs sur 6 sont entrés en fusion. Davantage d'évacuation de population civile sont à prévoir. Au déjeuner, entre l'entrée et le plat, ils ont levé un toast de solidarité avec le Japon. C'était un « déjeuner de travail ». Jeudi soir, les Grands et leurs conjoints se sont retrouvés dans un autre restaurant gastronomique, le Ciros, pour discuter ... du printemps arabe et la Libye.
Les Européens profitèrent également de cette première journée pour insister sur leur soutien à la candidature de Christine Lagarde à la tête du FMI. La ministre des Finances avait bien choisi son moment, mercredi veille de sommet, pour déclarer ses intentions. « On n'est pas ici pour faire du lobbying », a tenté de faire le président de l'Union européenne Herman Van Rompuy. Sans blague ? Rien n'est joué. Les pays émergents aimeraient le G8 profite de l'occasion pour mettre en pratique leurs grandes promesses de rééquilibrage de la gouvernance mondiale, et osent enfin casser cette fichue tradition d'octroyer la direction du FMI à un Européen et la présidence de la Banque mondiale à un Américain.
Mais l'actualité était en fait ailleurs. Son épouse Carla affichait son ventre arrondi, signe d'une grossesse préélectorale bienvenue. Sur la photo officielle, entourée de quelques-unes de ses homologues épouses de chefs d'Etat, elle pointa son regard vers son ventre avec suffisamment d'insistance pour que la prise photographique fut aisée. Et, comme l'expliqua l'un des envoyés spéciaux de BFM, sous le charme le plus complet, « Carla Bruni-Sarkozy entend bien profiter du G8 pour mettre ses projets avant. » Quels projets ? La lutte contre l'illettrisme. Depuis son arrivée à l'Elysée, la « première dame » s'essaye à cultiver une image de bienfaitrice à la Lady Die. Pour le plus grand bénéfice de son Monarque de mari. A Deauville, les communicants de l'Elysée n'ont pas oublié d'inscrire la présence de Carla Bruni-Sarkozy, la séance photo et son programme de l'après-midi dans l'agenda officiel de cette rencontre internationale. Seule ombre au tableau, Michelle Obama avait séché le sommet.
A Paris, à deux heures de train de ce faste international, la réalité est plus grise.
Des députés examinait une proposition de loi socialiste visant à légaliser le mariage homosexuel. Une députée UMP, Brigitte Barèges, commenta publiquement : « Et pourquoi pas des unions avec des animaux ? ». La députée a livré ensuite une curieuse excuse, par un communiqué de presse indiquant qu'elle retirait ses propos maladroits dont elle conteste qu'ils présentaient un caractère homophobe...
Plus discrètement, le gouvernement a fait changer la loi pour permettre au préfet Christian Lambert, nommé voici un an en Seine Saint-Denis par Nicolas Sarkozy à grand renfort de publicité, puisse rester en poste malgré son âge déjà avancé. L'homme fêtera ses 65 ans le 5 juin. La loi « Lambert », très courte (« le maintien en fonction au-delà de la limite d'âge de fonctionnaires nommés dans des emplois à la décision du gouvernement ») a été votée in extremis.
Ce weekend, Nicolas et Carla rentrerons à Paris.
En jet ou en hélicoptère.