A propos de La défense Lincoln de Brad Furman 3 out of 5 stars
A Los Angeles, Michael Haller (Matthew McConaughey), un avocat magouilleur spécialisé dans la défense de truands et autres trafiquants minables, a la particularité de travailler à l’arrière de sa voiture, une Lincoln Continental. Lorsqu’un jour, on lui propose de prendre la défense d’un riche « playboy » de Beverly Hills soupçonné de meurtre, Haller n’hésite pas une seconde à prendre l’affaire en main, tant elle parait juteuse et peu risquée. Mais Haller, pourtant lui-même roi de l’entourloupe, va peu à peu se faire manipuler par le suspect…
L’enjeu de La défense Lincoln n’est pas tellement de savoir si le « playboy » de Beverly Hills est innocent ou pas, cela, on l’apprend vite, mais il réside davantage dans le bras de fer psychologique et le jeu de manipulation auxquels l’avocat et son client se livrent.
La défense Lincoln ne brille pas tellement pour l’originalité de sa mise en scène. Cette dernière emprunte beaucoup aux stéréotypes des séries télévisées américaines : caméra à l’épaule, zooms en gros plans sur les visages, multiplication des plans et des points de vue jusqu’au choix des lumières (le ton et les couleurs des éclairages font penser à Les experts) et de la bande son très « hip-hop ».
Mais l’intérêt de La défense Lincoln n’est ni dans l’éventuel suspense ni le brio d’une mise en scène somme toute assez plate. Le polar de Brad Furman (adaptation du roman éponyme de Michael Connelly) est surtout joué par un excellent Matthew McConaughey, plutôt discret ces dernières années (Hanté par ses ex, 2009) et que l’on est heureux de retrouver dans un premier rôle. On se souvient du rôle d’avocat qu’il tenait déjà dans Amistad de Spielberg (1998) dans lequel il luttait pour l’abolition de l’esclavage. Dans une récente interview, McConaughey a confié que son physique de « beau gosse surfeur » l’avait souvent desservi pour trouver des rôles consistants. Dans La défense Lincoln, il trouve non seulement un rôle à sa hauteur, mais porte le film de bout en bout, lui donnant toute sa tension et son épaisseur dramatiques.
C’est Michael Connelly, après avoir vu Tonnerre sous les Tropiques, 2008, qui aurait insisté pour que McConaughey joue le rôle de Michael Haller. Il y a deux films dans La défense Lincoln, comme deux facettes dans la personnalité de Haller. Dans la première partie du film, McConaughey joue un avocat bel homme, frimeur et superficiel, spécialisé dans les affaires sordides. Peu scrupuleux, attiré uniquement par le gain, quitte à faire des transactions à la limite de l’honnête, il défend toutes les petites crapules de Los Angeles sans distinguo.
La seconde partie du film dévoile un personnage beaucoup plus complexe, à la fois profond et torturé. Haller, dont le père était déjà avocat, est en fait un magistrat un peu rebelle et en conflit ouvert avec les juges et la police qu’il accuse de monter sans scrupules et de toutes pièces des fausses preuves pour faire accuser ses clients. La police ne l’aime pas non plus, qui l’accuse à son tour de faire libérer ou purger des peines ridicules aux pires criminels de la ville.
Celui qui l’on prenait pour un avocat lisse et matérialiste est en fait préoccupé par la question de l’innocence. Haller s’en veut de n’avoir pas cru ni même écouté autrefois l’un de ses clients qui clamait son innocence et qui a pris 15 ans pour un meurtre qu’il n’a pas commis. Ces questions de la culpabilité et du remords sont au cœur de La défense Lincoln et du personnage de Haller. Dans une confession poignante à son ex-femme, Haller confiera qu’au-delà de l’innocence et de la culpabilité, c’est la question du mal, du pur mal, incarné et gratuit qui le terrorise.
Ce personnage d’avocat à la fois « pourri » mais rongé par la culpabilité fait penser au Bad Lieutenant de Ferrara, toutes proportions gardées concernant la mise en scène ici. Mais c’est la composition de McConaughey qui mérite que l’on aille voir le film…