Avant la crise financière de 2008, AIG, la plus grande compagnie d’assurance du monde, vendait à tour de bras des produits financiers qui étaient censés assurer contre le risque de perte de valeur des fameux crédits subprimes. Des banques, comme la Société générale en France, en avaient achetés pour plusieurs dizaines de milliards d’euros. Le tout dans la plus grande opacité puisque aucun régulateur n'avait une vision claire de combien AIG avait vendu de ces produits toxiques et à qui les détenait au final. Résultat: impossible pour les autorités publiques de savoir quels étaient les risques réels d’AIG et des banques qui avaient acheté ces produits. Ainsi, quand la crise s'est déclenchée en septembre 2008, AIG n’a bien entendu pas été capable de payer à ses clients les primes d’assurance, et les banques européennes qui avait acheté ces produits; dont la Société générale, ont de fait été sauvées par le trésor américain qui a payé à la place d’AIG les primes dues.
Les Etats se sont donc engagés au G20 de Londres et de Pittsburgh en 2009 à changer de logique: au lieu de laisser les produits dérivés être échangés de manière bilatérale sans aucun contrôle, ils ont décidé de centraliser l'ensemble des transactions dans des sortes de bourse spécialisées strictement réglementées appelées chambres de compensation.
C'est la mise en oeuvre législative en Europe de cet engagement de principe que je négocie intensivement depuis plusieurs semaines. Car du principe aux actes se posent de nombreuses questions: faut-il une ou plusieurs chambres de compensation en Europe? En faut-il une obligatoirement dans la zone euro? Comment garantir que ces entités qui vont concentrer le risque pour mieux le gérer n’implose comme certaines banques ont pendant la crise elles mêmes implosées? Sera-t-il possible pour ces entités de se faire concurrence sur les exigences liées au système de contrôle des risques? Qui va contrôler ces chambres de compensation, l’autorité du pays où elle est située ou une autorité européenne? Qui va décider que tel type de produits dérivés pourra être échangé sur telle ou telle plate forme, les autorités publiques, les clients utilisateurs de ces produits, les banques qui les vendent?
Autant de questions à la fois politiques, géopolitiques et techniques qui constituent le cœur du texte voté en commission des affaires économiques aujourd’hui. Celui-ci va très largement dans le bon sens et reprend de nombreux amendements que nous avons déposés. Nous avons par exemple obtenu que les règles en matière de contrôle des risques soient harmonisées au niveau européen afin d'éviter tout dumping réglementaire entre les différentes chambres de compensation. Nous avons également obtenu le fait que tous les échanges de produits dérivés, qu'ils soient réalisés sur une chambre de compensation ou traités de manière bilatérale, fassent l'objet d'un reporting sans aucune exception aux autorités publiques qui pourront ainsi avoir une vision claire des risques des différents acteurs financiers.
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