Au final, l’informel est une richesse pour notre pays. Il faut l’utiliser. Il faut leur donner l’aide nécessaire de formation, Alors que nos médias, nos hauts fonctionnaires, nos syndicats, nos politiques, sont préoccupés par ces jolis dossiers que sont le développement durable, l’amélioration des revenus des fonctionnaires, le dialogue social, les technologies de l’information et nos fameux diplômés chômeurs; c’est une large frange de notre société qui est en attendant, laissée à l’abandon.
L’informel en effet représente 40% de l’emploi total du pays. En d’autres termes, c’est l’informel qui nous sauve actuellement d’un taux de chômage à deux chiffres… Et qui nous permet de trouver facilement un bidouilleur en plomberie, en électricité, en mécanique, ou encore en menuiserie pour nous dépanner.
Ils sont près de 2,5 millions à vivre de ces petits métiers, sans couverture sociale, sans salaire minimum garanti, sans être inscrits dans une quelconque échelle de la Fonction publique, et sans prétendre à une quelconque promotion. Travailleurs silencieux, ils vont tôt le matin à leur besogne, rentrent tard, sans compter les heures et souvent avec le sourire.
Aucun d’eux n’a l’idée -ni le temps-, de manifester devant le Parlement ne serait-ce que pour revendiquer son droit au travail, au moins comme compensation de l’éducation qu’il n’a pas reçue et à laquelle il avait droit.
Tout le monde les pointe du doigt, même les syndicats qui dénoncent toutes les infractions au Code du travail concernant les apprentis parfois employés dans les micro structures informelles.
Il ne faut pas faire d’amalgame. Certes quelques entreprises employant plus de quatre employés peuvent être considérées comme non citoyennes, en ne déclarant pas leurs salariés et en ne payant pas leurs impôts. En fait, ces structures emploient moins de 5% de la totalité des emplois informels. Il n’y a pas de quoi fouetter un chat. 95% de tous les autres emplois sont finalement le fait de personnes nécessiteuses qui se débrouillent du mieux qu’elles peuvent pour subsister dans la dignité, déchargeant ainsi l’État et la société d’un lourd poids.
Oui, l’informel est une richesse pour notre pays. Il faut l’utiliser. Il faut leur donner l’aide nécessaire de formation, de capitaux et de protection sociale. Tous ces gens laborieux sont méritants et font preuve d’un esprit de créativité et d’initiative. Plutôt qu’à ne penser qu’à les taxer, les imposer, les charger de sécurité sociale, il faut leur donner les moyens pour améliorer la qualité du service qu’ils rendent à la population.
Voyez plutôt ce que coûtent les diplômés chômeurs à qui on a garanti des emplois depuis plusieurs années: environ 30.000 ont bénéficié de ce cadeau qui coûte 2,5 milliards DH par an, 13 milliards en 5 ans… Sans oublier qu’ils ont reçu 50.000 DH par an durant leurs études universitaires soit environ 8 milliards DH.
Pourquoi l’État qui déniche ces milliards pour 30.000 citoyens qui ont en quelque sorte déjà reçu l’éducation qui leur était due, ne fait-il pas autant pour ces 2,5 millions de personnes qui vivent de l’informel et qui elles n’ont rien reçu?
L’informel doit être utilisé de façon dynamique dans notre pays afin de le transformer en outil de développement. Imaginez juste un instant ces 2,5 millions de travailleurs, encadrés, formés, maîtrisant la qualité… L’incidence sur tout notre environnement en serait énorme.