Le sommet de Deauville qui s'ouvre aujourd’hui met le G8 sous le feu des projecteurs. Le Monde consacre au sujet deux pages hier et à nouveau de pleines colonnes aujourd'hui. La nouveauté est qu'on parle du G8 avec tant de détails, alors que ces dernières années, on n'entendait plus parler que du G20, pour regarder ce G8 avec commisération.
Faut-il que l'Occident soit mal en point pour retrouver de l'intérêt à ce cénacle.
Pour autant, dans mon livre sur l'Otan, je donnais à l'Alliance la fonction d’être un des derniers lieux de l'Occident. Or, il faut bien remarquer que les choses sont, évidemment, plus compliquées.
Regardez (écoutez ou lisez, plutôt), le discours d'Obama à Londres : on nous l'annonçait "transatlantique", ce ne fut qu'une ode à l'anglicité dans un curieux melting-pot mélangeant Américains, Irlandais et Anglais (si ! si ! vous avez bien lu, seul un Américain peut mélanger les choses à ce point). Dans un de ces contrepieds auquel l'époque est si accoutumée, voici donc le président de Washington qui chantait la "special relationship", pariant peut-être sur la longévité de l'actuel locataire du 10, Downing street, à moins qu'il n'évoquât une sorte d'intérêt rémanent pour la seule chose encore vaguement compréhensible en Europe..... Cette relation transatlantique, usuellement comprise de ce côté de l'Atlantique comme américano-européenne, serait alors réduite à la seule échelle du Levant résiduelle de ce rivage des Syrtes lointain et sans intérêt : une sort de désert des Tartares mâtiné de Julien Gracq. Fichtre ! voilà de l'ampleur géopolitique, voilà un beau dessein ! l'époque a les grandeurs qu'elle peut.
Du coup, le G8 ne paraît pas si décalé que cela : non pas qu'il enchante le ci-devant Obama, mais il faut bien faire front devant l'accumulation de déboires occidentaux. Voici donc ce cercle où l'on peut, au moins, parler de grands sujets (de grandes dettes ?), puisque ces émergents ne veulent pas prendre leurs responsabilités. Car si l’Occident n'a pas de cohésion, ou si peu, l'émergence n'en a aucune, la Chine rivalisant avec l'Inde, le Brésil jouant perso, le dernier acolyte du BRIC, la Russie, étant également membre du G8, allez comprendre..... L'émergence ne serait-elle que la face cachée de l'Occident ? l’Occident, autrement dit, ne serait-il que ce qui n'est pas émergent ? un club de riches (on l'avait compris) ou, plus exactement, un club d'anciens riches.... puisqu'aussi bien, c'est lui qui est endetté envers les pays "du sud"..
Ceci explique l’acharnement américano-européen à sauver ce qui peut l'être, et tout d'abord les présidences, au FMI et à la Banque Mondiale. J'avais écrit l'autre jour que l'Europe perdrait la succession de DSK : il semble que je me suis trompé, et que Mme Lagarde l'emportera : parce que les Américains veulent conserver la présidence de la BM et qu'en échange, ils appuieront la candidature européenne; parce que les émergents ne sont pas unis et n'arrivent pas à se réunir autour d'une candidature crédible.
Au fond, voilà à quoi sert réellement le G8 : à regrouper la famille pour conserver un front à peu près solide face à la désunion de l'autre. C'est une tactique. Pas une stratégie.
C'est au fond tout ce qui reste de la puissance occidentale..... un héritage à gérer.
Une manœuvre des restes, la mise à l'encan des derniers bijoux de famille, puisqu'on n'est pas tombé assez bas et que la spirale endettement / vieillissement / peur de l'autre nourrit ce défaitisme si loin de la prise de risque qui seule, conquiert les empires.
O. Kempf