Magazine Beaux Arts
Sans doute ne connais-je pas assez la culture indienne et je me suis trouvé un peu désarmé face à l’exposition Paris Delhi Bombay (je croyais qu’on disait Mumbaï…) au Centre Pompidou (jusqu’au 19 septembre ). Devant de nombreuses pièces des artistes indiens, j’ai eu le sentiment très clair de ne pas avoir tous les codes, toutes les histoires permettant d’entrer dans leur travail. Et ce n’est pas la rotonde pédagogique à l’entrée qui les donnera. Comme à Lyon, je me trouve désarmé face à un certain gigantisme, une certaine exubérance, me contentant d’un regard esthétique occidental : trop de casseroles, trop de papier peint, trop d’émerveillement naïf, béat et pas assez de compréhension.
Parmi les (trop) nombreuses pièces gigantesques, la seule qui m’ait touché est celle d’ Hema Upaddhyay, déjà remarquée à Lyon, Think Left, think right, think low, think high qui peuple les deux parois d’un long couloir avec les baraques d’un bidonville, faites de petits morceaux de boîtes de métal entre lesquelles on défile.
C’est alors devant les pièces plus simples, plus conceptuelles, plus réfléchies peut-être, que je me suis attardé. Ainsi les sculptures murales en guirlande de Sheela Gowda, faites de bouse malaxée et colorée (Gallant Hearts) ou de fils de crin, austères et pures.
Ainsi les os recouverts de velours et de bimbeloterie d’Anita Dube, talismans précieux, objets sensuels, féminins et féministes (Silence (blood wedding), en haut).
Ainsi la pellicule dégradée, abîmée, rayée, tachetée du film familial d’Ayisha Abraham. Ainsi le tapis fait de pièces métalliques de Sakshi Gupta. Ainsi le détournement des portraits Harcourt où la liberté aux seins nus guidant le peuple prend l’aspect de Pushpamala N , traduisant ainsi sa valeur universelle.
Je ne suis donc pas un bon critique de cette exposition qui m’est restée trop étrangère, et que j’irai sans doute revoir. L’exposition lyonnaise m’a semblé plus riche, plus accessible, favorisant pus la découverte.
Mais surtout l’échec radical de l’exposition de Pompidou est, à mes yeux, la pauvreté insigne des contributions de la quasi totalité des artistes français qui y ont été invités ; ils ont apparemment fait un petit voyage aseptisé en Inde et en sont revenus avec ce qu’ils montrent ici. Au mieux, ça n’a aucun rapport (Loris Gréaud, Cyprien Gaillard, Stéphane Calais) ou c’est pittoresque et documentaire (Camille Henrot); au pire, ce sont des appropriations superficielles, qu'on pourrait presque qualifier de coloniales à mes yeux (Pierre et Gilles, Kader Attia, Alain Declercq, Jean-Michel Othoniel). En voyant leur travail, on se dit qu’eux non plus ne savent rien de l’Inde ; n’existe-t-il pas d’artistes français moins 'branchés' mais un peu plus au fait de la spiritualité indienne, de la littérature, des films, de l’histoire ? pourquoi ce parti-pris ? pourquoi ces choix ? Inscrire cette exposition, par son titre, dans la lignée des grandes expositions Paris Berlin, Paris New York, Paris Moscou du Centre Pompidou il y a 30 ans est proprement mensonger. Le seul, l’unique Occidental à tirer son épingle du jeu (à part Gyan Panchal qui est bi-culturel), c’est Leandro Erlich, peut-être parce qu’il est le seul aussi à venir d’un pays émergent. La chambre qu’il a installée tout au bout de l’exposition, Le Regard, nous fait naviguer entre Paris et une ville indienne, c’est une œuvre passerelle, un vrai lien, le seul. Je vais d'ailleurs bientôt parler de son exposition actuelle au Moulin.
Photos de l'auteur.