Elle est donc candidate, et qu'importe si les casseroles s'accumulent. Christine Lagarde s'est lancée à la conquête des voix des membres du FMI pour remplacer Dominique Strauss-Kahn. Elle croit en ses chances, et qu'importe les affaires.
En France, Xavier Bertrand, ministre du Travail, nous refait le coup du story-telling précipité sur la prétendue baisse du chômage. C'est faux, mais ça fait plaisir.
Lagarde y croit
L'enquête demandée par la Cour de Justice de la République dans le litige Crédit Lyonnais/Tapie ne l'en n'a pas dissuadé. Mediapart a publié le rapport du procureur Nadal adressé à la Cour de Justice. Et la charge est sévère : « Madame la ministre a constamment exercé ses pouvoirs ministériels pour aboutir à la solution favorable à Bernard Tapie que l'assemblée plénière de la Cour de cassation paraissait pourtant avoir compromise. » En langage judiciaire, et courant, on appelle cela un abus d'autorité. Christine Lagarde, si l'enquête confirme, risque la mise en examen.
Christine Lagarde a quand même écrit sa lettre de motivation et convoqué une conférence de presse pour l'annonce. Toute l'Europe est derrière elle. Mardi, son collègue Baroin a précisé que même la Chine soutenait la candidature Lagarde. Mais il ajoutait : «Mais vous comprendrez aisément, compte-tenu des circonstances de la démission du directeur général du FMI et qu'il n'y pas d'orgueil national dans cette affaire, que ce n'est pas à la France de se positionner en premier.» Et bien finalement, c'est bien la France qui, malgré le scandale DSK, s'est positionnée en premier. A gauche, à l'exception de Martine Aubry, les soutiens furent modestes.
Depuis mercredi 25 mai, la ministre des Finances est officiellement candidate à la direction générale du Fond Monétaire Internationale depuis mercredi 25 mai. Evidemment, elle ne lâchera pas la proie pour l'ombre. Elle ne quittera pas son ministère tant que l'affaire n'est pas close. François Baroin, son collègue du Budget, aimerait récupérer son périmètre. En 2007, Nicolas Sarkozy à peine élu avait « innové » en séparant les Finances du Budget. Diviser pour mieux régner...
Pour Sarkozy, ce serait une jolie perte mais une belle consécration. Si elle était retenue, le Monarque se prévaudra d'avoir choisi quelqu'un de qualité à son gouvernement. Même si, finalement, il perdra l'un des rares ministres anglophones de son gouvernement alors que les négociations au sein du G20 sous présidence française ont à peine commencé.
« Ce n'est pas pour 18 mois (c'est-à-dire le temps qu'il restait à Dominique Strauss-Kahn à la tête de l'institution, NDLR), mais pour cinq ans que je suis prête à m'engager » a précisé Christine Lagarde.
Jusqu'au prochain scandale ?
Bertrand y croit
« Le chômage recule encore en avril » titre le Figaro. Vraiment ? Précisons « encore » l'information. Le ministre du travail Xavier Bertrand s'est réjoui de ces résultats avant même qu'ils ne soient rendus publics. «La tendance est à la baisse, s'est réjoui le ministre. On n'avait pas connu ça depuis le début de l'année 2008, c'est-à-dire avant la crise. Si vous y ajoutez la tendance pour l'emploi des jeunes qui est bonne, l'emploi des cadres qui s'améliore et les heures supplémentaires qui reprennent, on dessine une sortie de crise» a-t-il expliqué sur RTL mercredi 25 mai au matin . La méthode est habile. Le commentaire préalable permet d'éviter les questions trop précises sur les chiffres puisqu'il est seul à les avoir. Et toute la presse a docilement relayé la propagande officielle.
Quelques heures plus tard, la DARES livrait son bulletin. Et l'on pouvait mesurer, mais trop tard, l'ampleur du story-telling officiel.
Le nombre de demandeurs d'emploi, toutes catégories confondues atteint 4,91 millions de personnes. Sur un an, il est toujours en progression de 3%. Sur le seul mois d'avril, il a baissé de 0,2%, c'est-à-dire rien. Le nombre de créations d'emploi dans le secteur marchand est resté par ailleurs très faible (58 000 postes au premier trimestre selon l'INSEE).
Sur la simple catégorie A (i.e. les chômeurs sans aucune activité), le nombre de demandeurs d’emploi inscrits à Pôle emploi s’établit à 2.669.000 en France métropolitaine fin avril 2011 (soit 11.000 de moins qu'en mars). Sur un an, ce nombre est stable (+0,2%). Près de 19% de ces chômeurs sont par ailleurs bénéficiaires du RSA.
En fait, le nombre de petits boulots s'envole. Et c'est bien là la mauvaise nouvelle, l'information essentielle : Le nombre de demandeurs d’emploi inscrits à Pôle emploi en catégories B (+6% sur un an) et C (+13% sur un an) s’établit à 1.370 en France métropolitaine fin avril 2011 (+ 5.000 versus mars).
En avril 2011, le nombre de sorties du chômage pour cause de reprise d'emploi est inférieur à son niveau d'il y a un an (105.000 versus 109.000).... Quelle reprise ! A l'inverse, les radiations administratives ont progressé de 19% en un an (48.000 en avril 2011, 40.000 en avril 2010). Les sorties pour cessations d'inscription pour défaut d'actualisation sont en très légère baisse (-1%).
Les nombres de chômeurs de plus de 2 ans et de plus de 3 ans ont « encore » progressé en avril 2011, respectivement 0,7% et 1,3%.
Pour le gouvernement, l'enjeu est d'espérer ou de faire croire que la reprise est là. Les offres d'emploi durable (plus de six mois) collectées par Pôle emploi n'ont pas recouvré leur niveau d'il y a un an : 119.300 versus 119.500 (après une baisse de 5,3 % en mars 2011). Les offres d’emplois temporaires (de 1 à 6 mois) sont « encore » en hausse de 6.000 postes.
Xavier Bertrand, ce mercredi, n'avait pas envie de commenter un autre résultat, pourtant publié par ses services. Le nombre de bénéficiaires de Dispenses de Recherche d'Emploi (DRE) a « encore » baissé en 2010, rapporte la DARES. Fin 2010, en France métropolitaine, 266.000 personnes indemnisées, âgées de 55 à 65 ans, bénéficiaient d’une DRE, contre 324.000 fin 2009, et 352.000 fin 2008. La loi du 1er août 2008 relative aux droits et devoirs du demandeur d’emploi prévoit la suppression totale des entrées dans ce dispositif l'an prochain. Sarkozy voulait supprimer les pré-retraite. Depuis 2009, l'âge d'entrée a ainsi été reculé progressivement. On sait qu'en parallèle, le nombre de plus de 55 ans bénéficiaires d'une rupture conventionnelle de leur contrat de travail s'est envolée.
Et d'ailleurs, dans les statistiques du chômage publiés par la même DARES, le nombre de chômeurs de plus de 50 ans augmente « encore » : 4.000 de plus en avril (sur les catégories A, B et C), et +14% sur 12 mois.
Plus on est vieux, plus on reste longtemps chômeur : Les 50 ans et plus restent en moyenne 401 jours inscrits chez pôle emploi, soit 25 jours de plus qu'en mars 2011 !.
Le même jour, la CFDT pourtant peu critique à l'égard de la fusion de l'ANPE et des ASSEDIC a publié une enquête d'une soixantaine de pages sur la déplorable situation de Pôle emploi : « malaise des deux côtés du guichet ». Edifiant...